Recyclage, move to cloud, bons usages : les leviers du numérique responsable

La question écologique s’insère dans tous les secteurs dactivité. Le numérique n’y échappe pas. Dautant que, si lon n’y prête pas attention, il pourrait participer à précipiter la planète à sa fin. Pour l’éviter, le numérique responsable simpose.

Par Lola Breton

Le numérique représente aujourd’hui au moins 4 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Selon l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), le secteur et ses activités seraient également à l’origine de 2,5 % de l’empreinte carbone en France. Alors que les enjeux qui entourent le numérique sont voués à devenir de plus en plus prégnants, ses effets délétères le seront aussi. Pour tenter d’y pallier, la mise en place de stratégie de numérique responsable au sein des entreprises est précieuse.

Poussés par la législation

Le numérique responsable dans son acception actuelle ne désigne donc pas uniquement les stratégies d’évitement des conséquences funestes pour le climat et l’environnement. On y trouve également un pilier sociétal et économique grandissant. La loi REEN (réduction de l’empreinte environnementale du numérique), applicable depuis juillet 2022, oblige les collectivités de plus de 50 000 habitants à définir une stratégie numérique responsable. Elles ont jusqu’au 1er janvier 2025 pour s’en charger. Côté entreprises aussi, les obligations se précisent. Pour le moment, « la plupart des entreprises ont une trajectoire de réduction des impacts environnementaux principalement en matière de réduction des impacts carbone, note Caroline Vateau, directrice Numérique Responsable chez Capgemini Invent. Mais moins de la moitié des équipes dirigeantes ont conscience des impacts environnementaux du numérique et peu ont actuellement mis en place des actions concrètes. » Pour « faire plus avec moins », les DSI font face à des enjeux énormes. « L’optimisation ne suffit pas. Il faut faire différemment : revoir la durée de vie des PC, voir les ressources informatiques comme des ressources précieuses chaque gigaoctet consomme des ressources non renouvelables dans sa phase de fabrication … »soutient-elle.

Le Green IT a trois visages, complémentaires. La loi REEN est également venue appuyer l’aspect Green IT 1.0. Ce principe de conception numérique responsable, c’est-à-dire d’équipements et d’appareils numériques pensés et construits avec sobriété pour qu’ils durent dans le temps, s’apprête à connaître une poussée en avant. A partir du 1er janvier 2024, les constructeurs se verront dans l’obligation d’indiquer un indice de durabilité sur leurs produits. Il viendra compléter ou remplacer l’indice de réparabilité existant. Cet indicateur permettra alors aux particuliers comme aux professionnels de mieux gérer leur parc informatique. Notamment lorsqu’il est temps de s’en séparer.

Trouver une seconde vie aux appareils

Aujourd’hui, l’enlèvement des déchets d’équipements électriques et électroniques est déjà une question centrale. L’éco-organisme agréé par l’Etat Ecologic France se charge, avec ses partenaires sur le terrain, de collecter et de traiter ces déchets particuliers. « Les enjeux autour de ces déchets sont liés aux piles, aux plastiques qui contiennent parfois des retardateurs de flamme bromés. Certains déchets posent également un problème à cause de leur rétro-éclairage de type mercure. Et il y a bien sûr des enjeux de matières avec des métaux dits précieux ou rares et qui demandent des traitements spécifiques », explique Bertrand Reygner, directeur technique de l’éco-organisme.

Mais se débarrasser d’un appareil que l’on n’utilise plus ne doit plus être la voie préférée des entreprises (comme des particuliers). « Ce sont les mentalités qui doivent changer », souligne Bertrand Reygner. Et ainsi faire accéder le réemploi – revente du matériel à un acteur qui le remet un peu en état avant de le revendre – et la réutilisation – sortie de certains composants à l’intérieur des appareils pour les réutiliser ailleurs – à un rang plus élevé. Evidemment, ces questions de réemploi et réutilisation soulèvent d’autres questionnements. S’ils permettent d’ajouter une dimension écologique et sociale à la prise en charge des déchets informatiques, ils doivent aussi être appréhendés avec prudence. « Il faut pouvoir prendre soin des données et les effacer avant denvisager un quelconque réemploi, souligne le représentant d’Ecologic. Les entreprises cherchent donc des opérateurs de confiance. »

OVH Cloud réfléchit à une manière de gérer un déchet particulièrement difficile à recycler : les cartes mères. L’entreprise a signé un contrat avec une start-up nordiste pour parvenir, d’ici 2025, à mettre « zéro déchet en décharge », révèle Grégory Lebourg, directeur environnement dans l’entreprise.

Changer les mentalités

Les acteurs du cloud ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit de discuter de numérique responsable. Et pour cause. Le Green IT 1.5, aussi pensé comme « système d’information développement durable », consiste à rendre les systèmes moins polluants et énergivores. Pour cela, le mouvement vers le cloud est une étape importante. Une stratégie qui permet de réduire drastiquement l’effet individuel des entreprises sur les émissions. « Concentrer des serveurs au même endroit et à la verticale permet de limiter lartificialisation des sols », explique Grégory Lebourg. Mais les data center qui tournent en permanence à un endroit donné produisent énormément de chaleur, qu’il faut réguler. Cela implique des techniques plus ou moins consommatrices en eau. Le choix de l’opérateur cloud vers lequel souhaitent se tourner les entreprises doit donc prendre ce point majeur en compte. C’est tout aussi important que de se pencher sur l’énergie utilisée dans les data center concernés et sa provenance. « Dans des pays comme la France, qui ont un mix énergétique équilibré, notamment avec lutilisation du nucléaire qui émet très peu de carbone, on peut aller chercher l’énergie la plus décarbonée possible pour produire l’électricité qui alimente les data center », note le directeur environnement d’OVH Cloud.

Dans toutes ses déclinaisons, le numérique responsable suppose une prise de conscience majeure des producteurs et utilisateurs de ressources numériques. C’est ainsi que la partie 2.0, le troisième pilier du Green IT, consiste à réduire l’empreinte économique, écologique et sociale d’un produit ou d’un service par le numérique. Avant d’en arriver là, il faut bien sûr former tout un chacun sur les effets du numérique sur l’environnement. L’entreprise de conseil en cybersécurité Conscio Technologies a depuis peu mis sur pied des modules de sensibilisation RSE autour du numérique responsable à destination de ses clients. L’idée sous-jacente : « À partir du moment où on est plus précautionneux sur lusage du numérique on prend forcément moins de risquesen termes de cybersécurité », souligne Michel Gérard, président de l’entreprise. Gestion des emails, bonnes habitudes à prendre pour améliorer la durée de vie du matériel informatique, mais aussi prise en compte des besoins en mobilité au sein de l’entreprise pour optimiser l’utilisation de l’énergie globale. Les utilisateurs finaux sont le cœur de cible de ces vidéos interactives. Une initiative que l’on espère voir essaimer.