La sécurité au Canada : un marché en plein essor

Cybercriminalité, risques naturels majeurs, criminalité organisée, organisations de grands événements, les menaces auxquelles le Canada est confronté ne manquent pas. Une course contre la montre pour endiguer des fléaux protéiformes dans laquelle les industriels français du secteur pourraient bien tirer leur épingle du jeu…

Les cybermenaces toujours plus importantes

En 2022, 40 % des 220 milliards de dollars investis dans les solutions de cybersécurité dans le monde ont été captés par les Etats-Unis et le Canada faisant écho à l’augmentation de près de 45 % des cyberattaques au Canada cette même année par rapport à l’année précédente.1 Dans ce contexte tendu, et comme pour de nombreux autres pays occidentaux, les talents et le haut-niveau d’expertise de la main-d’œuvre font défaut. Aujourd’hui, un poste sur six n’est pas pourvu dans le pays. Le Canada est également confronté au “braconnage de talents” de la part des Etats-Unis où le niveau de rémunération est bien plus élevé et les opportunités plus nombreuses. « Le Canada est un chef de file dans les domaines de l’intelligence artificielle mais aussi de la cybersécurité. […] Je suis convaincu que le Canada est un partenaire d’affaires idéal pour la France. Nous vous offrons toute notre aide possible » déclarait, il y a quelques mois Stéphane Dion, ambassadeur du Canada en France. Aussi, de ces menaces naissent des opportunités. « La protection des données, les logiciels de cybersécurité et cybercriminalité, ou encore la vidéosurveillance sont des sujets de préoccupation importants aujourd’hui pour les entreprises canadiennes. Ces dernières sont aussi à la recherche d’outils de gestion de crises efficaces » confirme Antoine Dumas, chargé de développement chez Business France Amérique du Nord. Les forces de sécurité intérieure accentuent également leur coopération avec les forces des différents Etats-membres européens. « Certains profils canadiens intéressent Europol et les services Français, notamment dans les enquêtes de cybercriminalité. Lorsqu’il y a des saisies, notamment de crypto-actifs avec les Etats-Unis, il y a de grandes chances pour que le Canada soit impliqué d’une manière ou d’une autre » précise le Colonel Charles Hugonnet, Attaché de Sécurité Intérieure à Ottawa. En avril dernier, la coopération entre les forces de plusieurs pays européens et du Canada, ont permis la fermeture de Genesis Market, l’une des plus grandes plateformes de hackers au monde sur laquelle était revendue des millions de données personnelles, et l’arrestation de 119 personnes.2

Le Canada face aux risques majeurs

« Si le budget de la sécurité intérieure est stabilisé, la part allouée aux crises climatiques a tendance à augmenter. Cela représente de nouvelles opportunités pour les entreprises françaises qui disposeraient de compétences liées à la détection des risques naturels » précise Antoine Dumas. Le Canada, pays exposé aux inondations, feux de forêts, dômes de chaleur, etc. a connu une année 2023 de tous les records, avec 6400 feux, 19 millions d’hectares de forêts partis en fumée, soit 25 % du territoire français et des centaines de milliers de personnes évacuées. Face au manque de personnels pour contenir les départs de feux qui ont duré plus de deux mois, les militaires de la sécurité civile française ont prêté main forte à leurs homologues canadiens. Une situation exceptionnelle qui pourrait se reproduire dès l’été prochain si la pleine mesure des besoins pour se préparer et contenir ces feux n’est pas prise. « En termes de détection des feux de forêts, nous sommes aujourd’hui aux prémices des capacités de l’intelligence artificielle. Les portes sont ouvertes pour les entreprises qui apporteront des solutions pérennes pour faire face à ces menaces, au même titre que des solutions qui permettent une meilleure utilisation et gestion d’images satellitaires » précise le chargé de développement de Business France. « Les besoins des pompiers canadiens sont importants en matière de formation, d’équipements individuels ou encore nouvelles technologies qui permettraient une meilleure anticipation et surveillance des zones impactées (drones) » poursuit l’ASI à Ottawa.

Plus largement, les équipements de gestion d’une crise majeure, d’aide au commandement ou de communications sécurisées sont également au cœur des enjeux actuels des forces de sécurité. Parfaitement identifiés, ces besoins donnent d’ores et déjà lieu à des échanges entre les industriels français et les forces canadiennes qui ont pu tester la valise Fenics déployée par Orange lors des derniers épisodes de feux de forêts. Créant une bulle de communication connectée au Wifi, Fenics favorise la fluidité des échanges et la connectivité entre les forces opérationnelles sur le terrain. Les provinces canadiennes sont aujourd’hui dotées de systèmes de télécommunications différents. L’interopérabilité de ces derniers faisant défaut, les échanges sont rendus plus complexes appelant ainsi à faire évoluer les outils en dotation pour faire face aux risques grandissants.

La criminalité inquiète

Au Canada, plus de 3000 groupes criminels organisés sont actifs ou soupçonnés de l’être. « Sur le panorama de la menace, les apparences peuvent être trompeuses. Fort d’une excellente réputation à l’international, le Canada est parfois considéré à tort comme un pays aux problématiques limitées. Il y a en effet, un sentiment général de sécurité largement partagé au Canada, avec par exemple une criminalité moins visible qu’en France sur la voie publique. Néanmoins, celle-ci est bien réelle. La présence historique de différents groupes criminels organisés, mafias et gangs génère des trafics d’armes, de stupéfiants voire pour certaines des grandes villes, de la violence armée et des activités de blanchiment d’argent. Par ailleurs nous échangeons régulièrement sur des tendances que nous partageons : la radicalisation des contestations, les nouveaux enjeux de la gestion de l’ordre public, ou encore les moyens de lutte contre la haine en ligne » témoigne le Colonel Hugonnet. Les ramifications internationales de ces groupes ne facilitent pas le travail des enquêteurs locaux… En Ontario, où les coups de filets contre les gangs se succèdent, le gouvernement a décidé d’allouer 6 millions de dollars sur trois ans à des projets destinés à prévenir la criminalité. « Dans cette province, il y a de nombreux enjeux liés à la criminalité organisée. Les polices des provinces canadiennes ont des équipements assez anciens qui ne leur permettent plus de faire face à l’évolution du paysage criminel. Les besoins en termes de petits équipements, gilets par balle notamment, ou le secteur des drones / anti-drones sont au cœur des besoins des forces. Pour les entreprises françaises, le marché de la vidéosurveillance embarquée dans les véhicules est également un marché en pleine expansion » souligne Antoine Dumas.

Objectif : grands événements

L’agenda international est favorable à l’émergence de nouveaux besoins pour les forces canadiennes. 2025 : organisation du G7. 2026 : organisation d’une partie de la Coupe du Monde de football à Vancouver et Toronto. « Deux rendez-vous majeurs en termes de gestion des grands événements et de l’ordre public. Si elles sont habituées aux manifestations réunissant un large public, c’est moins le cas s’agissant des risques particuliers liés aux groupes de supporters du soccer (hooliganisme, etc.). En termes de maintien de l’ordre, cela pose de réels défis. Ainsi, la question de la coordination en forces fédérales, provinciales et municipales, l’investissement dans de nouveaux outils de communication en mobilité, ainsi que la formation paraissent incontournables » explique le Colonel Hugonnet, et d’ajouter : « Les besoins se déclinent également sur la partie des équipements personnels des forces pour le maintien de l’ordre, les armes non létales, les outils de protection des sites sensibles ou encore la lutte anti-drone. Tous ces domaines monteront nécessairement en puissance cette année et l’année prochaine ».

Réussir son développement au Canada

Des opportunités nombreuses donc dans un pays historiquement proche de la France. Pour autant quelques informations sont à intégrer avant de s’intéresser au marché canadien. « Les processus administratifs, réglementaires et de certification peuvent être assez longs : de plusieurs mois à deux ans » précise Antoine Dumas et d’ajouter : « Certains événements comme le colloque de l’Association des Directeurs de Police du Québec (ADPQ), qui aura lieu en mai prochain, permettent de sonder le marché de la sécurité intérieure au Canada et d’échanger avec les clients finaux sur leurs besoins précis mais aussi d’en apprendre davantage sur l’aspect certification et réglementation. » Une délégation française participera à l’ADPQ et rencontrera l’écosystème fédéral à Ottowa lors des French Security days du 20 au 24 mai. « Une véritable aubaine pour les entreprises en quête de développement à l’export ! » conclut Antoine Dumas.

https://extranet-btob.businessfrance.fr/FSDcolloqueadpq2024/

1https://www.bretagne-economique.com/actualites/cybersecurite-six-entreprises-bretonnes-a-la-conquete-du-marche-nord-americain/#:~:text=En%202022%2C%2040%25%20des%20220,le%20Canada%20(source%20Statista).

2https://fr.euronews.com/2023/04/06/fermeture-de-genesis-market-lune-des-plus-grandes-plateformes-de-hackers-au-monde