Thierry Breton propose un fonds européen de 100 milliards d’euros pour l’industrie de défense

Le commissaire européen du marché intérieur a appelé le 9 janvier dernier à la création d’un fonds de 100 milliards d’euros destiné à stimuler l’industrie de la défense à l’échelle de l’Union européenne. Un projet qui suppose de convaincre les Etats membres de le financer.

Par Alban Wilfert

Relancer l’industrie de défense européenne

« Il y a la guerre sur notre continent, nous devons nous réarmer ».1 La formule prononcée par Thierry Breton le 11 janvier 2024 à Bruxelles a le mérite d’être claire. Deux jours plus tôt, le commissaire européen au Marché intérieur avait proposé la création d’un fonds de 100 milliards d’euros pour l’industrie de la défense européenne.

Le calendrier y est pour quelque chose. Le prochain sommet européen est prévu pour le 1er février, la présentation de la nouvelle stratégie industrielle de défense européenne (EDIS) pour le 27 février et l’échéance de la fourniture prévue d’un million d’obus à l’Ukraine pour mars. Sans oublier les élections européennes en juin et celle du président des Etats-Unis en novembre. Alors que la guerre en Ukraine va entrer dans sa troisième année et que Donald Trump pourrait revenir à la Maison-Blanche, la nécessité pour les Européens de prendre en main leur propre défense ne s’est jamais autant fait sentir.

Le vaste projet de Thierry Breton consisterait à utiliser le fonds pour « aider les entreprises à prendre certains risques, notamment investir dans de nouvelles capacités, et ce sans nécessairement disposer d’emblée de commandes des différentes armées ».2 Des mesures d’incitation dans le but explicite de parvenir « au même niveau que la Russie »3 en termes de production d’armes et de munitions, pour peser dans les négociations.

Si le traité de l’Union européenne interdit à cette dernière d’acheter directement des équipements et des munitions comme peuvent le faire ses Etats membres, elle pourrait développer des infrastructures communes de sécurité comme la constellation Iris2 destinée à la surveillance spatiale, des centres de cybersécurité, le cofinancement de systèmes de défense antiaériens ou encore des porte-avions européens, « car, seul, un pays ne peut plus s’en offrir un ».4 Thierry Breton en est convaincu : l’échelon européen est le bon.

Question de moyens

Bien qu’ambitieux, le projet s’appuie sur des bases préexistantes. Outre le fonds européen pour la défense, doté de 8 milliards d’euros, la Commission européenne a mis en place en 2023 l’outil ASAP, Act to Support Ammunition Production, destiné à financer la production de munitions à l’heure où les stocks diminuent. 82 projets ont été déposés pour obtenir des financements de ce dernier, dont « vingt à trente seront sélectionnés »,5 a précisé Thierry Breton.

Il n’empêche, 100 milliards de dollars représentent une somme conséquente à réunir. « S’il y a une volonté politique, les moyens viendront»,6 temporise le Commissaire européen. Si les pistes de financement n’ont, pour l’heure, pas été détaillées, un nouvel endettement commun n’est pas exclu. La proposition de Thierry Breton fait écho aux paroles de Sébastien Lecornu, ministre des Armées qui a récemment appelé l’industrie de défense à « prendre des risques » et opérer une « rupture culturelle ». Radoslaw Sikorski, nouveau ministre polonais des Affaires étrangères, semble d’ores et déjà acquis à la cause de Thierry Breton. « Pronto, please »,7 a-t-il écrit sur X. De l’autre côté de la ligne Oder-Neisse, Olaf Scholz a formulé dès le 7 janvier le souhait qu’une « vue d’ensemble aussi précise que possible de la contribution concrète que nos partenaires européens apporteront au soutien de l’Ukraine cette année ».8 Toutefois, son refus, fin 2023, de débloquer 20 milliards d’euros sur quatre ans pour fournir des armes à Kiev semble de mauvais augure. Si les contours exacts du fonds de financement ne sont pas encore précis, Thierry Breton commencera prochainement une tournée dans les capitales européennes pour aller défendre sa proposition. Un combat qui ne semble pas gagné d’avance.

1https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/ukraine-thierry-breton-propose-un-fonds-de-100-milliards-pour-l-industrie-de-defense-europeenne-987652.html

2https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/12/ue-thierry-breton-propose-un-fonds-de-100-milliards-d-euros-pour-developper-la-defense-europeenne_6210438_3210.html

3https://www.euractiv.fr/section/ukraine/news/thierry-breton-propose-un-fonds-de-100-milliards-deuros-pour-lindustrie-de-la-defense-europeenne/

4Le Monde, op. cit.

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Ibid.

8 Euractiv, op. cit.