L’essor du e-sport : potentielle aubaine stratégique

En France, le marché du e-sport est en pleine expansion, atteignant 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 et 1,6 million de joueurs amateurs. Au-delà de cette croissance et de l’effet médiatique, l’e-sport français fait aujourd’hui face à des défis de taille que la nouvelle stratégie nationale voulue par le Président de la République entend relever. Comment la France se prépare t-elle à devenir un acteur clé dans le panorama e-sportif international ?

Par Diane Cassain

L’e-sport à l’international

Les chiffres liés au e-sport dans le monde ont de quoi impressionner : 1,13 milliard de chiffre d’affaires en 2021, une audience globale qui devrait continuer de grimper en 2022 pour atteindre 532 millions de téléspectateurs1, 73 millions de personnes connectés simultanément lors de la dernière coupe du monde du jeu League of Legend2 et plus de 3,2 milliards de gamers à travers le monde3. Sans grande surprise, le marché chinois est le plus rentable et représentera un tiers des revenus mondiaux à la fin de l’année 2022. Côté français, le palmarès des joueurs est honorable : vice-champion du monde 2021 de Magic Arena pour Jean-Emmanuel Depraz, vice-champion d’Europe pour Adam sur League of Legends ou encore ZywOo sacré meilleur joueur du monde en 2019 et 2020 sur le jeu Counter-Strike: Global Offensive. Mais, la filière française est-elle soutenue par un écosystème solide ?

Quelle stratégie française ?

« Aujourdhui commence une nouvelle ère, pas simplement pour vous reconnaître mais pour vous aider à vous structurer, à avancer et progresser » déclarait Emmanuel Macron à l’écosystème e-sportif français, réuni à l’Elysée le 3 juin dernier.

L’exécutif, conscient de l’émergence de ce nouveau secteur, a développé une stratégie sur cinq ans, visant à faire de la France le leader européen du domaine à horizon 2025. Il entend promouvoir le développement d’une pratique e-sportive responsable et socialement valorisée, créer un parcours de formation pertinent notamment pour les joueurs de haut-niveau, mettre en place une politique de soutien des acteurs du e-sport en France et mettre en valeur l’attractivité de la France et de son écosystème auprès des acteurs de la filière. « La dernière intervention du Président nous donne l’espoir d’une nouvelle prise en compte des acteurs du secteur ! Accompagnement à la structuration de la filière amateur et professionnelle sur l’ensemble du territoire national, en répliquant certains dispositifs déjà éprouvés dans l’écosystème sportif traditionnel, ajustement des textes et règlements pour favoriser le développement de la filière économique, soutien à l’accueil de grands évènements e-sport internationaux, de nombreuses pistes de travail ont été évoquées ces dernières semaines par les pouvoirs publics. Nous sommes maintenant pleinement engagés pour accompagner cette ambition portée au plus haut niveau de l’Etat !» déclare de son côté Désiré Koussawo, président de France esport, association ayant pour vocation de fédérer l’écosystème national.

E-sport et menace cyber

Comme tout secteur en expansion, le e-sport n’échappe pas à la multiplication des menaces cyber à son encontre. Les cybercriminels prennent pour cible les gamers, communauté protégeant peu ses données personnelles4. En 2019, la société Vialis, partenaire du premier Colmar Esport Show a été victime d’une cyberattaque DDoS pénalisant une majorité des 550 joueurs présents. Les tournois ont dû être interrompus durant plusieurs heures.

Les cyber attaquants pourraient également utiliser les tournois d’e-sport, très médiatisés, pour diffuser des messages à caractère idéologiques ou politiques.

Un autre phénomène en pleine expansion dans le domaine du e-sport inquiète de plus en plus : l’e-doping. Il s’agit de la « manipulation de logiciels ou de matériel informatique pour donner au joueur un avantage spécifique […] ou le desservir […]. Au-delà des softwares, le-doping concerne des produits pharmaceutiques interdits et contrôlés qui permettraient au gamer de voir sa concentration augmenter »5. Cette pratique, passible de sanctions, a amené la ligue de sport électronique à développer des contrôles antidopages.

Les mesures de protection destinées à éviter les potentielles cyberattaques se multiplient. Sensibilisation et recours à des cabinets de conseil en cybersécurité pour former les joueurs et les équipes sont les deux propositions principales.

E-sport et NFT : lespoir dune nouvelle manne économique

« Les équipes e-sportives sont aujourdhui dans une phase dinvestissement et, elles sont peu nombreuses à dégager des bénéfices. Celles qui sont rentables le sont grâce à leurs activités annexes » explique Désiré Koussawo. Les recettes générées ne permettent pas de couvrir les coûts de fonctionnement faramineux des principales équipes. C’est dans ce contexte qu’est née la promesse des NFT. Déjà présent dans le monde numérique, l’e-sport pourrait développer ses propres NFT. Le phénomène est déjà en marche. « Dans le domaine du e-sport, les NFT permettent davoir une économie qui se rapproche de l’économie réelle » témoigne Thibault Verbiest , cofondateur de Payfoot et avocat associé chez Metalaw. S’il s’agit d’une nouvelle source de revenus pour les équipes, les NFT ont aussi un intérêt pour les joueurs d’e-sport. « Avec ces jetons, il est possible de gagner quelque chose ayant aussi une valeur dans le monde réel et non pas seulement des points dans le cadre du jeu. La technologie blockchain garantit au joueur d’être le propriétaire du NFT. Il est ensuite possible de vendre cet actif en dehors du jeu » détaille l’avocat. Une économie parallèle pourrait donc voir le jour grâce aux NFT dans l’e-sport. « Les NFT ont vocation à devenir un standard dans les jeux » ajoute-t-il. La question n’est donc plus de savoir si les NFT auront ou non un avenir dans l’e-sport mais plutôt combien de temps mettront-ils à se démocratiser dans cet univers…

Metavers et e-sport : vecteur dinclusion

De plus en plus d’événements liés au e-sport ont lieu dans le metavers, à l’image de la EA Sports FIFA22 Champions Cup du Qatar, compétition qui s’y est entièrement déroulée en mai dernier. Pour une expérience de jeu plus complète, le metavers semble être le lieu idéal. Payfoot, jeu en ligne de football co-fondé par Thibault Verbiest, aura son propre metavers lors de sa mise sur le marché ce mois de juillet 2022. Dans cet univers virtuel, le joueur pourra non seulement jouer mais aussi acquérir des NFT ou encore assister à des matchs dans des stades. « Dans le metavers, il ny a aucune limite » souligne Thibault Verbiest. Et d’ajouter : « Cet univers permet à des personnes de vivre leur rêve alors même quelles ne le pourraient pas dans le monde réel. Lobjectif est de créer un espace dinclusion financier et social. Lintention nest pas de répliquer le football tel quil est aujourdhui, avec des puissants et des faibles mais de le décentraliser au maximum. Cette volonté nous a poussé à créer des tokens de gouvernance. Ils seront donnés gratuitement à tous ceux qui rejoignent le metavers de Payfoot et permettront de participer à la démocratie au sein de lunivers ».

L’inscription de l’e-sport aux JO 2024 ne vient que renforcer cet engouement autour de la pratique longtemps délaissée par les pouvoirs publics. « Les JO-2024 peuvent être une occasion de se donner des objectifs très importants et dutiliser cet événement pour avoir une mobilisation dans l’esport français et international » a déclaré Emmanuel Macron le 3 juin dernier. Le Président tiendra-t-il ses promesses d’impulsion d’une stratégie impliquant tous les acteurs et qui permettrait de faire briller l’e-sport français au plus haut niveau ? A moins de 2 ans de ce rendez-vous tant attendu, beaucoup reste à faire pour atteindre l’apothéose en 2024… A vos marques !

1 “Global Esports & Live Streaming Market Report”, Newzoo, 2022

2“Riot Games annonce un pic à plus de 73 millions de spectateurs pendant la finale des Worlds 2021”, AAA

3 Arthur Aballéa, “7 chiffres clés sur le gaming en France et dans le monde en 2022”

4 “E-sport: le monde des gamers est t-il déjà impacté par la cybersécurité ?”, Devoteam, 21 novembre 2019

5 Ibid