Comment renforcer la protection civile face aux nouveaux risques?

Incendies, inondations, sécheresse, épidémie, attentats… autant de risques qui guettent la population civile. Les menaces prennent des formes diverses et imposent à l’ensemble de la société d’y faire face. En 2003, l’OCDE prévenait déjà dans un rapport que le défi du XXIe siècle serait de s’organiser pour faire face aux « catastrophes naturelles, accidents technologiques, maladies infectieuses, terrorisme et sécurité des aliments »1. Cet été, l’Organisation de coopération alertait à nouveau sur le risque de crise alimentaire renforcé, provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Par Hugo Champion

Une crise alimentaire durable à venir?

L’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine constitue une menace pour la sécurité alimentaire. Cette dernière est la quatrième exportatrice mondiale de maïs. Les deux pays représentent à eux seuls 30% des exportations mondiales de blé. Dans ce contexte, les ministres de l’Agriculture du G20 se sont réunis en Indonésie à la fin septembre afin d’échanger autour de la sécurité alimentaire. « Les conflits resteront les principaux moteurs des crises alimentaires, d’où l’importance de parvenir à la paix, de lutter contre la crise climatique et de renforcer la résilience partout »2, a rappelé Qu Dongyu, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La menace est réelle puisque la flambée des prix des denrées alimentaires devrait se poursuivre. Le directeur de la FAO a toutefois salué l’Initiative céréalière de la mer Noire qui facilite les exportations de l’Ukraine et de la Russie. Cette solution représente « un pas en avant important », ajoutant qu’elle « doit être renforcée pour améliorer laccès à la nourriture des pays les plus vulnérables »3.

La France, en marge de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies qui s’est tenue à la fin du mois de septembre, a présenté la nouvelle initiative « Opération sauvetage des récoltes », dont l’objectif est de promouvoir l’accès aux engrais et autres intrants essentiels par les pays vulnérables. L’enjeu est de lever les restrictions injustifiées à l’exportation, de lutter contre la spéculation et d’améliorer la transparence des stocks. Plusieurs préconisations sont émises, parmi lesquelles celle de créer un mécanisme d’urgence pour l’achat d’engrais en Afrique. Les pays participants s’appuieront sur la plateforme africaine d’échanges en ligne ATEX, mise en place par l’Union africaine, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique et Afreximbank, afin de mutualiser les demandes, réduire les prix et acheter en priorité des produits régionaux.

Le 20 septembre, lors du sommet sur la sécurité alimentaire mondiale à New York, le président du Conseil européen, Charles Michel, a rappelé la nécessité de trouver des solutions collectivement aux conséquences de la guerre sur la sécurité alimentaire : « Avec nos Etats membres, nous avons présenté une réponse globale à l’échelle mondiale en matière de sécurité alimentaire de presque huitmilliards d’euros jusqu’en 2024 afin de fournir une aide humanitaire ainsi que des solutions à court et à long terme, en particulier aux pays qui en ont le plus besoin, notamment en Afrique »4.

Les acteurs de la Tech sinvestissent

Si les Etats sont au premier plan de la lutte contre l’insécurité alimentaire, les entreprises privées proposent également des solutions pour venir en aide aux populations impactées par la crise alimentaire. Le mois dernier, la société japonaise Fujitsu a annoncé le début d’une nouvelle collaboration stratégique avec le groupe Phytocontrol, leader français de l’analyse des contaminants pour la sécurité environnementale et alimentaire. La solution développée en collaboration s’appuiera sur l’intelligence artificielle et les services Computing-as-a-Service (CaaS) de Fujitsu. L’application permettra de détecter des contaminants dans les aliments et sera accessible aux acteurs de l’industrie alimentaire (entreprises alimentaires, distributeurs, autorités réglementaires) courant 2023.

H2Grow, projet porté par le Programme alimentaire mondiale (PAM), se veut une plateforme agri-fintech qui illustre ce qu’apporte l’innovation aux systèmes alimentaires plus résilients pour lutter contre la faim. La solution propose une culture hydroponique qui permet la croissance des plantes dans les zones arides ou périurbaines. Elle utilise jusqu’à 90 % d’eau en moins et 75 % d’espace en moins tout en produisant des cultures à des taux de croissance 100 % plus rapides que l’agriculture traditionnelle. La solution a été présentée en septembre dernier au premier Symposium sur la sécurité alimentaire organisé par le ministère égyptien de la Coopération internationale et le PAM, à moins de 35 jours de la COP27.

Le changement climatique: une pluie de risques

Le Niger a connu la saison des pluies la plus meurtrière de son histoire avec 192 morts et plus de 263 000 sinistrés. Les conséquences du changement climatique représentent des menaces sur plusieurs niveaux qu’il est nécessaire d’endiguer. La constitution d’une nouvelle doctrine de la protection civile devrait permettre d’activer les outils d’une stratégie de résilience face à ces menaces. Fin septembre, en clôture du 128e congrès national des sapeurs-pompiers, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a confirmé « travailler à un nouveau modèle de protection de la sécurité civile »5. A l’échelle de la France, la prise de conscience est effective. Le gouvernement a symboliquement mis en place une journée nationale de sensibilisation face aux risques naturels et technologiques. Celle-ci se tiendra tous les 13 octobre, en cohérence avec la journée internationale pour la réduction des risques de catastrophes de l’ONU. La commune de Saint Leu d’Esserent (Oise) a organisé un exercice de distribution de comprimés d’iode dans le complexe sportif. Cette mise en situation de menace imminente illustre la stratégie des territoires français à l’échelle locale de développement de la culture des risques naturels. Fin novembre, un exercice aura également lieu dans la région des Hauts de France à Crépy-en-Valois avec Secours 60 qui expliquera aux jeunes de la mission locale les bons gestes à adopter en cas de survenance d’un incident.

La lutte contre le réchauffement climatique est l’affaire de tous. « Le risque hydro-géologique (…) est une fragilité que nous subissons depuis des siècles, et c’est devenu une crise avec le changement climatique »6, a indiqué Mario Draghi, ex-président du Conseil des ministres d’Italie, alors que la région des Marches a connu de fortes intempéries mi-septembre, entraînant la mort d’une dizaine de personnes. Les réponses se constitueront de façon collective, du plus petit échelon au plus haut. C’est pourquoi la COP27, prévue fin novembre, permettra de proroger la dynamique des Etats investis dans la transformation énergétique, à l’heure où certains secteurs régressent vers les énergies fossiles.

Le risque attentat: une accoutumance ?

Bientôt sept ans après l’attentat du Bataclan, le risque attentat reste toujours élevé en France. La menace terroriste est plurielle et mute régulièrement. De l’attaque au couteau à la cyberattaque, la stratégie des terroristes pour frapper un pays s’adapte constamment. La réactivité et la résilience font partie intégrante de la nouvelle doctrine de la protection civile. Début octobre, la préfecture de la Moselle a organisé un exercice de sécurité civile « attentat-prise d’otage » impliquant l’ensemble des services de sécurité et de secours aux Arènes de Metz. Cet exercice permet de tester le plan ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile) et plus précisément sa disposition NOVI (nombreuses victimes) afin de permettre une réaction adéquate en cas d’événement grave pouvant entraîner de nombreuses victimes. Fin septembre, c’était la préfecture de la Drôme qui effectuait un exercice de sécurité civile. L’objectif était notamment de tester la coordination inter-services (Gendarmerie et Police nationale, service départemental d’incendie et de secours, parquet de Valence, police judiciaire et direction interdépartementale de sécurité intérieure, Agence régionale de santé…).

La maturité des acteurs dans la gestion des crises s’appuie notamment sur une collaboration à l’échelle locale, nationale et également internationale. En mars dernier, dans le cadre du programme « CyberEast », mené par le Conseil de l’Europe, une cinquantaine de participants se sont essayés à un exercice cyber à Athènes, en Grèce. Ce « stress test» a permis d’évaluer le niveau de résistance des pays de l’Est à d’éventuelles cyberattaques.

Le renforcement de la protection civile impose de nouvelles stratégies à mettre en œuvre. Cela passera par des solutions innovantes, comme la participation de la société civile à la lutte contre les nouvelles menaces qui s’opèrent dans le cyber espace.

1 Les risques émergents au XXIème siècle, vers un programme d’action, OCDE 2003

.https://www.oecd.org/fr/gov/37388661.pdf

2 ONU INFO, 28 septembre 2022 https://news.un.org/fr/story2022/09/1128101#:~:text=%C2%AB%20Les%20conflits%20resteront%20les%20principaux,’agriculture%20(FAO)%2C%20devant

3 Ibid

4 https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/09/20/remarks-by-president-charles-michel-at-the-global-food-security-summit-in-new-york/#:~:text=Avec%20nos%20%C3%89tats%20membres%2C%20nous,le%20plus%20besoin%2C%20notamment%20en

5 https://www.lagazettedescommunes.com/826744/le-gouvernement-degaine-son-plan-de-modernisation-de-la-securite-civile/

6 https://www.lepoint.fr/monde/italie-dix-morts-et-quatre-disparus-lors-de-violentes-intemperies-16-09-2022-2490234_24.php#:~:text=%22Le%20risque%20hydro%2Dg%C3%A9ologique%20(,sous%20des%20coul%C3%A9es%20de%20boue.