Gérer lurgence en construisant lavenir

COMBE_2022_07_12_Portraits officiels de Jean-Christophe Combe, Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées de France. Ministeres sociaux / DICOM / JEANNE ACCORSINI / Sipa Press.

Ancien directeur général de la Croix-Rouge française, auteur de « LHumanité ne se négocie pas », homme de terrain et d’engagement, Jean-Christophe Combe lançait en 2017 un appel à fonder une société préparée à des défis imminents, notamment aux crises environnementale, sociale et migratoire, avant de devenir en 2022, ministre au sein du gouvernement d’Elisabeth Borne.

Rencontre avec Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.

Propos recueillis par Mélanie Bénard-crozat

L’ère de la vulnérabilité

Face aux crises successives inédites, le Gouvernement a défini une boussole afin d’organiser sa réponse politique : la protection des populations, notamment celle des plus fragiles, afin de permettre à toutes et tous de vivre mieux.

Pour assurer cette ambition, nous avons mis en œuvre des solutions efficaces pour aider concrètement les Français face à l’urgence de l’inflation, mais aussi à plus long terme pour assurer des transformations structurelles de notre modèle social. L’objectif a une double temporalité : gérer l’urgence en construisant l’avenir.

Pour préserver le niveau de vie des Français durant la crise sanitaire le Gouvernement a mis en œuvre l’activité partielle, le fonds de solidarité qui a permis de soutenir 2 millions d’entreprises, les prêts garantis par l’Etat ou encore le plan France relance.

Pour construire l’avenir et atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 nous agissons dès aujourd’hui. Les dépenses publiques pour la transition écologique se sont élevées à 30 milliards d’euros en 2021 contre 12 milliards d’euros en 2012. Afin d’accompagner nos concitoyens dans cet effort sans précédent de sobriété et lutter contre la crise énergétique nous avons mis en place un chèque exceptionnel de 100 euros en décembre 2021 pour 5,8 millions de ménages ainsi qu’un nouveau chèque élargi versé d’ici la fin de l’année 2022 qui concernera 12 millions de foyers. Nous avons également édicté un Bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité sans lequel les prix auraient augmenté de 120%.

Les plus vulnérables sont souvent les plus exposés aux risques, et donc plus facilement victimes des crises. Ce sont bien souvent les mêmes qui habitent dans des passoires énergétiques, subissent le plus l’inflation dans leur budget, sont frappés par les vagues de chaleur estivales et bénéficient de l’aide alimentaire. Ce sont pour eux que nous agissons. La transition écologique doit être fondamentalement solidaire. 

Mais la pandémie nous aura également permis de prendre conscience d’une vulnérabilité générale. On avait tendance à croire qu’elle n’affectait que certaines franges de la population. Mais ce contexte inédit nous a fait réaliser que chacun, selon le contexte, pouvait devenir vulnérable. Ces différentes crises qui se succèdent, engendrent un contexte anxiogène, mais aussi beaucoup d’humilité et un principe de solidarité extrêmement puissant. C’est ce qu’il faut entretenir pour bâtir une société résiliente.

La chaîne des solidarités 

Le contexte économique et géopolitique crée une hausse mondiale des prix. Face à l’inflation, nous protégeons les ménages les plus fragiles, notamment avec le paquet pouvoir d’achat voté cet été. La situation est incertaine et nous restons vigilants. Nous continuerons évidemment d’agir dans les mois à venir pour protéger les plus fragiles des aléas de la conjoncture économique.

Nos politiques de solidarité doivent viser une mobilisation de l’ensemble de la société. La solidarité et la lutte contre la pauvreté vont au-delà de la seule action du ministère des Solidarités, mais concernent aussi le ministère du logement, de la santé ou encore du travail. 

C’est aussi ce que l’on appelle « la chaine des solidarités ». Aujourd’hui, l’Etat agit en étroite concertation avec les associations, les collectivités, les professionnels de l’action sociale et les citoyens engagés. La voie contractuelle entre Etat et collectivités initiée depuis 2019 dans la stratégie Pauvreté doit être poursuivie et enrichie. Elle pourrait prendre la forme d’un Pacte des solidarités conclu entre l’Etat et les collectivités, comme avec les organismes de sécurité sociale, pour définir les objectifs communs pour l’ensemble du quinquennat ainsi que les orientations stratégiques à l’échelle de nos territoires. Ainsi, nous pourrions répondre aux réalités de terrain de la manière la plus efficace possible.

Nous comptons aussi sur les citoyens déjà très engagés et directement concernés par la construction de ces politiques.

Former la population à se protéger

La résilience, c’est la protection pendant la crise et l’accompagnement en sortie de crise, mais c’est surtout beaucoup de préparation, de sensibilisation et d’anticipation. La résilience et l’engagement de tous impliquent que les citoyens soient informés et formés. Nous le savons, les premières heures d’une crise sont déterminantes. Si la population n’a aucune notion de secours, la catastrophe est totale. Il faut donc que chacun soit capable de prendre soin de lui-même et de son entourage, que tous les acteurs aient la culture de la coopération et l’habitude d’agir en complémentarité. C’est un héritage que j’emporte avec moi de la Croix-Rouge et j’en suis très fier. C’est une réponse collective qui nous permettra de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain.

Selon moi, une société résiliente c’est une société du lien social, une société de proximité, une société du soin, une société préparée, une société de l’humain.