L’intelligence économique et stratégique, une gouvernance en marche

L’actualité est à l’intelligence économique et à la sécurité. Avec son premier sommet dédié consacré en début de mois, le sujet prend de plus en plus d’ampleur en France.

 

Entretien avec Claude Revel, déléguée interministérielle à l’Intelligence économique.

 

L’intelligence économique (IE) se développe en France en tant que mode de gouvernance. Dans les entreprises comme au sein du secteur public, elle contribue à éclairer les décisions et à produire de la valeur ajoutée par une exploitation professionnelle de l’information. Elle permet de protéger et de promouvoir les intérêts stratégiques, l’image et la comptétitivité internationale des acteurs économiques qui l’utilisent.

L’intelligence économique : une priorité stratégique au cœur de la compétition internationale.

L’IE se compose de plusieurs volets. La veille stratégique constitue le premier d’entre eux. Indispensable à l’anticipation et à la sécurité économique, qui sont deux des autres piliers de l’IE, elle est vitale pour bien comprendre son environnement économique. Il est essentiel de prendre conscience que le traitement professionnel de l’information permet de prendre les meilleures décisions et d’anticiper l’évolution économique. Avoir une longueur d’avance est vital ! Le volet sécurité économique s’exprime à travers la prévention des risques, notamment immatériels (données, savoir-faire, image, propriété, réputation, …). L’IE revêt un axe nouveau dans la culture française, celui de l’influence. La formation est également un volet important. Elle s’adresse à tous les niveaux. Dans la continuité de l’expérience pilote du « référentiel IE et nouveaux risques du XXIe siècle » qui vient de se terminer dans plusieurs établissements, nous souhaitons généraliser l’intégration de modules obligatoires dans l’enseignement supérieur pour sensibiliser les jeunes, qui sont de futurs décideurs… Par ailleurs, il existe des sessions de formation dispensées par la DCRI et la Gendarmerie. Les chambres de commerce et d’industrie disposent de ces informations et peuvent guider les entreprises.

Manque de doctrine et de bonnes pratiques

Le besoin de « doctrine » et de clarification des concepts et pratiques est patent. La D2ie a ainsi produit des notions-clés d’intelligence économique, pour tous les acteurs, un référentiel de formation à la cybersécurité pour les PME, des principes directeurs et vade-mecum pour les chercheurs en mobilité internationale, des bonnes pratiques pour les pôles de compétitivité, et elle a organisé une vaste réflexion sur l’intelligence économique territoriale qui a débouché sur des propositions.

Normalisation & influence

La normalisation est un allié dans la compétition. Cette arme stratégique peut ouvrir ou fermer des marchés extérieurs. C’est aussi une arme d’influence dans le cas des normes de gouvernance.

La France doit donc être présente et participer à l’élaboration des règles. Il faut travailler en amont pour préparer les normes de demain. Ainsi nous pourrons activer les leviers de l’influence.

Il nous faut également être présents sur le travail de réflexion amont dans les normes industrielles car l’IE duplique les sources d’information. C’est un champ vierge international où la France doit se positionner. La délégation contribuera à développer la présence française dans les différentes enceintes européennes et internationales afin de promouvoir des règles et des normes internationales qui nous semblent utiles. La norme peut conditionner l’accès aux marchés, il ne faut pas l’occulter.

Nous devons également promouvoir notre image, qui est l’une des bases de l’influence.

La France compte aujourd’hui parmi les pays performants dans le domaine de l’intelligence économique mais le jeu de l’influence reste notre grande faiblesse. Nous avons les moyens et les compétences pour exceller. Nous devons travailler cet enjeu et renforcer l’influence de la France sur la scène internationale.

Les défis

L’ouverture du cyberespace, la généralisation du numérique et l’ère du big data constituent les grands défis de demain qui s’invitent au cœur de l’intelligence économique. Tout le monde s’accorde désormais sur le fait que préserver les intérêts français et sécuriser les informations stratégiques et économiques du pays est une impérieuse nécessité. Une vigilance accrue à ce domaine sera nécessaire. 22 fiches pratiques sont d’ores et déjà mises à disposition sur notre site Internet.

Échange d’informations et partenariat public-privé

L’idée aujourd’hui est de développer une véritable culture de l’échange d’informations. L’information est devenue une matière première précieuse et abondante. Il faut donc savoir à la fois la protéger, la gérer et la partager. Il faut pour cela pouvoir s’appuyer sur un véritable réseau de compétences et d’excellence.

Cela concerne l’échelon central comme celui des territoires et de nos représentations à l’étranger. Il en résulte un défi majeur que nous devons relever qui constitue aussi l’une des clefs pour réussir : le développement de partenariat public-privé. Il ne s’agit pas de financement, mais de soutenir les entreprises grâce à des échanges d’informations, à des mises en relations avec des contacts locaux, par le réseau des ambassades notamment. Une mise en réseau primordiale mais pour l’heure pas assez exploitée.

La création du Comité de la filière des industries de sécurité par le Premier ministre, dont je suis membre du conseil, vise à mettre en pratique ce dialogue public-privé au service de la sécurité du citoyen et de la compétitivité de l’industrie française. L’idée est que nos entreprises développent des solutions technologiques efficaces et mondialement compétitives sur ce marché. Nous devons saisir cette opportunité. En participant au Cofis, je peux donner mon avis et en tirer aussi des enseignements pour agir. Car l’intelligence économique n’est utile que si elle est appliquée.