Des hommes et de la technologie pour les grands événements

Face aux nouvelles menaces, la sécurité sur les sites, les infrastructures sensibles et les grands événements, se doit, plus qu’auparavant, de concilier les moyens humains tout en faisant appel à de nouvelles technologies.

Dans le monde de la sécurité, les Jeux olympiques de Londres de 2012 font figure d’exemple à ne pas suivre. Le principal prestataire, G4S, devait fournir pour les JO quelque 10 400 personnes, pour un contrat de 360 millions d’euros. Le nombre total d’agents nécessaire étant de 23 500. À trois semaines de la cérémonie d’ouverture, dans l’urgence, le ministère de l’Intérieur a déployé 3 500 soldats supplémentaires en plus des 13 500 déjà prévus…

Des échéances importantes

En décembre, Paris accueillera la conférence sur le climat (COP21) avec la participation de 40 000 personnes et 196 délégations.

L’an prochain, l’Euro 2016 va se tenir du 10 juin au 10 juillet avec 24 équipes jouant dans 10 stades sur le tout le territoire. En 2017, le CIO élira la ville devant organiser les Jeux olympiques d’été de 2024 pour lesquels Paris est candidate, tout comme pour l’organisation de l’Exposition universelle de 2025.

Tous ces événements, et bien d’autres à venir, vont mettre à rude épreuve les organisateurs en charge de la sécurité. D’autant plus qu’après les attentats en janvier dernier et la cyberattaque de TV5 Monde en avril, le plan Vigipirate alerte attentat – son niveau le plus élevé pour l’Île-de-France – est activé sur l’ensemble du territoire. Une vigilance accrue qui occasionne la mobilisation massive des policiers, gendarmes et forces armées… sachant que, d’ores et déjà, 10 500 soldats ont été déployés en janvier avec toutes les contraintes que nous connaissons(1).

Lors de grands événements, sportifs ou autres, c’est en effet un nombre vertigineux de visiteurs attendus qui s’ajoutent à la multiplicité des lieux à surveiller. La surveillance doit en effet porter sur le trafic aérien, portuaire, ferroviaire, mais aussi sur toutes les infrastructures liées directement ou indirectement aux événements : les stades, mais aussi les fans zones, où des matches seront diffusés en plein air, les camps de base des équipes, leurs hôtels… et la liste est encore longue. Autant de sites répartis sur 10 villes partout en France. Afin de faire face aux besoins de sécurité attendus, des agents privés devront être recrutés en grand nombre. Les mouvements de foule et les intrusions doivent être surveillés, mais aussi les menaces plus sophistiquées et organisées, comme les attaques terroristes.

Le challenge de l’Euro

Antoine Mordacq, le responsable sûreté et sécurité de l’Euro 2016, connaît bien le dossier. « Nous attendons 24 équipes nationales, sur 10 stades, 51 matches, 2,5 millions de spectateurs, plus le public autour de l’événement. C’est énorme. Nous devons trouver l’équilibre entre les mesures de contrôle, particulièrement celles d’accès dans les sites sensibles que sont les stades, et la dimension festive et sportive de l’événement. On doit donc anticiper les risques et menaces propres à un événement de cette ampleur, comme le hooliganisme que certaines des équipes vont drainer. On a également la menace terroriste, qui s’impose à nous dans ce contexte. » Pour lui, c’est certain, le monde de la sécurité privée a un rôle à jouer dans l’événement sportif attendu pour l’an prochain : « Nous avons des besoins très importants. Il faut de manière concomitante gérer la sécurité de nombreux sites annexes, dispersés, en plus de la sécurité du quotidien. Avec les aéroports, les fans zones dans des villes… il faudra des moyens imposants en sécurité privée. Pour ce qui concerne les nouvelles technologies, notre préoccupation porte sur les drones malveillants contre lesquels des technologies de défense vont apparaître rapidement. Le gouvernement travaille également sur ce sujet. »

Les technologies au cœur de l’événement

Pour Christian Sommade, délégué général du Haut comité français pour la défense civile (HCFDC), l’enjeu est important. « Il faut créer des bulles de sécurité autour des grands sites, tout en prenant compte des menaces exotiques de type NRBC, drone… La participation est collégiale. Il est indispensable de bien coordonner et identifier le rôle de chacun. La technologie peut être un vrai apport avec une vidéoprotection intelligente, la détection de personnes dans la foule, d’explosifs, de détection d’incident NRBC… Il faudra savoir l’inclure et l’utiliser à bon escient. » Propos partagés par Dominique Legrand, président de l’Association nationale de vidéoprotection (AN2V), pour qui la technologie jouera un rôle important : « Les technologies explosent complètement, les caméras sont bien plus performantes, les logiciels d’analyse d’anormalité également, la mobilité est aussi un enjeu important, les caméras sont embarquées à l’épaule, en voiture et sur des drones, bien sûr. Il faut être là où sont les publics. Dans moins d’un an, les constructeurs vont apporter des solutions très novatrices. Mais il faut aussi que la législation ne soit pas un frein à cette évolution et l’accompagne. »

Les moyens de transports en ligne de mire

Jacques Colliard de l’Union internationale des chemins de fer est formel : « Nous travaillons avec la SNCF et beaucoup d’autres compagnies pour partager des retours d’expérience, étudier ce qui fonctionne, comprendre ce qui ne fonctionne pas. Pour les grands événements, on identifie les groupes et les trains à risques. De cette façon, nous pouvons mettre en place un accompagnement à bord en appui des forces de police. »

Les ports sont à la fois des points de transit lors de grands événements, mais aussi des sites sensibles, la gestion de leur sécurité est capitale. « Un port, c’est toujours un immense espace avec des nombreux prestataires, des entreprises, et souvent des passagers, des voitures, des camions, mais aussi du fluvial, des trains… », explique Amaury de Maupeou, commandant du Port Euroméditerranéen de Marseille Fos, et de poursuivre : « Chaque exploitant doit mettre en place un plan de sûreté. Ce plan va être préparé en amont avec une évaluation de sûreté mise en place par la préfecture. Pour cela, la gendarmerie maritime, la PAF, la douane, le port et d’autres administrations vont définir la menace précise pour le lieu. Pour les passagers, la préfecture met en place des ZAR, zones d’accès restreintes, où des mesures particulières doivent être prises, avec des contrôles à l’entrée pour protéger le navire. La préfecture, par un arrêté préfectoral, fixe aussi un taux minimum de contrôle, que ce soit pour les piétons, les voitures ou les camions. On utilise alors des détecteurs de particules pour les explosifs et des fouilles classiques. Les agents privés réalisent les opérations et dans les zones internationales, ce sont les douaniers et les agents de la PAF. Actuellement, le taux minimum de contrôle est de 5 %, mais dans les faits, nous effectuons de 30 à 50 % de contrôle. »

Les aéroports sont bien entendu eux aussi dans les starting-blocks. Pour Patrick Thouverez, président du SESA (Syndicat des entreprises de sûreté aéroportuaire), le travail des agents de sécurité est primordial, « aujourd’hui, 100 % des passagers passent dans un portique et 100 % des bagages passent sous les rayons. De plus, on réalise des palpations légères sur 10 à 30 % des passagers selon les périodes. Depuis quelques mois, nous avons aussi renforcé les équipes de détection des explosifs. » L’efficacité en matière de sécurité passe par le travail des agents. L’homme est indispensable dans le processus : « Il y a sept ans, un agent était formé en une semaine seulement, aujourd’hui, sa formation dure un mois. Nous voulons valoriser leur travail, leur donner de la respectabilité. Ils sont formés sur des simulateurs, ils repassent leur certification tous les trois ans. Le métier est très contrôlé. »

Pour l’Euro 2016, Stéphane Garguilo, chef du service sûreté Aéroport Marseille Provence, travaille avec les équipes de l’Euro 2016 ainsi qu’avec les services de l’État. « Pour des raisons de sécurité publique, nous ne pouvons pas faire stationner les équipes de joueurs trop longtemps dans l’aérogare, par exemple. Pour autant, cela reste des passagers aériens à contrôler. Il nous faut donc trouver le bon équilibre pour adapter nos circuits à l’événement. »

Le site d’ITER, dans les Bouches-du-Rhône, est en construction, mais entre la centaine d’ouvriers qui y travaillent chaque jour et les 15 à 20 000 visiteurs annuels, la sécurité est d’ores et déjà un sujet du quotidien. Christophe Ramu, le chef de la division santé et sécurité, explique : « Le site regroupe sept pays partenaires. Nous n’avons pas toujours les mêmes références en matière de sécurité. Les procédures peuvent être différentes… Ce n’est pas simple mais nous travaillons tous de concert pour élaborer un référentiel commun qui doit être compris et validé par tous. »

Le marché de la protection des infrastructures sensibles est en pleine croissance. On sait que le risque d’une cyberattaque pouvant occasionner d’énormes dégâts est très présent. Il est certainement plus diffus que les risques classiques d’agressions et de terrorisme, mais l’ampleur des attaques contre les administrations et les industries stratégiques montre leur complexité. Les enjeux sont importants, les attaques peuvent entamer la confiance des citoyens, mais aussi affaiblir l’économie. Les cibles sont par ailleurs extrêmement variées. Cela concerne des PME qui travaillent dans des domaines de pointe, des médias, des réseaux informatiques, les installations de traitement des eaux…

La stratégie doit donc être rigoureuse et adaptée à chaque problématique. D’où un travail nécessaire de préparation et d’anticipation orchestré par des spécialistes et coordonné d’une main de maître pour que la sécurité de l’événement devienne un ensemble cohérent et donc efficace. Quelques mois restent encore aux équipes mobilisées pour parfaire leurs scenarii. En attendant de connaître les résultats de l’Euro 2016, ils auront joué un rôle central dont peu de personnes auront connaissance. Mais rester dans l’ombre est un gage d’efficacité, et c’est aussi cela l’univers de la sécurité.

1. Lire l’article sur notre site Internet sd-magazine.com : « Opération sentinelle : reconnaissance de la nation et moyens alloués à l’ordre du jour », par Laurent Lagneau, de début juin.