Comment améliorer la sécurité du transport aérien face aux nouveaux enjeux ?

 

Bruno Nouzille, Directeur technique de Thales Avionics, fait le point sur les nouveaux enjeux de l’aéronautique, et explique les solutions de Thales pour y faire face.

Dans le secteur du transport aérien, quelle est la situation actuelle en termes de sécurité ?

Le transport aérien est de plus en plus sûr. Le taux d’accident a été divisé par cinq en 20 ans, avec aujourd’hui environ un accident mortel pour 5 millions de vols. Néanmoins, l’industrie entend réduire ce taux encore davantage, pour atteindre un accident pour 10 millions de vols en 2050, malgré une évolution des enjeux dans le secteur.

Quels sont les nouveaux enjeux ?

Ils tiennent à l’augmentation du trafic aérien et à la complexité croissante des systèmes. Depuis 15 ans, le nombre de vols progresse d’environ 4,6 % par an. Cela implique une gestion plus complexe du trafic aérien et des opérations aéroportuaires. Dans l’avion, les calculs gagnent en puissance, et capteurs et logiciels sont de plus en plus complexes, ce qui accroît le risque de panne et d’erreurs d’interprétation.
On peut classer ces risques en trois catégories. Les défaillances techniques et matérielles, les erreurs humaines – ou pour être plus précis, les erreurs qui surviennent dans l’interaction entre l’équipage et le système – enfin, les actes malveillants, qui concernent aujourd’hui moins les attaques physiques que les cyberattaques.

L’industrie aéronautique dans son ensemble travaille à maîtriser ces risques. Thales est bien sûr à la pointe puisque la sûreté est notre métier principal dans tous nos domaines.

Comment l’industrie fait-elle face à ces nouveaux enjeux ?

La sécurité reste la priorité numéro un de l’industrie aéronautique. Tout est mis en place pour contrer ces dangers déjà bien identifiés. Pour les défaillances techniques, cela passe par des analyses poussées de pannes et de criticité, mais aussi des normes et des règlements encore plus stricts. Pour les erreurs humaines, la formation est privilégiée, ainsi que l’interface homme-machine, avec l’objectif de remettre l’humain au centre du cockpit. Enfin, contre les cyberattaques, les autorités resserrent actuellement les dispositifs de sécurité et définissent une réglementation et une normalisation conjointes.

Quel rôle joue Thales ? 

Thales a plusieurs rôles à jouer du fait de son expertise dans l’avionique, la gestion du contrôle aérien et la cybersécurité. Dans l’avion lui-même, Thales travaille sur un modèle de cockpit plus ergonomique et plus simple d’emploi, doté d’interfaces faciles à utiliser, conçues avec des pilotes. L’objectif est de permettre une compréhension claire de l’aéronef et de sa trajectoire à tout moment, y compris en cas de stress.

Dans le partage des informations utilisables directement par l’équipage, les dispositifs « tête haute » joueront un rôle de plus en plus prépondérant. Toutes les études convergent pour souligner l’apport potentiel d’un tel système à la sécurité. Thales a une longue histoire dans le domaine – depuis les années 50 –, et les HUD (Head-Up Devices, ou dispositifs « tête haute » donc) sont utilisés de façon modérée dans l’aviation civile depuis les années 90. Mais ce secteur est en forte croissance aujourd’hui, notamment grâce à des mandats dans certains territoires comme la Chine.

Techniquement, le prolongement naturel des HUD est le système porté de visualisation, qui consiste à superposer une symbologie sur un paysage réel ou synthétique, en élargissant le champ visuel à 360° et en apportant des informations critiques visibles en permanence. Notre solution TopMax par exemple offre un pilotage plus intuitif avec une meilleure anticipation.

Pourriez-vous nous en dire plus sur la gestion de la trajectoire de l’avion ?

Oui, notre concept « Fly By Trajectory », nouveau système de gestion de la trajectoire améliorée, vise à afficher en permanence la trajectoire et à permettre au pilote d’en assurer une gestion directe et simple.

Aujourd’hui le FMS – système de gestion de vol – calcule une trajectoire générale et guide l’avion sur cette trajectoire via l’autopilote. L’idée est d’afficher précisément la trajectoire à suivre en la superposant au paysage réel en tête haute, dans un système porté de visualisation ou en synthétique sur des cockpits en tête basse. Le pilote aurait la possibilité d’agir manuellement sur cette trajectoire, ce qui élargit les fonctions de protection.

Aujourd’hui un avion est de plus en plus connecté. Quels sont les risques liés à ces technologies ?

Plutôt que de parler de risques, soulignons les apports de cette connectivité en termes de sécurité. Aujourd’hui, un avion est connecté par divers moyens : SATCOM, GATELINK, ATG, entre autres. Cela améliore la sécurité en permettant de connaître à tout moment la position et l’état de l’avion.
Cette connectivité renforce également l’efficacité en optimisant le vol en fonction de données temps réel transmises depuis le sol ou d’autres avions.
Bien entendu, la connectivité est aussi présente dans l’avion où elle améliore le confort des passagers qui peuvent utiliser leurs appareils à bord ou accéder au monde ouvert grâce au système IFEC de l’avion.

La cybersécurité fait donc de plus en plus partie intégrante de l’approche sécurité de l’industrie aéronautique. Une approche globale des cybermenaces est indispensable. Le monde aéronautique est mobilisé et s’organise, tant l’industrie que les autorités de réglementation, au niveau français, européen et mondial.
Les objectifs sont d’améliorer la connaissance du cyberrisque et de son évolution, de garantir la robustesse, la résilience et la protection des systèmes d’information aéronautiques, d’assurer leur réactivité et leur remise en état en cas de cyberattaque, enfin, de promouvoir et d’améliorer en permanence la culture de cybersécurité.

Thales a un rôle quasi unique à jouer. Nous sommes un acteur majeur de la cybersécurité, puisque nous sommes par exemple numéro un en sécurité financière, gérons 80 % des transactions mondiales et pouvons nous targuer d’avoir plus de 1 500 experts cyber répartis dans 50 pays à travers le monde, ainsi qu’une très grande expérience des marchés militaires et civils. Thales est également la seule entreprise dotée de sa propre capacité de surveillance des menaces grâce à son laboratoire certifié à la fois CERT (équipe d’intervention en cas d’urgence informatique) et CESTI délivrée par l’ANSSI (installation d’évaluation de la sécurité des technologies de l’information). Nous sommes déjà un partenaire clé des avionneurs et des autorités pour assurer que les impératifs de sécurité et sûreté des systèmes sont implémentés. Nos équipements sensibles intègrent déjà des protections de cybersécurité.

Un mot de conclusion ?

Oui, premièrement, se rappeler que l’avion est un moyen de transport sûr, et que la sécurité reste la priorité numéro un de l’industrie aéronautique. Néanmoins, dans un monde qui évolue, il faut toujours être conscient des nouveaux risques, et les anticiper. Thales intervient sur tous les fronts pour s’assurer que c’est bien le cas, garantissant la défense périmétrique aux interfaces de l’avion comme la défense en profondeur dans l’avionique. Et puisque le Groupe dans son ensemble est spécialisé en sécurité et en sûreté, nous nous employons également à ce que nos équipements embarqués soient sûrs, en termes de conception ou de maintien dans le temps.

Dans tous les domaines de la sécurité aéronautique, Thales dispose de nombreux experts prêts à éclaircir certains points ou à apporter des informations générales sur toutes les questions abordées ici. J’invite donc les médias à nous contacter. Cette thématique est complexe et nous la connaissons bien.

Par GIAIME PORCU.