Ukraine : les chantiers de reconstruction laissent une grande place à l’Europe

La reconstruction de l’Ukraine doit être pensée dès aujourd’hui. Bien que le conflit semble loin de se terminer, les programmes de réhabilitation et les plans d’avenir sont déjà largement entamé. Et il appartient aux acteurs européens de continuer à se positionner sur ces chantiers majeurs.

Par Lola Breton

Un an de guerre, déjà. Entre l’Ukraine et la Russie, les combats font encore rage. Un horizon apaisé ne semble pas d’actualité. Mais il faut pourtant penser, déjà, à l’après. Il faudra reconstruire l’Ukraine, reprendre les chantiers là où ils s’étaient arrêtés, le 24 février 2022, et les mener plus loin. De l’autre côté de l’Atlantique, des grandes entreprises se sont déjà largement positionnées, tant technologiquement qu’économiquement, dans cet horizon. Microsoft a d’ores et déjà promis la gratuité totale sur tous ses services cyber au gouvernement ukrainien pour toute l’année 2023. L’Europe se pose alors la question : quel rôle peut-elle prendre dans cette reconstruction qui devra se réaliser à sa porte ? Tant les institutions que les gouvernements nationaux et les entreprises européennes ont répondu très vite à cette question en se positionnant, d’abord financièrement puis stratégiquement.

La multiplication des programmes

Sur la question du numérique, notamment, qui servira grandement à reconstruire le pays, l’Ukraine n’était pas en reste avant la guerre. Selon une note de l’OCDE publiée en juillet 2022, la reprise en main de ces chantiers font partie des priorités du gouvernement pour les mois et les années à venir. Il faut dire que l’Ukraine avait réussi à faire courir Internet dans une grande partie du pays avant le conflit, réduisant ainsi petit à petit la fracture numérique. Depuis le début de la guerre, Kyiv a annoncé vouloir répondre à l’offensive grâce à trois piliers numériques : « L’infrastructure numérique, le rétablissement de l’internet et le développement », « Les services et les registres publics » et « L’économie numérique ».

L’Europe a déjà mis en place des programmes destinés à rendre la reconstruction plus simple, rapide et européenne. Il y avait les questions pressantes, d’abord. Il fallait, dès l’invasion russe, pouvoir continuer à se parler via Internet, même lorsque l’on avait fui. Les opérateurs télécoms européens et ukrainiens se sont donc alliés, dès avril 2022, pour « fournir gratuitement ou à petit prix des données en itinérance et des appels internationaux aux Ukrainiens qui avaient passé leur frontière, ou entre l’Ukraine et l’Union européenne », rappelle la Commission européenne. « Tout récemment, début février 2023, les opérateurs ont signé un nouvel accord conjoint pour prolonger ces mesures de six mois. » En parallèle, et parce que l’idée de l’intégration de l’Ukraine dans l’UE a été, sur le papier, acceptée, le pays devrait à termes disposer des mêmes règles de données en itinérance que les pays de l’Union entre eux. L’Europe a également lancé un programme de récupération de matériel informatique destiné à l’envoi vers les écoles, hôpitaux et administrations publiques ukrainiennes. Des initiatives, Tech for Ukraine et Laptops for Ukraine, qui permettent à tous, professionnels comme particuliers, de s’engager pour la reconstruction brique par brique du pays en guerre.

La guerre a soulevé une nouvelle question qui pourrait également intéresser les parties prenantes au niveau européen. Alors que plus de 8 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays, le manque de technologies développées autour de l’identité numérique s’est fait ressentir. Sans papiers, parfois perdus, parfois oubliés en hâte lors de la fuite, difficile de justifier de son identité. Fort heureusement, le pays avait lancé, quelques temps avant le début du conflit, une application, Diïa, sur laquelle il était possible de stocker la plupart de ses documents importants, mais également de payer ses impôts. 12 millions d’Ukrainiens utilisaient déjà ce service fin 2021. Le besoin de pérenniser cet usage et le rendre plus robuste pourrait pousser le pays à se joindre à la réflexion autour des technologies de blockchain actuellement développées au niveau européen.

Une place de choix pour les entrepreneurs

Le gouvernement français n’est pas en reste en ce qui concerne l’aide qu’il souhaite apporter à la nation dirigée par Volodymyr Zelensky. En décembre dernier, lors de la conférence bilatérale pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine, deux conventions ont été signées entre les deux pays. Cent millions d’euros de garanties vont être accordées pour appuyer la reconstruction des infrastructures critiques ukrainiennes. Des garanties qui permettent de s’attaquer en priorité au sauvetage de l’opérateur national de gaz et à la société nationale des chemins de fer locale. Par ailleurs, 20 000 tonnes de rails produits en France devraient être livrés à l’Ukraine. Un prêt de 300 millions d’euros a également été accordé par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, afin de réparer les équipements électriques endommagés par les combats. La France s’est également engagée à fournir 25 ponts en kits via la société Matière, basée dans le Cantal. Le secteur agricole sera quant à lui bénéficiaire de 20 millions d’euros de semences livrées par la France.

De grandes entreprises françaises se sont elles aussi engagées dans une reconstruction qui s’annonce longue. En décembre 2022, un consortium composé des sociétés Egis, Dassault Systèmes et B4 a été choisi pour participer à la « reconstruction des zones urbaines endommagées par l’invasion ». Le groupement participera à une « évaluation des dommages et une analyses des coûts de reconstruction dans l’Oblast de Tchernihiv, suivies d’un plan directeur stratégique pour la reconstruction de la ville. » Cela sera notamment rendu possible par la construction d’un jumeau numérique de la ville à travers la plateforme de Dassault 3DEXPERIENCE. « Les parties prenantes des divers secteurs utiliseront le jumeau numérique pour tester ensemble différents scénarios, faisant intervenir des paramètres tels que les risques d’inondation, l’accessibilité, les transports, l’occupation des sols, la position des principaux actifs urbains et les réseaux d’eau, de chauffage, d’égouts et autres infrastructures existantes », note le consortium.

Quoi qu’il arrive, les entreprises ukrainiennes elles-mêmes, y compris les plus petites, devront être impliquées dans l’effort de reconstruction. Ce sera par ailleurs l’une des clés essentielles pour assurer un dynamisme et une reprise économique au sein même du pays.