L’Ejército de Liberación Nacional : acteur majeur de l’insécurité en Colombie

L’Ejército de Liberación Nacional (ELN), considéré comme la dernière guérilla de Colombie, créé en 1965 joueun impact certain sur l’insécurité en Colombie et dans une partie du Venezuela. L’ELN représente un véritable fléau pour le pays et l’échec des négociations entre le gouvernement et le groupe armé suscite de nombreuses questions… Comment endiguer ce cycle infernal de violences ? Quelle sera l’action du nouveau gouvernement pour lutter contre ces groupes armés qui terrorisent les populations ?

Par Diane Cassain

L’insécurité : frein au développement du pays

« L’absence de développement en Colombie résulte de deux principaux obstacles. Premièrement, nous navons pas d’institutions étatiques dans bon nombre de nos régions et, deuxièmement, nous ne pouvons compter sur aucune économie licite car les groupes armés gouvernent en quelque sorte la plupart des régions en Colombie. » explique Oscar Palma, maître de conférences à la faculté d’études internationales, politiques et urbaines de l’Université del Rosario à Bogota. Et d’ajouter : « Il y a une forte relation entre le manque de développement et l’insécurité. L’un ne fonctionne pas sans lautre. Malheureusement, nous sommes actuellement dans un cercle vicieux».

Un fléau dont les conséquences affaiblissent le pouvoir de la Colombie. «Le fait que la plupart du territoire colombien soit abandonné par lEtat empêche sûrement le pays d’avoir plus de poids sur la scène régionale et internationale » développe Oscar Palma.

Une stratégie de terreur

Décrétées pour un temps donné, les grèves armées restent l’une des principales modalités d’action du groupe. Lors de ces événements, les populations ont l’interdiction de sortir sous peine de représailles de la part de l’ELN. L’accès à la nourriture ou aux soins étant limités, les populations des régions concernées n’ont d’autres choix que de se soumettre aux guérilleros. L’ELN enlève régulièrement des membres des forces de l’ordre ou des civils. Le 13 juin dernier, l’ELN a ainsi revendiqué l’enlèvement de deux militaires à Arauquita dans le département d’Arauca1. Les relations parfois tendues avec les autres groupes armés ne font que renforcer l’insécurité globale dans le pays. Le harcèlement des forces de sécurité fait partie des méthodes privilégiées des groupes de guérilla. Les militaires colombiens, cible privilégiée de l’ELN, subissent régulièrement des pertes. Deux d’entres eux ont perdu la vie le 7 juin dernier2, un autre le 11 juin3 et 6 soldats ont été blessés par un engin explosif le 19 juin4.

Des relations complexes avec les autres groupes armés

Les groupes armés, nombreux dans le pays, se disputent des territoires et n’hésitent pas à prendre les armes pour les obtenir ou les défendre. Au début de l’année 2022, 23 personnes sont ainsi mortes lors d’affrontements entre un groupe dissident des FARC et l’ELN dans plusieurs municipalités à la frontière venezuelo-colombienne5. A l’ouest du pays, le département de Chocó est également en proie à ces affrontements réguliers entre le clan del Golfo et l’ELN6. « Tous les groupes armés colombiens interagissent les uns avec les autres. Parfois, certains groupes armés peuvent se battre pendant un temps puis coopérer par la suite. En Colombie, les alliances sont extrêmement volatiles et causent, de fait, de l’insécurité » souligne Oscar Palma. Cette volatilité rend alors la cartographie des alliances compliquée pour les chercheurs ou les forces de sécurités du pays.

Impact des groupes armés sur les relations diplomatiques

La présence de ces différents groupes armés, et plus particulièrement de l’ELN sur le sol colombien freine son développement sur la scène internationale mais affecte également les relations diplomatiques de la Colombie avec les autres pays de la région, en particulier avec son voisin venezuelien. « Le gouvernement de Duqué a toujours refusé toute discussion avec le Venezuela. Il ny a aucune discussion, aucun partage dinformation et aucune coopération entre les deux Etats. Nicolas Maduro, de son côté, a utilisé l’argument de laction des groupes armés colombiens au Venezuela pour affirmer que la Colombie souhaitait déstabiliser le pouvoir en place et réaliser un coup-dEtat » explique Oscar Palma.

Et, le Venezuela n’est pas le seul pays avec lequel les relations diplomatiques se sont tendues. La Colombie a été accusée d’ingérence dans la campagne électorale équatorienne de 2021. Le procureur général colombien, Francisco Barbosa, s’est rendu, pendant le processus électoral, en Equateur pour apporter des preuves selon lesquelles la campagne présidentielle du candidat de gauche avait été en partie financée par l’ELN. Plusieurs voix se sont élevées contre cette visite, qualifiée de crime par certains ou encore d’interventionnisme par d’autres7.

Une sortie de crise envisageable ?

Si les négociations d’un processus de paix avait débuté entre l’ELN et le gouvernement colombien en 2017, elles ont été interrompues en 2019, après que la guérilla ait été accusée d’avoir fait exploser une voiture piégée devant une école de police, faisant 20 morts.

Avant les élections présidentielles, aucune sortie de crise ne semblait envisageable dans la mesure où Ivan Duqué, ancien président, refusait toute négociation. Le président nouvellement élu, Gustavo Petro, est lui favorable à un processus de paix avec l’ELN. Il a ainsi déclaré « Le gouvernement qui entrera en fonction sera celui de la vie, de la paix, de la justice sociale et de la justice environnementale. »Quelles seront donc les propositions formulées par le nouveau gouvernement ?« me si nous ne connaissons, pour lheure, pas les mesures qui seront prises par ce nouveau président pour lutter contre lELN et l’insécurité en Colombie, il est certain quune seule réponse militaire ne sera pas suffisante. Il devra apporter une solution plus complète de développement dans les régions laissées à l’abandon » intervient Oscar Palma.

« Si lon veut un vrai processus de paix avec lELN, il faut agir dès 2022. Si les négociations aboutissent, le panorama stratégique de la Colombie va être modifié et dautres groupes prendront leur place. La dissolution de lELN pourrait causer une guerre de territoires plus importante encore entre les groupes armés restants » avertit Oscar Palma. Comment le nouveau président luttera-t-il pour stopper ce cercle infernal de violences ? Réponse d’ici quelques mois…

1 “ELN se atribuyó el secuestro de dos militares en Arauca”, El Colombiano, 13 juin 2022

2 « Al menos dos soldados muertos en Colombia por un ataque de los terroristas de ELN », La Gaceta, 7 juin 2022

3 « Un policía y dos guerrilleros muertos por ataque contra estación de policía en Tibú, Norte de Santander », Infobae, 11 juin 2022

4 « Seis soldados resultaron heridos en un atentado con explosivos en Tibú, Norte de Santander », Infobae, 19 juin 2022

5 “Combates entre guerrillas dejan al menos 23 muertos en Colombia”, DW, 4 janvier 2022

6 “El Chocó, un territorio colombiano abandonado y sometido por la violencia”, La estrella de Panamá, 8 mai 2022

7 Alberto García, “El recuento electoral y la entrada en campaña del fiscal general colombiano enturbian la segunda vuelta en Ecuador”, Atalayar, 21 février 2021