Il a fait de la résilience son mot d’ordre. Deux ans d’hospitalisation et huit ans de rééducation n’auront pas eu raison de la volonté de Vincent Dorival. Blessé en service en avril 2001, il n’aura cessé de trouver des moyens de s’engager pour les causes qui lui sont chères. Sa blessure marque le début d’un combat, celui qui lui a permis de renouer avec sa passion : servir.
Par Théo Lhen Tallieu et Camille Léveillé
Servir, même après la blessure
Issu d’une famille de sapeurs-pompiers, Vincent Dorival emprunte la même voie en 1998, loin d’imaginer que sa vie basculerait trois ans plus tard. En avril 2001, ce sapeur-pompier de la BSPP subit un accident de la route alors qu’il se rend sur son lieu de travail. Assimilé tétraplégique, il n’en perd pas pour autant sa détermination à outrepasser sa condition. « J’ai toujours considéré que la blessure faisait partie du métier. Le plus dur a été de rendre mon paquetage. J’ai eu l’impression de perdre cet honneur de l’appartenance à l’Armée. C’est lorsque je me suis rendu compte que d’autres alternatives me permettaient de perpétuer mon engagement que j’ai pu retrouver mon bien-être» indique-t-il dans un message d’espoir. Aujourd’hui, il se consacre au partage de son expérience et à la mise en lumière de contribution sous des aspects différents, aux métiers de la défense. « Ce n’est pas parce que vous avez un handicap que l’institution vous rejettera si jamais vous venez à proposer des actions. La réserve citoyenne, les contrats de civils de la défense sont autant d’alternatives pour pérenniser son engagement ». Dans son processus de reconstruction, Vincent Dorival a également tenu à retrouver le défi sportif qui caractérise la vie des Armées. « J’ai tenté de renouer avec ce que j’aimais, avec cette volonté de continuer à servir. L’exploit sportif m’a surtout permis de me remettre au service de l’institution par l’action ». Une implication qui lui réussit particulièrement. Son palmarès riche en témoigne, comprenant notamment un titre de champion de France de lancer de disque en 2014.
La sensibilisation en ligne de mire
En 2018, Vincent Dorival cofonde Ultraops, un projet destiné à proposer des défis sportifs et d’aventure aux blessés. Calquées sur le modèle des OPEX, ces performances athlétiques passent par une préparation opérationnelle avant un déploiement sur de longues marches, réalisées à l’étranger en milieu désertique. En 2019, la première équipe traverse la Death Valley, un parcours de 309 km en 14 jours. Après ce lancement remarqué, Ultraops s’affirme comme un projet d’envergure dans la remise en action des blessés. Au travers de ces challenges sportifs qui s’organisent sur différents continents, Vincent Dorival met en avant plusieurs causes essentielles. Le don du sang en est une. À l’issue de son accident, lors duquel il a bénéficié d’une importante transfusion, il prend alors conscience des besoins du Centre de Transfusions Sanguines des Armées (CTSA) et s’engage à ses côtés. « J’ai bénéficié de transfusions et ai mesuré l’importance des missions conduites par le CTSA ainsi que l’ampleur de ses besoins » note Vincent Dorival. Son combat permet alors une mobilisation grandissante. Un succès qui, il l’espère, permettra de répondre aux objectifs à horizon 2022 et une récolte de fonds d’au moins 15 000€. Ces fonds seront destinés au CTSA pour l’achat de nouveaux matériels nécessaires à l’amélioration de la chaine de production la fabrication de produits sanguins comme le plasma lyophilisé, indispensable aux unités en Opex .
Une culture de la résilience
Le mental de Vincent Dorival force le respect et sa résilience a de quoi impressionner. « J’ai eu la chance de réussir à « basculer » très rapidement en considérant que mon handicap n’était pas un obstacle à mes envies » témoigne-t-il. Et d’ajouter : « Nous travaillons, avec le docteur Gérard Chaput, ancien médecin militaire du Service de Santé des Armées spécialiste du syndrome post traumatique, à l’écriture d’un livre. Je souhaite, à travers ce nouveau projet, porter un discours sur la culture de la résilience, c’est-à-dire d’essayer de guérir le blessé avant sa blessure. Si jamais le soldat est blessé, grâce à la culture de la résilience qu’il aura acquise, sa reconstruction sera plus rapide ». Et, selon le pompier de Paris, cette culture de la résilience ne peut s’acquérir que si la société et ses soldats repensent leur rapport au risque : « Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui érige les principes du « risque zéro » et de « précaution » en valeurs absolues. En tentant de se prémunir de tout risque, nous n’apprenons pas. C’est une tendance que j’ai observé lors de ma préparation physique dans l’armée. Certains ateliers avaient été interdits. Effectivement, ces ateliers présentaient un risque de blessure mais ils correspondaient à la réalité du terrain. Il faut considérer que le risque fait partie du métier, et donc de la formation ».
Une vision continuellement tournée vers l’avenir
Dans l’ensemble de ses projets, Vincent Dorival intègre la dimension de l’avenir, de la projection. « A travers ces défis, les blessés sont intégrés à un projet de long terme, alors que pour certains, ils ne se projetaient plus. Ce que l’on souhaite par-dessus tout avec Ultraops c’est que ces blessés puissent, par la suite, développer leur projet personnel de leurs côtés » explique Vincent Dorival. Si aujourd’hui il ne collabore pas avec des associations de vétérans à l’international, cela fait partie de ses projets. « Cela permettrait de pimenter l’aventure. C’est toujours intéressant de partager cette expérience de la reconstruction par l’action et le défi sportif » souligne-t-il.
Trouver du sens
« La majorité des militaires blessés qui se tournent vers Ultraops le font dans une optique de reconstruction et pour se sentir utile. Nous leur proposons de densifier cette remise en action. » explique le fondateur d’Ultraops. « Lors des stages de préparation, nous tentons de retrouver ce que l’on a pu connaître au sein des armées : le dépassement de soi, la fatigue… Nous ne partons pas au combat dans le sens d’une lutte d’armes, mais nous nous battons contre nous-même, contre nos handicaps. Ces stages nous permettent sûrement de répondre à l’une des questions les plus importantes : Quel sens donnons-nous à notre propre existence ? » interroge Vincent Dorival, alors qu’il semble bien, lui, avoir trouvé un début de réponse…