L’Afrique et l’intelligence artificielle : un continent en quête d’excellence

L’intelligence artificielle (IA) représente aujourd’hui un enjeu majeur pour les économies du monde entier. En Afrique, ce domaine émergeant suscite un intérêt croissant, marquant le début d’une ère où le continent pourrait jouer un rôle clé dans l’innovation technologique. Entre formation, stratégies politiques, réglementation, innovation et éthique, les perspectives futures pour le continent sont considérables et les défis à relever nombreux.

Par Jérôme Ribeiro, Président Fondateur de Human AI

Des champs dactions multiples 

En matière de formation et de stratégie politique, l’intégration de l’IA dans les programmes éducatifs et les politiques nationales constituent un enjeu majeur pour plusieurs pays africains. Des nations comme le Rwanda et le Kenya se démarquent particulièrement par leur engagement envers l’enseignement des technologies numériques, avec un accent prononcé sur l’IA. Le programme Digital Ambassador vise à former des millions de Rwandais, en particulier dans les zones rurales, à l’utilisation de services en ligne et à l’alphabétisationnumérique​. Le gouvernement marocain a lui aussi révélé son ambition de doter 22 500 diplômés par an de compétences numériques d’ici 2027. La réglementation et la régulation du secteur de l’IA se révèlent complexes, mais essentielles pour garantir une utilisation éthique et responsable de ces technologies innovantes. L’Afrique du Sud et le Nigeria se positionnent en précurseurs, élaborant des cadres législatifs adaptés à la nouvelle ère numérique. Parallèlement, l’innovation en IA fleurit sur l’ensemble du continent africain. Ubenwa, start-up nigériane, a développé une application qui utilise l’IA pour diagnostiquer l’asphyxie néonatale à partir des pleurs des bébés. L’algorithme analyse les caractéristiques acoustiques du cri pour identifier les signes de détresse respiratoire, offrant ainsi un diagnostic rapide qui peut sauver des vies. Hello Tractor permet dans plusieurs pays africainsaux agriculteurs de réserver des tracteurs à la demande, améliorant ainsi l’efficacité et réduisant les coûts de production. Eneza Education au Kenya, offre un accès à l’éducation via des téléphones mobiles, même dans les régions reculées. Leur plateforme utilise l’IA pour fournir un contenu éducatif personnalisé et des évaluations adaptées au niveau de chaque élève.

IA et objectifs de développement durable 

Plusieurs projets innovants répondent aux Objectifs du Développement Durable (ODD) grâce à l’IA. Human AI au Maroc a notamment concentré ses efforts sur l’optimisation de l’irrigation dans l’agriculture, un enjeu crucial pour le pays. Un système d’IA analyse les données climatiques, les types de sol et les besoins des cultures. En collaboration avec les agriculteurs marocains, cela a permis de réduire la consommation d’eau jusqu’à 25%, tout en augmentant les rendements agricoles. Twiga Foods au Kenya permet de relier les petits agriculteurs kényans aux marchés urbains. En analysant les données de la chaîne d’approvisionnement, Twiga Foods optimise la logistique, réduit les pertes de produits agricoles et assure des prix équitables pour les agriculteurs et les consommateurs contribuant à une meilleure sécurité alimentaire. GiftedMom au Cameroun fournit des conseils de santé maternelle et infantile par SMS aux femmes enceintes et aux jeunes mères dans les régions rurales et envoie des rappels personnalisés pour les vaccinations et les consultations prénatales. Au Mozambique, des travailleurs de la santé ont testé une IA dans une prison à haute sécurité pour diagnostiquer la tuberculose en utilisant des machines à rayons X portables connectées. Un diagnostic rendu en moins de cinq minutes. mPedigree au Ghana combat la contrefaçon de médicaments. Les patients peuvent vérifier l’authenticité des médicaments en envoyant un code unique via SMS. Ces initiatives, bien que prometteuses, soulèvent toutefois des questions essentielles concernant l’accès aux données, la connectivité et l’adaptation des technologies d’IA aux contextes spécifiques de chaque pays. La mise en place de politiques favorisant le cloud computing est vue comme essentielle pour une utilisation efficace de l’IA, grâce à une infrastructure capable de supporter les grandes quantités de données et les besoins en calcul de l’IA.

Pour une IA éthique, inclusive et équitable

L’Afrique s’illustre par une approche résolument axée sur l’éthique dans le domaine de l’IA en mettant l’accent sur le développement d’une IA inclusive et équitable, respectueuse des diversités culturelles et sociales propres au continent. Des pays comme l’Egypte, le Nigeria et le Kenya en sont à un stade initial d’utilisation de l’IA, tandis que d’autres, comme le Maroc, l’Afrique du Sud et la Tunisie, commencent à éveiller un intérêt pour cette technologie.

Maurice considère l’IA comme un levier important de développement national, tandis que l’Egypte se concentre sur l’atteinte des ODD. Le Kenya mise sur l’IA pour accroître sa compétitivité nationale et recommande des investissements dans l’infrastructure et le développement des compétences. Au Cameroun, l’IA est utilisée pour traduire des informations de santé dans des langues locales, illustrant l’importance de l’adaptation culturelle de l’IA. En Tanzanie, des programmes visent à fournir un accès à l’IA dans les zones rurales, en utilisant des technologies mobiles pour surmonter les barrièresd’infrastructure. En termes de réglementation, l’accent est mis sur la protection de la vie privée des données, l’utilisation éthique de l’IA et la réduction des biais.

Coopération et influence

L’Egypte et le Maroc se distinguent comme des acteurs clés dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) en termes d’innovation et de technologie. Ils montrent une croissance notable dans les domaines de la recherche et du développement, ainsi que dans l’adoption de nouvelles technologies, en dépit de certains défis économiques et politiques propres à la région.

Le continent travaille activement en collaboration avec de nombreux partenaires, incluant des pays développés et diverses organisations internationales. Elle vise à partager connaissances, ressources et meilleures pratiques en matière d’IA. Une telle synergie est vitale pour garantir que l’Afrique puisse avancer de manière compétitive et équitable dans la course mondiale à l’innovation en IA. Le gouvernement britannique a lancé un programme de 80 millions de livres sterling en collaboration avec le Canada, la Fondation Bill et Melinda Gates, et les États-Unis, ainsi que des partenaires africains dans le but de financer des projets d’IA en Afrique,soutenir l’expertise locale en IA et la puissance de calcul. Il met l’accent sur la formation en IA dans les universités africaines et le développement de modèles basés sur des données représentatives du continent. Ce programme vise également à améliorer la gouvernance de l’IA en Afrique pour adapter les économies aux changements technologiques.

Si l’IA a le potentiel de transformer divers secteurs, d’améliorer significativement la qualité de vie des populations et de catalyser le développement économique du continent, la réalisation de ces promesses est entravée par des obstacles notables, notamment le manque d’infrastructures adéquates, de financements suffisants, et de compétences spécialisées dans le domaine de l’IA. La résolution de ces défis est essentielle pour pleinement exploiter le potentiel de l’IA en Afrique. Le continent doit donc capitaliser sur ses talents uniques, l’énergie de sa jeunesse, et sa dynamique d’innovation pour libérer le potentiel immense du continent. Il s’agit de façonner un avenir où l’Afrique ne suit pas les tendances, mais les définit.L’Afrique ne se contente pas de tirer parti de l’IA pour son propre développement, mais contribue aussi activement à l’évolution mondiale de cette technologie. Cette dynamique, porteuse d’espoir et de progrès, promet un avenir brillant non seulement pour l’Afrique mais aussi pour le monde entier.

Photo : copyright HUMAN AI – JEROME RIBEIRO