L’urgence de la réglementation en matière de protection des mineurs en ligne

Alors que la protection des mineurs en ligne reste l’un des grands défis de 2023 aussi bien au niveau national qu’européen, la Commission européenne publie les résultats de la dernière enquête Eurobaromètre Flash sur la protection des enfants contre les abus sexuels en ligne. En la matière, le point de vue des Européens est sans appel…

Un constat toujours aussi alarmant

En matière de protection des mineurs en ligne, le chemin à parcourir est encore long. Selon une étude menée en juin dernier, en France, 49 % des jeunes âgés de 18 ans ont déjà été confrontés « à des tentatives de discussion ou denvoi de contenus sexuels explicites de la part dadultes quils ne connaissaient pas ou de leur entourage ».1 Cette statistique atteint même les 58 % en Europe. Et, plus inquiétant encore : l’Union européenne est à la fois le premier hébergeur de contenus à caractère pédopornographique dans le monde mais aussi l’un des principaux lieux de consultation de ces contenus.2 Les citoyens européens, largement conscients de la nouvelle réalité qui touche leurs enfants sur Internet pensent à 82 % que le contrôle parental n’est pas suffisant pour lutter contre préserver la sécurité des enfants en ligne. La quasi majorité d’entre eux (96 %) considèrent d’ailleurs que la capacité de détecter les abus commis contre des enfants est plus importante ou tout aussi importante que le droit au respect de la vie privée en ligne.

La Commission européenne en première ligne

Pour faire face à ce fléau de plus en plus important, la Commission européenne tente de réglementer afin de protéger au mieux les mineurs en ligne. En mai 2022, la Commission proposait des mesures pour renforcer la protection des enfants en ligne et visant à détecter les abus de manière ciblée. 78 % des Européens interrogés soutiennent cette proposition. Ils sont 87 % à soutenir la proposition visant à détecter les abus dans les messages (mails et chat) et 83 % dans les messages cryptés de bout en bout. La responsabilité de la détection et de retrait des contenus pédopornographiques incomberait aux fournisseurs en ligne. 87 % des mineurs qui reçoivent une image ou une photo explicite bloquent la personne plutôt que de la signaler ou d’en parler à un tiers. Or, si personne ne signale ces comportements déviants, le prédateur, lui, pourra continuer à agir en toute impunité. « Pour protéger les victimes, nous devons demander le retrait des images sans consentement des enfants et qui peuvent constituer une agression sexuelle », souligne Mié Kohiyama, présidente du Brave Movement en France, association visant à mettre fin aux violences sexuelles contre les enfants.3 La Commission européenne préconise également la création d’un nouveau centre de l’Union européenne (Centre de l’UE), pour prévenir les abus sexuels sur les enfants et les combattre notamment en étant un intermédiaire entre les fournisseurs et les services de répression.

Une mise en place nationale avant août 2024

Mais, le régime prévu par le règlement européen expire le 3 août 2024. Il est donc essentiel d’adopter une nouvelle base juridique afin de permettre la poursuite de politiques proactives de détection des contenus pédopornographiques. Le Sénat, par le biais de Catherine Morin-Desailly, Ludovic Haye et André Reichardt ont alors poussé l’adoption dudit règlement au sein de la chambre haute du Parlement. Seul point de désaccord avec la Commission : la création du nouveau Centre de l’UE. Les sénateurs préconisent de conforter Europol, qui est d’ores et déjà chargé de la coordination européenne dans le domaine. Soulignant « la nécessité d’une mobilisation européenne sur ce sujet »4, le Sénat affirme son soutien de principe au règlement. Dans le même temps, l’Assemblée nationale se montre quant à elle favorable à la création du Centre de l’Union européenne. Perrine Goulet, auteure du rapport relatif à la proposition de règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur les enfants conclut : « Si certains points du règlement doivent encore être précisés, notamment son articulation avec le respect des principes du droit à la vie privée, votre rapporteur tient à exprimer son plein soutien aux ambitions portées par ce texte ».5 Au niveau européen, la proposition est actuellement entre les mains du Parlement européen qui doit effectuer dans les prochaines semaines une première lecture du texte.

1https://www.20minutes.fr/by-the-web/4041291-20230616-prejudices-sexuels-ligne-phenomene-inquietant-touche-pres-enfant-trois

2 https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppr22-358-expose.html

3https://www.20minutes.fr/by-the-web/4041291-20230616-prejudices-sexuels-ligne-phenomene-inquietant-touche-pres-enfant-trois

4 https://www.senat.fr/salle-de-presse/communiques-de-presse/presse/cp20230228.html

5 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/due/l16b1436_rapport-fond#_Toc256000015

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