Cyrille Chahboune : de blessé de guerre à sportif de haut niveau

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Aller de l’avant, aller plus loin, toujours se relever. Tel pourrait être le mantra de Cyrille Chahboune. Hier militaire blessé en Irak, aujourd’hui para-athlète de haut-niveau, son parcours force l’admiration. Rencontre avec un véritable combattant qui fait rimer résilience avec humilité.

Une première vie rythmée par laction

Cyrille Chahboune s’engage à 19 ans dans les commandos parachutistes de l’Armée de l’Air de Bordeaux-Mérignac (CPA 30), avec un objectif : intégrer les très sélectifs « groupes action » de cette unité spécialisée dans les missions de recherche et de sauvetage au combat (RESCo et RESAL). D’abord affecté à des missions de protection des bases françaises au Tchad et américaines en Afghanistan, il multiplie les formations, stages et qualifications, notamment dans les transmissions, spécialisation peu courue qui lui ouvre rapidement les portes du groupe RESAL. Il est alors projeté en Afghanistan une nouvelle fois, puis en Libye. Toujours en quête de perfectionnement, il continue de se former et se spécialiser : tireur d’élite, tireur d’élite longue distance, désignateur laser, chuteur opérationnel… Une détermination et une exigence qui lui permettent de passer les sélections du très prestigieux CPA 10, les forces spéciales de l’armée de l’air. Il sera déployé au Mali, au Tchad, et en Irak, en 2016. Sa dernière mission, au cours de laquelle il sera victime de l’explosion d’un drone piégé. Evacué vers la France, il est amputé des deux jambes.

Le sport pour se reconstruire

Une autre vie commence alors. Après un an d’hospitalisation et de rééducation au cours de laquelle il lui faut ré-apprendre à vivre, on lui propose un poste « sur mesure » au ministère des Armées, pour lui permettre de continuer à servir. Mais il sait que ses blessures le conduiront derrière un bureau, devant un ordinateur. « Jai tout de suite refusé. Mon métier, c’était ma passion. Je ne me voyais pas faire autre chose. »  Il préfère tourner la page. « Je me suis très vite tourné vers le sport. Dabord parce qu’il fait aujourdhui partie intégrante du parcours de reconstruction physique et psychologique des militaires blessés, notamment grâce aux dispositifs du Centre national des Sports de la Défense (CNSD) : Challenge Ad Victoriam, Invictus Games… Il permet d’évacuer, de s’évader, de se détacher temporairement des difficultés de la vie. Le pouvoir des endorphines quil libère dans le cerveau est très puissant ». A sa sortie de l’hôpital, il intègre l’équipe de militaires blessés qui représentent la France aux Invictus Game de 2018 et repart avec une médaille d’or, en Voile. Signe que le goût du défi et la quête de l’excellence qui ont marqué sa carrière militaire l’accompagneront aussi dans sa nouvelle vie.

Du militaire au sportif de haut-niveau

« Je me suis aussi tout de suite dit que je pouvais aller plus loin. Un mois après ma sortie de lpital, jai également rejoint l’équipe de France de volley-ball assis qui se mettait en place en vue des Jeux Olympiques de 2024. » Insatiable, il s’entraîne en parallèle à des sports individuels et s’essaye au ski, le temps d’une saison avec l’équipe de France de paraski, et opte finalement pour le tir au pistolet, qu’il présentera aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028. En 2022, il est sacré vice-champion du monde de handifly, la chute libre en soufflerie. C’est le début d’un nouveau chapitre, celui du sport de haut niveau. « Jai toujours été sportif car l’entraînement faisait partie intégrante de notre métier. Mais le sport en club, le haut niveau, la compétition, cest très différent. »

C’est peut-être là que ses deux vies se rejoignent « le sport de haut niveau, cest une autre façon de représenter et défendre son pays, ses valeurs, son drapeau et ses couleurs, un peu partout dans le monde. ». Une autre forme d’engagement, qui donne un sens à cette nouvelle vie d’athlète de haut niveau dans laquelle il perpétue cette intarissable soif de défi et de dépassement de soi qu’il met aujourd’hui au service de ces performances sportives, mais surtout une véritable force morale. « Les militaires athlètes de haut niveau se distinguent par une meilleure gestion du stress et de la pression pendant les compétitions. Dans les sports collectifs nous sommes toujours force de proposition pour renforcer la cohésion et lesprit de groupe au sein de l’équipe.» Pour autant, le sport de haut niveau n’est pas une évidence pour tous les soldats blessés. « Cela peut aussi avoir des effets secondaires. La compétition cest aussi prendre le risque d’échouer après des mois, voire des années de préparation. Après une blessure ou un accident, revivre une telle expérience peut être difficile à supporter. »

Athlète recherche sponsor

Mais à ce niveau de compétition, le défi n’est pas seulement purement sportif « Outre la préparation physique et technique, mon principal challenge, comme beaucoup de sportifs de haut-niveau, reste la recherche de sponsors. Monter un dossier demande beaucoup de temps, sans compter le temps passé à démarcher ensuite. Sur 10 dossiers, si jarrive à en faire aboutir un, cest déjà beaucoup. Pour un sport qui manque de visibilité, qui ne génère pas beaucoup dargent et qui na pas encore ramené de médailles, cest très compliqué. » Et si l’approche des JOP met ces enjeux en lumière et tend à faciliter la recherche de sponsors : « Le véritable problème nest pas tant les JOP eux-mêmes que les 4 années de préparation qui les précèdent. »

Qu’il s’agisse de sponsoring ou de visibilité « Les Jeux seront loccasion de parler et de faire parler du para-sport, mais tout lenjeu sera d’éviter que tout retombe et sarrête brusquement ». Cela passera notamment par des politiques publiques volontaristes et ambitieuses en faveur du para-sport, « il faudra se battre pour que les clubs développent des sections dédiées, car cest encore trop rarement le cas. » « Mais il faut aussi que les intéressés se mobilisent, soient proactifs, même si ça nest pas toujours facile ». Ne jamais baisser les bras, toujours aller de l’avant.

Et après les Jeux ? Cyril Chahboune nous donne déjà rendez-vous en 2028, puis en 2032.