Boxer pour se libérer

Sabrina Maroufi, boxeuse depuis plus de 25 ans, est une femme de projets et de combats. Elle a développé, dans son Nord natal, la boxe thérapie. Gestion des émotions, libération de la parole et confiance en soi sont les maîtres mots de cette discipline visant à surmonter les épreuves de la vie grâce au sport et à la boxe en particulier. Rencontre avec une femme, déterminée, bienveillante, à l’écoute de ses élèves et d’un enthousiasme à toute épreuve.

Propos recueillis par Camille Léveillé

Une passion dès lenfance

Sabrina a six ans la première fois qu’elle passe la porte d’une salle de boxe. Son père boxeur l’emmenait assister à ses entraînements. Jusqu’à ses huit ans, la jeune fille observe, écoute et admire cet autre monde. Elle en fait partie, mais les jeunes filles sont rares dans cette pratique sportive. Un jour, son père lui annonce qu’elle ne pourra pas continuer la boxe. Obéissante, Sabrina Maroufi entre au collège où tout ne se passe pas très bien. « J’étais une fille extrêmement timide qui ne pouvait pas prendre la parole en public et qui gérait mal ses émotions. Les autres élèves n’étaient pas très agréables, c’est le moins que l’on puisse dire» confie la boxeuse. « Il me fallait un exutoire. A ce moment là, j’ai dit à mon père que je souhaitais reprendre la boxe. Il n’était pas forcément enjoué mais après de longues discussions, il a accepté de me trouver un club. Seuls les garçons et les hommes boxaient. Je voyais peu à peu ce à quoi je m’accrochais s’évaporer… puis, juste à côté de notre maison, un tout petit club accueillait deux filles licenciées. Jai donc commencé ici avec mon petit frère. Lui était vraiment doué. Moi, en revanche, moins. Mais javais un entraîneur à l’écoute qui m’encourageait, me valorisait dans mes efforts, ma persévérance et ma progression. Je ne voulais pas lâcher. Jai donc continué à mentraîner dur, pour progresser, encore, toujours. Mon objectif était de vaincre ma timidité et de prendre confiance en moi. A 16 ans, mon entraîneur m’a confié l’entrainement des enfants du club. » explique-t-elle

Cette nouvelle responsabilité donnée à Sabrina Maroufi aura l’effet escompté, lui donner confiance. Après un premier titre de Vice Championne de France de boxe française savate en 1998, Sabrina Maroufi décroche le titre de championne de France universitaire en boxe anglaise en 2000. Les efforts, l’entrainement et la bienveillance de l’encadrement semblent avoir plus que porté leurs fruits !

Rendre la pareille

Alors, pour la famille Maroufi, impossible de se contenter de cette réussite. Il faut partager, redonner, transmettre… « La boxe a été salvatrice pour moi. Je dis souvent que la boxe m’a sauvée. C’est ce que j’ai dis à mon père. Il m’a alors répondu : très bien Sabrina. Alors nous allons à notre tour aider d’autres personnes grâce à la boxe. Il nous a proposé, à mon frère et moi, d’ouvrir un club de boxe française savate à Tourcoing pour les jeunes en difficulté. Mon oncle, lui, connaissait bien les travailleurs de la Croix-Rouge qui ont confié des jeunes suivis par cet organisme. Il n’y avait que des hommes. Mais avec mon niveau et mon expérience, ils m’ont tout de suite respectée » raconte la boxeuse.

Sabrina boxe et entraine, en parallèle de plusieurs emplois qu’elle enchaîne. Professeure de commerce dans un BTS, elle ne se sent pas à sa place. Elle ressent ce besoin d’aider les élèves en difficulté. « J’ai donc choisi un poste de professeure au sein dun CAP, avec des jeunes qui avaient besoin d’un véritable accompagnement. Jai mis en place des ateliers de boxe dès que je le pouvais. Les adolescents faisaient peu de sport, alors que la pratique sportive est primordiale autant au niveau physique quau niveau mental. J’ai pu leur montrer par l’exemple que les efforts et l’investissements finissent toujours par payer. Je n’étais pas douée comme élève à l’école et je suis devenue professeure. Je n’étais pas douée en boxe et j’ai décroché des titres de championne. Si j’ai réussi, alors tout le monde peut le faire. Et tout cela, je le dois à mon père. Je lui suis extrêmement reconnaissante. »

La boxe-thérapie, une suite logique

Il y a environ un an, Sabrina Maroufi a lancé son activité d’auto-entrepreneure. Objectif emploi, association œuvrant pour l’insertion professionnelle, entre en contact avec la boxeuse pour lui proposer de donner des cours, aux femmes notamment. Elle accepte et remarque : « Lorsquelles sont entre elles, les femmes se confient et extériorisent. Si lune parle, les autres se sentiront en confiance pour le faire aussi. Ainsi, elles se rendent compte quelles ne sont pas seules ». Elle souhaite pouvoir répondre au mieux à leurs besoins. Aussi, Sabrina Maroufi vient se former à Paris, auprès de Kamel Abdesselam, champion de France de boxe et concepteur de cette méthode. « La boxe-thérapie peut se pratiquer individuellement si les problématiques sont très lourdes ou en petit groupe avec maximum 6 personnes. Et, les femmes choisissent le moment où elles veulent parler, je les laisse vraiment libres. Je travaille ensuite avec leurs psychologues ou psychiatres parce quil y a des choses qu’elles me disent qu’elles nosent pas forcément dire à leur médecin. Cest un beau partenariat » explique Sabrina Maroufi. « Par exemple, il y a une femme qui ne sortait plus de chez elle, qui ne voulait plus travailler et qui, au bout de 3 mois a réussi à trouver un emploi. Les premiers changements, notamment chez les femmes, peuvent apparaître au bout de 3 semaines, mais cela dépend bien entendu de chaque personne, de chaque histoire, de chaque traumatisme. Mais grâce à cette discipline, je les sens plus libérées, plus souriantes, elles reprennent goût à la vie ».

La boxe-thérapie s’adresse aussi aux enfants. « J’ai par exemple une petite fille de 6 ans qui a était traumatisée par un viol. J’essaye de l’aider par le biais de la boxe quelle pratique en individuel. Aujourdhui, je tente de récolter des fonds pour cette petite fille dont le mal être est effroyable. J’ai promis à sa mère que jallais les aider et je veux tenir ma promesse. C’est la première fois en vingt ans que je suis confrontée à un tel drame. Je me dois de leur apporter mon soutien. » témoigne la boxeuse.

Les financements : un frein

Le public auquel s’adresse Sabrina Maroufi, souvent en détresse, est également confronté à des problèmes financiers. « Les cours à l’année coûtent 40 euros pour mes élèves car je sais quils nont pas forcément les moyens de payer plus. Je veux leur permettre de pratiquer un sport malgré tout ». Les séances boxe-thérapie coûtent, elles, 60 euros à raison d’une séance par semaine. Mais, Sabrina consciente de la difficulté pour certaines personnes de pouvoir financer de tels cours tente de récolter des fonds à travers des appels à projets ou des dons faits à son association. Des partenaires la soutiennent d’ores et déjà mais lorsque les thérapies s’inscrivent dans le temps long « nous avons besoin d’aides plus conséquentes, ajoute Sabrina. Tous les dons sont les bienvenus quils soient réalisés auprès de notre association ou à la Maison des femmes de Roubaix ou la Maison des parents de Tourcoing».

Des rêves plein la tête

« Aujourdhui, je rêve de pouvoir disposer de ma propre salle. J’aurai alors toute latitude pour mettre à disposition plus de créneaux pour toutes ces belles personnes qui ont en besoin : hommes, femmes, enfants. Je pourrais réaliser des sessions parents-enfants, développer la boxe-thérapie, et créer un espace de dialogue, de bienveillance et d’écoute ouvert à tous. » conclut Sabrina Maroufi.