Une Coupe du monde de rugby sous haute sécurité 

Troisième événement sportif le plus important du monde après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football, la Coupe du Monde de Rugby sera suivie par près d’un milliard de spectateurs. Elle rassemblera 20 équipes et quelque 600 000 visiteurs pendant 6 semaines dans 9 villes hôtes. Un défi de taille en termes de sécurité, pour cet événement qui nécessitera un déploiement de moyens humains et matériels considérables. A quelques semaines de l’événement, les organisateurs apportent la touche finale au dispositif. 

Par Marie Rollet 

Une menace multiforme 

Depuis 2021, France 2023 travaille avec le Centre de renseignement olympique (CRO) pour analyser les menaces pesant sur la Coupe du Monde de Rugby. « La menace terroriste est très prégnante, sous toutes ses formes, avec une nouvelle donne caractérisée par l’utilisation de drones. La menace cyber, provenant notamment de groupes criminels cherchant à organiser des fraudes massives fait l’objet d’une attention particulière tout comme l’atteinte à des installations névralgiques et l’utilisation de la portée médiatique de la Coupe du Monde pour donner de l’écho à certaines revendications sans lien direct avec l’événement. » explique Olivier Dimpre, Directeur délégué Sécurité Sûreté et Mobilités de la Coupe du Monde de Rugby. 

Face à ces menaces multiformes, « il nous faut sécuriser non seulement les enceintes sportives mais aussi de nombreux sites sensibles comme le centre international des médias, le quartier général du tournoi, etc. Sans compter les camps de bases et les déplacements des joueurs et officiels et l’articulation avec les zones de célébration pilotées par les collectivités locales. L’enjeu sera de répondre à la fois aux standards d’un grand événement sportif international et aux fortes attentes du public en termes de prise en charge. D’autant que la moitié du public présent dans les stades viendra de l’étranger. » précise Olivier Dimpre, et de poursuivre : « Aussi, devons-nous trouver, sur chaque mission, le meilleur équilibre possible entre la rigueur nécessaire pour assurer la sécurité de l’événement et la volonté d’en faire une fête populaire. » 

Entraînement et mobilisation sans précédent 

En attendant le jour J, les organisateurs et forces de sécurité des villes et régions concernées se préparent et s’entraînent. Pour tester le dispositif qui sera déployé autour des stades de la Beaujoire à Nantes et du centre d’entraînement de La Jonelière à La Chapelle-sur-Erdre, la Préfecture de Loire-Atlantique a organisé fin 2022 un exercice grandeur nature de simulation de crise. L’objectif : « engager sur une journée et avec le plus grand réalisme possible, les acteurs de la sécurité civile du département afin d’éprouver les réflexes opérationnels conjoints en gestion de crise et de tester la remontée d’information et la coordination inter-services »1, indiquait la préfecture de Loire-Atlantique. A Marseille, une simulation d’attentat au stade Orange Vélodrome de Marseille et un feu de forêt dans le parc national des Calanques ont été organisés en avril 2023 pour tester le dispositif de sécurité prévu dans le cadre de la Coupe de Monde de Rugby et des Jeux Olympiques et améliorer la coordination entre les services de secours et de sécurité. 

Près de 7 000 membres des forces de l’ordre devraient être mobilisés chaque jour pendant l’événement. Pour assurer le disponibilité de suffisamment d’agents, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) réduit la durée de la formation dans les écoles de police et de gendarmerie de 12 mois à 8. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonçait également qu’il « [mettrait] fin, le temps des Jeux et de la Coupe du monde de rugby, aux zones de compétences qui distinguent la police et la gendarmerie afin que nous puissions mobiliser mentalement et physiquement l’intégralité des ressources pour les concentrer sur les théâtres des événements sportifs »2.   

Parallèlement, non moins de 10 000 agents de sécurité privée, des associations agréées de sécurité civile (secourisme, régulation médicale…) et des volontaires seront mobilisés. Julien Collette, Directeur général de France 2023, indiquait ainsi que 6300 agents de sécurité privée pourraient être engagés : 1000 pour le Stade de France, contre 300 pour celui de la Beaujoire par exemple. Un objectif accessible puisque ces chiffres correspondent à ceux d’un week-end de championnat de football de Ligue 1. D’autant que la compétition aura lieu sur un nombre limités de sites à une période plus calme, « on n’aura pas besoin (…) de concentrer un nombre extrêmement important d’agents de sécurité sur une seule région pendant une période estivale. » précisait Julien Collette. « Le marché de la sécurité privée aujourd’hui en France est en mesure de répondre à nos besoins, à la fois en qualité et en quantité d’agents » se félicitait le Directeur général de France 2023.3 

Un effort collectif 

L’enjeu est de poursuivre la coordination entre tous les acteurs issus d’organisations, de métiers et de cultures différents. « La sécurité de cet événement est le fruit d’une collaboration étroite entre France 2023 et les différentes composantes de l’Etat, notamment le ministère de l’Intérieur et en son sein la Coordination nationale de la Sécurité des Jeux. » explique Olivier Dimpre, et de poursuivre : « Dans la phase de livraison dans laquelle nous entrons aujourd’hui, les préfets seront les pilotes opérationnels du dispositif sécuritaire. Ils auront pour interlocuteurs les directions de sites de France 2023. Le Centre national de coordination stratégique assurera la coordination au niveau de l’Etat, en étroite coopération avec notre Centre principal des opérations. Des officiers de liaisons présents dans chacune de ces organisations assureront la fluidité des échanges d’information et permettront de réagir rapidement en cas d’incidents ou de crise. »  

Apprendre des événements précédents  

Interrogé par la Commission Culture du Sénat, France 2023 a témoigné des leçons tirées des incidents survenus lors de la finale de la Ligue des Champions en mai 2022 notamment dans la nécessité de faciliter la communication entre les forces de l’ordre et les participants. Pour mieux anticiper et gérer d’éventuels mouvements de foule comme ceux survenus au Stade de France l’année dernière, France 2023 participe aux expérimentations sur les nouvelles technologies de sécurité prévues par la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Des caméras augmentées capables de détecter en temps réel certains éléments prédéfinis pourront être déployées aux abords du Stade de France pendant la compétition. L’événement verra aussi l’utilisation de systèmes de lutte anti-drone pilotés par l’armée de l’Air.  

Autre facteur d’aggravation lors des incidents de mai 2022 : la circulation massive de faux billets. « Il faut que le spectateur sente que sa sécurité est assurée de la meilleure façon, notamment par le fait qu’on puisse communiquer avec lui de manière très étroite. Dans ce cadre, le choix stratégique qui a été fait de maîtriser l’ensemble du processus de commercialisation et de gestion de la billetterie nous permet […] d’exploiter les données clients d’un million de personnes, de communiquer avec eux et de les intégrer à notre dispositif de sécurisation » précisait Julien Collette.4 

Pour limiter le risque de fraude lié aux 2,2 millions de billets vendus pour la compétition une plateforme officielle de revente spécifique sécurisée a ainsi été lancée en janvier 2023. Il s’agit « du seul canal par lequel, légalement, les détenteurs de billets peuvent revendre leurs billets »5 explique Julien Collette, et de conclure : « nous développons en parallèle une politique de lutte contre le marché noir, en particulier de surveillance des plateformes de revente comme Viagogo, contre laquelle nous venons d’obtenir une décision de justice favorable. Mais aussi contre toutes les plateformes Internet qui autoriseraient les détenteurs de billets à les revendre à des prix supérieurs au prix facial et par un canal autre que la plateforme officielle »6.