Le métavers ou web 3.0 fait aujourd’hui couler beaucoup d’encre. Composé de trois briques technologiques, la blockchain, les NFT et l’univers immersif, ce nouveau monde virtuel est en plein essor. Alors, quels sont les nouveaux enjeux que soulèvent les métavers ? Quels usages vont émerger dans ce monde où 25% de la population passera une heure par jour, a minima, d’ici 20261 ?
Par Diane Cassain
Commerce first
« Il y a 400 millions de consommateurs dans ces métavers. Dans les prochaines années, d’importants investissements vont être réalisés pour développer ces univers virtuels » amorce Emmanuel Moyrand, CEO d’Azteq et vice-président de France Meta. De plus en plus d’entreprises voient un intérêt à développer leurs activités dans le métavers et ce pour une raison assez simple : « Le métavers, pour n’importe quel acteur économique, représente un canal de distribution complémentaire. Avoir un magasin dans le métavers permettra de vendre ses produits. Grâce aux NFT, le commerçant pourra faire des offres spéciales ou encore donner accès à tel ou tel service. Aujourd’hui, des artisans créent leurs propres métavers. Cela ne va pas remplacer leur activité mais la compléter, générant de nouveaux revenus » développe Emmanuel Moyrand. La marque Gucci fait office de pionnier dans l’univers des NFT. En 2021, l’entreprise de luxe a été la première à créer une « une œuvre numérique à vocation solidaire »2 qui s’était vendue pour 25 000 dollars. Depuis Louis Vuitton, Balanciaga ou encore Kenzo lui ont emboîté le pas. Et, les grandes maisons de luxe ne sont pas les seules à voir un intérêt dans ce monde virtuel… « Aujourd’hui les PME et ETI ont envie de franchir le pas pour aller vers le métavers mais elles ne savent pas comment y arriver. Nous dispensons des formations pour les sensibiliser aux enjeux et les accompagner dans cette nouvelle aventure » explique le CEO d’Azteq.
Une aubaine pour les ressources humaines
De plus en plus d’entreprises voient dans l’univers du Web 3.0 un intérêt pour le recrutement ou la gestion des équipes en interne. Certains secteurs n’attirent plus la jeune génération et voient leurs salariés vieillissant. Le métavers pourrait bien être une partie de la solution… « Aujourd’hui, les secteurs de la banque et de l’assurance peuvent avoir du mal à recruter, ils souhaitent accéder à des profils divers. Le métavers est un moyen de recruter différemment et de manière innovante » souligne Emmanuel Moyrand et de poursuivre : « Il peut aussi être un moyen complémentaire et alternatif pour gérer les équipes. D’autres usages peuvent émerger tel que le fait de recevoir des clients dans le métavers pour des rendez-vous d’affaires. Des réalisations que l’on voit de plus en plus portées par des PME ».
Un enjeu pour le secteur bancaire
Les crypto-monnaies ont un intérêt certain pour les consommateurs. Le premier est « d’économiser la TVA. Les crypto restent des actifs financiers qui, demain, seront utilisables partout avec comme intérêt de pouvoir être utilisées à la fois dans le métavers mais aussi dans la vie réelle. La réciprocité n’est pas possible. Mathématiquement, les banques vont devoir traiter la question des crypto-monnaies car leur intérêt est quand même de capter tous les flux financiers. Ces sujets de crypto-monnaies vont être un moyen pour les banques de se réinventer et de faire évoluer leur business model » soutient Emmanuel Moyrand.
L’urgence de la réglementation
L’une des principales critiques qui peut être aujourd’hui formulée à l’encontre des métavers consiste en l’absence de réglementations. Mais, les acteurs de l’écosystème, conscients de cette faille ont réagi. Ainsi, le Metaverse Standard Forum, premier forum de normalisation « offre un lieu de coopération entre les organismes de normalisation et les entreprises pour favoriser le développement de normes d’interopérabilité pour un métaverse ouvert et inclusif, et accélérer leur développement et leur déploiement grâce à des projets pragmatiques et basés sur l’action »3.
Cette normalisation et cette volonté d’interopérabilité des métavers est louable mais ne suffit pas. Aujourd’hui, il est nécessaire de faire entrer les forces de sécurité au sein des métavers car, comme dans le monde réel, des vols, agressions ou autres atteintes aux biens et personnes peuvent avoir lieu. « Il existe aujourd’hui un métavers avec avec une charte d’auto régulations, Upland. Si un avatar a un comportement déviant, il est arrêté,incarcéré à Alcatraz et ses NFT et crypto sont bloquées pendant un temps déterminé. Si l’avatar récidive, ses actifs sont saisis et il est banni de ce métavers. La police est automatisée. A titre personnel, j’ai eu la chance de pouvoir travailler avec la Gendarmerie nationale sur la question de la présence de forces de sécurité dans les métavers. Il n’y a pas de pouvoir légal dans ce monde virtuel. La police aujourd’hui n’a aucun droit de condamner quelqu’un pour comportement déviant dans le métavers » témoigne Emmanuel Moyrand.
L’éthique : une nouvelle bataille
Pour l’heure, il n’existe pas encore de métavers développé par les GAFAM, même si les projets sont en cours. A titre de comparaison, Sandbox a levé 900 millions de dollars là où Facebook prévoit un métavers à 10 milliards de dollars, selon Emmanuel Moyrand. La bataille des métavers est donc loin d’être terminée, elle a à peine commencée. Si la pérennité d’un métavers repose sur son nombre d’utilisateurs, la différence pourrait se faire sur le développement d’un Web 3.0 éthique. « Le Web 3.0 est plus éthique que le Web » tel que nous le connaissons aujourd’hui, témoigne Emmanuel Moyrand, pour la simple raison que l’utilisateur reste propriétaire de ses données. Oui, mais là encore, problème. Facebook ne semble pas forcément de cet avis. « Il y aura d’un côté les métavers qui souhaitent la maîtrise des données par les utilisateurs et le respect de leurs actes de propriété et de l’autre les GAFAM qui eux voient les utilisateurs comme un puits de données à exploiter à des fins commerciales » explique le CEO d’Azteq.
Accessibilité et inclusion
Les métavers auront deux autres utilités majeures : permettre une meilleure accessibilité et favoriser l’inclusion. Sur le premier point, Emmanuel Moyrand soutient que « chaque commune devrait avoir son propre métavers. En leur sein, il y aurait le café, la Poste ou encore la place du village. Aujourd’hui, certains villages, en France, ont été désertés, il n’y a plus d’humains, le métavers serait un moyen de redynamiser la commune. La ville de Séoul dispose de son métavers et tous les habitants de la ville ont accès aux services publics de la ville par ce canal, il n’existe plus de bâtiments physiques. La solution n’est peut être pas d’aller jusque là mais nous pourrions certainement digitaliser une grande partie des services publics dans un métavers où les coûts seront moins importants ». En matière d’inclusion, les usages paraissent évidents : permettre aux personnes handicapées d’avoir accès à des lieux et services qui leurs sont inaccessibles, aller visiter des lieux culturels à un moindre coût ou encore briser la barrière géographique. N’importe quel citoyen du monde pourrait ainsi visiter Le Louvre sans être à Paris. Le champ des possibles semble donc grand ouvert…
Une volonté politique à affirmer
« Nous avons du retard, nous devons attraper le train dès maintenant. Dans le pays, nous avons des entreprises françaises qui sont très en avance sur la question du web 3.0. En revanche, au niveau des mentalités nous sommes en retard. Nous avons raté la révolution blockchain, la révolution start-up nation, peut-être pourrions-nous ne pas rater celle du métavers ? Nous avons les moyens de réussir. Il faut à présent une véritable volonté politique pour favoriser la croissance de l’écosystème » plaide Emmanuel Moyrand.
1 Marco Mosca, “Métavers : 1 personne sur 4 devrait y passer 1 h par jour en 2026 !”, Les Numériques, 14 février 2022
2 “De Kenzo à Gucci, le luxe succombe aux charmes du métavers”, Fashion Network, 10 février 2022https://coins.fr/metaverse-gucci-assaut-the-sandbox/
3 Metaverse Standard Forum, https://metaverse-standards.org/