Les systèmes d’armes du futur à l’aune du combat collaboratif

Destiné à connecter les acteurs du champ de bataille pour une plus grande rapidité d’action et une meilleure appréhension de la situation tactique, le combat collaboratif est aujourd’hui sans nul doute une nécessité pour maintenir la supériorité opérationnelle. Avec le développement des systèmes d’armes du futur, les industriels français et européens se rapprochent de plus en plus de cet objectif…

Le combat collaboratif face à la réalité du monde

Tout l’objectif derrière le combat collaboratif réside bel et bien dans le maintien de la supériorité opérationnelle. Tout l’objectif derrière le combat collaboratif réside bel et bien dans le maintien de la supériorité opérationnelle. « L’accélération du tempo du combat nécessite que nous soyons plus rapides que ladversaire. Pris de vitesse, ladversaire subira le combat et ne pourra pas imposer son rythme. Il naura dautre choix que de réagir face à notre action » soutient Loïc Rullière, chef du département deep and tactical strike chez MBDA. Si aujourd’hui les grands industriels français de la défense développent de nombreux programmes d’armements tels que le SCAF, le MGCS ou encore le programme Scorpion, les tensions géopolitiques mondiales nécessitent de l’adaptation. « Nous nous devons de tendre vers une plus grande agilité, réduire les temps de développement des programmes qui aujourdhui avoisinent la dizaine d’années. Il faut travailler de façon plus intégrée entre les équipes étatiques et industrielles. Pendant que nous développons des programmes d’armement, la réalité du monde change. Les cycles technologiques sont aujourdhui plus courts pour certains dentre-eux » ajoute Loïc Rullière.

Développement de systèmes intelligents adaptés

Entre les drones autonomes, les systèmes algorithmiques, l’intelligence artificielle, le big data ou encore les cloud de combat, les possibilités sont nombreuses. « Aujourdhui, le cloud de combat permet d’interconnecter les systèmes darmes, favorise l’échange dinformations machine/machine, tout cela en temps réel » souligne Lionel Collot, Directeur de la stratégie navale de Thales Defence Mission Systems. Dans le domaine de l’aviation, « l’IA assistera le pilote dans son cockpit, il deviendra un commandant de mission » dévoile Bruno Fichefeux, responsable du programme Future Combat Air System d’Airbus. Et, dans un monde où les champs de conflictualité ne se résume plus au triptyque Terre/Air/Mer, les systèmes d’armes du futur pourraient bien avoir un rôle à jouer notamment dans le monde sous-marin. « L’enjeu daujourdhui est de réussir à ce que le combat collaboratif ne se déroule plus quen surface mais bel et bien dans en milieu sous-marin » poursuit Cyril Lévy, Directeur des Drones et des Systèmes autonomes et collaboratifs chez Naval Group. Le ministère des Armées dévoilait il y a quelques mois son intérêt pour ces nouveaux types de drones. Naval Group a signé un contrat destiné à étudier les cas d’usages principaux et l’architecture système d’un drone sous-marin de combat, l’Unmanned Combat Underwater Vehicle (UCUV). Les Etats-Unis disposent quant à eux déjà d’une flotte entièrement composée de navires sans pilote. Doté de capacités pour collecter de l’information mais aussi détecter de la menace, ce nouveau drone aura disposera également d’une capacité de frappe militaire.

Au-delà des atouts technologiques et de facilitation des missions, « les drones autonomes sont aujourdhui une solution viable pour limiter l’exposition des unités et des forces humaines » explique Cyril Lévy.

Combat collaboratif et interopérabilité européenne

« Dans un contexte de haute intensité, il ne faut plus miser sur le un contre un. Au contraire, lunion fait la force » souligne un ingénieur de l’armement de la DGA.1 Pour cela, un seul mot d’ordre : l’interopérabilité des systèmes avec nos Alliés. Pour autant, aujourd’hui celle-ci semble plutôt semble rester un vœu pieux. « L’interopérabilité est un véritable défi. En Europe, certains développements sont disjoints voire concurrents. Or il sera vital que chacun collabore pour permettre datteindre un niveau de combat collaboratif interopérable » note Loïc Rullière et de poursuivre : « L’OTAN reste un des leviers aujourdhui pour tendre vers cet objectif. LAlliance travaille à ce que les forces armées collaborent, échangent et développent des tactiques et matériels interopérables. Il est possible davoir, sur le même équipement, des formes dondes et des protocoles nationaux pour des usages spécifiques tout en intégrant dautres protocoles communs en cas de combat collaboratif entre Alliés engagés sur le même théâtre. Mais cela nécessite de lorganisation… L’Union Européenne travaille aussi dans le sens dune plus forte interopérabilité des forces. »

Ethique et responsabilité des systèmes darmes intelligents

Le développement de tels nouveaux outils soulève son lot de questionnements éthiques. D’autant que la question de la responsabilité qui incombe à ces systèmes autonomes reste aussi à régler : en cas de dysfonctionnement du système entraînant des conséquences lors d’un combat, qui est responsable ? Aujourd’hui la question reste en suspens. Les industriels français se refusent à construire des systèmes d’armes létales autonomes (SALA). « Il est hors de question de fabriquer des systèmes létaux autonomes qui pourraient modifier eux-mêmes les éléments majeurs de leurs missions. Un effecteur doit travailler dans un espace-temps défini par un opérateur et navoir aucune latitude à en changer. Seul l’opérateur peut changer la mission. Si lon veut éviter des phénomènes descalade, il est fondamental que les hommes restent responsables de leurs actions. Pour quils soient responsables, il faut quils restent décisionnaires. Ils ne peuvent en aucun cas sortir du processus décisionnel quand il sagit de décider de louverture du feu » explique Loïc Rullière tout en précisant que, dans ce domaine, MBDA suit les recommandations édictées par le rapport du Comité d’éthique de la défense de 2021.

Dans le domaine du développement des systèmes d’armes du futur, le manque de régulation commence à se faire sentir. S’ils ne sont pas dotés de capacité de létalité, ces systèmes doivent néanmoins répondre à de nombreuses considérations éthiques. Dans le domaine du développement des systèmes d’armes du futur, le manque de régulation commence à se faire sentir. « Nous navons pas encore de cadre établi dans le domaine. Ce cadre doit être développé à l’international, tous les Etats doivent se mettre daccord sur ce quil est possible de développer ou non comme système. Aujourdhui, cela est impossible, tous les Etats nont pas les mêmes intéts » déplore Bruno Fichefeux.

1https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/ministere-armees/esprit-defense-numero-5-automne-2022.pdf