France-Australie : ensemble contre la propagation des feux de brousse

Burning tree silhouettes against fiery sunset sky generated by artificial intelligence

Près de 19 millions d’hectares brûlés, 6000 bâtiments détruits et 34 morts. Tel était le lourd bilan des feux historiques de fin 2019 à début 2020 en Australie. S’ils ont illustré à la face du monde l’ampleur des mégafeux contemporains, ils ont également été l’occasion de coopérations transnationales fortes pour parvenir à appréhender cette menace collective. Depuis ces épisodes de feux majeurs, la France et Canberra renforcent leurs relations. Entre partage d’expériences et solutions technologiques, c’est un partenariat gagnant-gagnant qui semble s’instaurer face à l’urgence.

Un partenariat de recherche fort

A l’initiative de l’Ambassade de France à Canberra, la création de l’Association franco-australienne de recherche et d’innovation (AFRAN) en 2016 marquait déjà une volonté d’inscrire la coopération dans la durée. Au lendemain des incendies dévastateurs qui ont sévi de fin 2019 à février 2020, ce rapprochement scientifique a été l’opportunité de mettre sur pied un groupe de travail dédié à la lutte contre les feux : la French-Australian Bushfire and natural hazards community, animée par Sébastien Lahaye (SAFE CLUSTER) et Jean-Baptiste Filippi (CNRS). Pour monter en compétences, cette communauté a créé un véritable espace de partage et d’échange sur les avancées scientifiques, les nouvelles technologies de prévention, de prévision et de lutte contre les incendies et les catastrophes naturelles, mais aussi sur les pratiques dédiées à la résilience de l’environnement, la résistance des infrastructures et la restauration des zone affectées. Dans la continuité de ces travaux, en 2022, un programme de doctorat en co-tutelle sur la modélisation du comportement des feux était lancé entre la RMIT University et l’Université de Corse. Une dynamique forte qui s’est renforcée plus encore, à l’occasion des dernières rencontres organisées par Business France et SAFE CLUSTER dans le cadre du French Bushfire Management Tour. « À Sydney, les deux journées de découvertes et de rencontres ont été marquées par un enthousiasme exceptionnel de la délégation française, explique Fernando Guerra Alves, Directeur du département Industries & Cleantech / Technologie & Services de Business France Australie. Les nombreux acteurs impliqués dont Airbus Helicopters, Angatec, CrisisVR, la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la gestion des crises du ministère de lIntérieur, la Fédération Française des Métiers de l’Incendie (FFMI), Toulouse INP – Institut National Polytechnique de Toulouse, l’INRAE, Labaronne-Citaf, le Groupe SOLER, VALABRE et XSun, ont ainsi pu échanger d’un point de vue technico-scientifique autour de la modélisation de l’évolution des feux incluant les dernières avancées de l’imagerie satellitaire et des drones à la fois pour la surveillance et la connaissance du terrain en amont. » La délégation française a également pu découvrir les innovations portées par les partenaires australiens du National Bushfire Behaviour Research Laboratory de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) – l’équivalent du CNRS – qui dispose aujourd’hui de deux des simulateurs de feux de brousse les plus avancés au monde.

Le renforcement des liens opérationnels franco-australiens en ligne de mire

Les mégafeux de 2019-2020 avaient été l’occasion pour le président français Emmanuel Macron de proposer une assistance à l’Australie dans son combat, qui s’était finalement matérialisée en janvier 2020 par l’envoi de cinq experts français de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) dans les provinces de la New South Wales (NSW) et de l’Australian Capital Territory (ACT). Déjà à l’ordre du jour, la coopération entre opérationnels était l’un des axes privilégiés, dans le but de créer les modalités d’un lien d’assistance bilatéral et multilatéral, en lien avec l’Union européenne. Symbole du rapprochement franco-australien sur ces dossiers, le French Bushfire Management Tour a finalement permis, trois ans plus tard de tirer un premier bilan de cette accélération des échanges depuis 3 ans. « Un RETEX comparatif entre les phénomènes de mégafeux qu’a connu l’Australie et ceux qui ont touché la France dans les Landes et en Gironde l’an dernier a permis de mutualiser les enseignements tirés de ces épisodes de feux majeurs, précise Jean-Bertrand Heyral délégué-adjoint de la FFMI. Nous avons pu en savoir plus sur les dispositions, techniques mais également législatives qui ont été prises pour la protection des espaces naturels et la prévention des incendies conformément aux recommandations de la Commission d’études nationale. Des éléments très intéressants pour nous Français puisquil s’agit là, à une échelle XXL, d’une situation que lon avait pu rencontrer l’an dernier et pour laquelle nos parlementaires portaient également une réponse législative comparable, proposée en juin dernier. » Finalement adoptée le 10 juillet, la récente loi prévoit désormais l’adoption d’une Stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies qui doit voir le jour dans un délai d’un an.

Accélérer les échanges commerciaux dans la gestion des feux de forêt

Outre le rapprochement stratégique, l’heure est également à l’acquisition de matériel côté australien, avec des besoins clairement identifiés par le CSIRO. Pour lutter contre les feux de brousse, le centre de recherche exprime des besoins allant de la modélisation à la réduction des impacts en passant par le renforcement de la résilience des espaces urbains. SAFE CLUSTER entend bien répondre à ces opportunités et ainsi renforcer plus encore le partenariat franco-australien. Parmi elles, l’IoT, l’IA, les drones, les matériaux ignifugés, l’imagerie satellitaire ou encore les technologies de prévisions météorologiques recueillent tous les suffrages pour l’implantation des entreprises françaises. « En France comme en Australie, la saison des incendies s’allonge. Le besoin en équipements se fait de plus en plus prégnant. C’est particulièrement le cas pour Canberra qui dépend beaucoup de son partage d’avions bombardiers d’eau avec le Canada et les Etats-Unis, puisque les saisons estivales sont inversées. Désormais, l’acquisition d’avions et hélicoptères bombardiers d’eau est nécessaire. En cela, il y a des partenariats à nouer avec l’Europe et notamment la France, sur lesquels nous travaillons. » précise Sébastien Lahaye, coordinateur de projet européen au sein de SAFE CLUSTER et de poursuivre « les échanges organisés en juin ont été décisifs pour nos entreprises françaises de la sécurité désireuses d’adresser le marché stratégique australien, sachant qu’ils ont permis d’initier leur implantation, en leur permettant d’être au contact de l’écosystème et ses besoins. » En plus de cette accélération des relations commerciales franco-australiennes, la coopération thématique ouvre plus largement sur une accélération des échanges internationaux sur la question des feux. « L’équipe de la Bushfire Mission travaille en étroite collaboration avec la Minderoo Foundation et X-Prize Wildfire, concours international sur quatre ans visant à encourager les équipes du monde entier à innover dans un large éventail de technologies dans deux domaines complémentaires conçus pour transformer la manière dont les incendies sont gérés et combattus : d’une part la détection et le renseignement des incendies depuis l’espace, d’autre part la réponse autonome aux incendies de forêt sur de larges étendues, ajoute le Commissaire Rob Rodgers du NSW Rural Fire Service. Et d’ajouter : « Avec 16 millions de dollars à la clé, les innovations issues de ce défi pourraient changer la donne pour la gestion des feux de brousse dans le monde entier. »

La coopération vers de nouveaux horizons

À l’occasion de la visite en France du Premier ministre Anthony Albanese en juillet 2022, un communiqué conjoint franco-australien a établi trois grands piliers de la coopération bilatérale : défense et sécurité, résilience et action pour le climat, éducation et culture. « Les priorités sectorielles en matière de coopération scientifique franco-australienne, ont été redéfinies selon ces piliers, explique Nathalie Simenel-Amar, chargée de mission scientifique de l’Ambassade de France en Australie. La santé est le secteur majeur de la coopération scientifique bilatérale, représentant 21% des publications scientifiques conjointes. En matière d’environnement, de nombreuses opportunités communes existent sur les enjeux indo-pacifiques tels que les récifs coralliens, le changement climatique, mais aussi la gestion des incendies ou la protection des océans. Plusieurs grandes industries françaises se sont positionnées en Australie à l’image de Neoen, Air Liquide et Engie et investissent en R&D dans le domaine de l’énergie et la transition énergétique. Le numérique fait également l’objet d’une coopération fructueuse sur les thématiques d’intérêts communs que sont aujourd’hui l’information quantique, l’IA, la numérisation des systèmes de production industrielle mais aussi l’éthique et la réglementation des nouvelles technologies numériques. L’Australie étant un pays jeune dans le secteur des technologies spatiales, elle n’en est pas moins un acteur incontournable pour le suivi des satellites et le déchargement des données, et offre des opportunités de partenariat intéressantes dans ce domaine. »

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