Sandrine Mazetier « Chacun doit prendre ses responsabilités pour avancer ensemble »

Sandrine Mazetier « Chacun doit prendre ses responsabilités pour avancer ensemble »

À l’heure où les priorités en matière de politique de sécurité « sont à retrouver des marges de manœuvre budgétaire pour que ce secteur soit mieux équipé, augmente et améliore ses capacités d’analyse et d’anticipation des risques, de réponses et de résultats »… À l’heure où le livre Blanc de la Défense et de la Sécurité nationale, « qui est avant tout le livre blanc de la Défense », vient d’être officiellement présenté… À l’heure où la structuration de la filière sécurité fait consensus moral, voici les réponses aux questions majeures de la sécurité, de Sandrine Mazetier, députée de Paris et vice-présidente de l’Assemblée nationale.

Passionnée par la thématique de sécurité, Sandrine Mazetier, député PS, explique : « La sécurité est une question à la fois individuelle et collective. Elle est une question qui concerne la République tout entière et chaque individu. Elle est un domaine où se croisent, se contredisent et s’enrichissent la sphère privée et publique, la défense des libertés individuelles et collectives. »

Les moyens d’agir

Retrouver des marges de manœuvre budgétaire pour lutter contre « le désinvestissement progressif qui nous fait courir des risques majeurs dans la capacité à renseigner, à percevoir les signaux faibles, à appréhender des réponses adaptées et à anticiper davantage. Il faut être capable de faire face à l’évolution des risques. En matière de lutte contre le terrorisme, par exemple, il faut toujours plus d’imagination, de capacités d’adaptation et de capacités publiques pour faire face. Il ne s’agit pas pour autant de toucher aux fonctions régaliennes de l’État, mais le secteur privé peut intervenir, sous contrôle, en matière de renseignement, de stratégie et d’analyse. Dans le cadre de la menace cybercriminelle, par exemple, il faut une nouvelle organisation pour répondre à de nouvelles menaces et faire face à un adversaire polymorphe sans frontières. L’avenir est à l’européenne. Il y a une véritable pertinence à ce que l’Europe réfléchisse à une réponse globale à apporter à la cybercriminalité. Il faut une cyberarmée à la bonne échelle, souple et adaptable.

Il faut enfin rendre aux forces de sécurité les moyens d’agir en termes d’effectifs, d’équipements et de renseignement. Leur donner une meilleure visibilité des enjeux et une hiérarchisation des urgences. Je pense également qu’il y a un véritable défi de confiance. Confiance en la société dans ses capacités à investir dans des équipements au profit des forces pour intervenir dans de bonnes conditions, mais aussi de confiance entre la population et les hommes et les femmes qui s’investissent pour leur protection. »

Défense et sécurité, binôme tiraillé

« Le continuum sécurité/défense est une réalité, certes. La coopération entre les deux domaines est nécessaire. Reste que certaines problématiques sont propres à chacun d’eux. Ainsi, même si j’estime que la sécurité n’est pas maltraitée dans le Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité nationale, il est avant tout le livre blanc de la Défense. » La thématique sécurité ainsi abordée sur les deux dernières pages de ce nouveau livre blanc ne la contredira pas. Aussi, pourquoi ne pas penser un livre blanc de la sécurité. Madame Mazetier « ne trouverait pas cela inutile… »

De la même manière, la question posée de la nécessaire structuration de la filière qui fait par ailleurs consensus auprès de toutes les parties prenantes « est importante, mais elle ne peut pas se faire à l’identique de la Défense. Ce n’est pas possible, et surtout, ce n’est pas souhaitable. Je nous invite à regarder parfois ce que font les pays voisins pour une dynamique économique plus cohérente. C’est un point qui pèche chez nous.

Le marché de la sécurité est un marché porteur qui, malheureusement, en l’absence de structuration, manque à préserver et à structurer ses emplois, de même qu’à anticiper les risques. Il faut évaluer le poids économique du secteur et des emplois créés et perdus ou détruits, les technologies gâchées toujours par absence de structuration. Il est donc nécessaire d’articuler la formulation des besoins capacitaires, de manière intelligente, de programmer la recherche, d’identifier ceux qui peuvent la mener. Il faut tendre vers une anticipation sur plusieurs années. Chacun de nous a un rôle à jouer. L’État a un rôle central notamment avec la définition de ses besoins et les acteurs qu’il entend interroger et accompagner dans ces besoins. Cela est valable en matière de R&D, par exemple. Dans ce domaine, il y a encore de la marge, avec des crédits d’impôt disponibles notamment. Mais c’est à l’État, encore une fois, de faire des efforts en matière de clarté dans ce qu’il entend accompagner dans la recherche et le développement, comment répartir les moyens selon les différentes étapes, et auprès de quels acteurs. Pour les élus, en période d’argent public rare, il est vital de s’interroger sur les bons moyens humains et les bons outils à conserver et/ou à accroître ou a contrario à supprimer. Les solutions ne sont pas toutes contenues dans la multiplicité incontrôlée des agents en tenue. Le renseignement, par exemple, discret, peut apporter d’excellents résultats. Enfin, les industriels doivent s’intéresser, notamment les grands groupes, au développement du travail collaboratif les mêlant aux ETI et aux PME. Ces dernières sont trop peu nombreuses en France, mais sont aussi écrasées, quelquefois, par le poids des géants. Il faut se poser la question des conséquences de certaines pratiques qui visent à tordre le cou de nos PME. Mais ceci est valable pour bien des secteurs, et pas uniquement celui de la sécurité. Les groupements professionnels également, comme le GICAT et ses actions en matière de sécurité, jouent un rôle incontestable, en apportant une visibilité des acteurs du marché, du potentiel et de l’homogénéité de ce dernier. Il faut enfin mieux communiquer, mieux expliquer que le marché de la sécurité n’est pas uniquement un business. Les exemples de cluster regroupant grands groupes, collectivités, PME, laboratoires, etc., sont des structures à développer, sur lesquelles il faut se pencher, et ce avec urgence. Il faut promouvoir ce type de regroupement mais il faut aussi se donner les délais. Les naissances de concepts comme ceux-ci ont la fâcheuse tendance à naître trop tard…

Il faut donc un dialogue qui s’installe pour trouver des solutions opérationnelles. L’heure est au choc de simplification mais pas à la naïveté. Il faut préserver les finances publiques et l’intégrité des agents publics. Chacun doit prendre ses responsabilités pour avancer ensemble. Il faut donner des moyens techniques et technologiques adaptés à la réalité de leurs missions, sans oublier de maintenir au cœur du dispositif l’humain. La formation du personnel et la gestion des ressources humaines doit être une priorité également. C’est ce sur quoi portent notamment les efforts du ministère de l’Intérieur. »