Ce pays de 1,4 milliard d’habitants affiche depuis vingt ans une insolente croissance économique, qui en fait aujourd’hui la première puissance économique mondiale. A la fois l’atelier industriel et le banquier du monde, la Chine a rattrapé son retard dans tous les domaines et s’avère un concurrent redoutable dans de nombreux secteurs mais aussi un marché qui attire nombre de convoitises.
La Chine en quelques mots
Le développement économique actuel de la Chine est l’un des plus rapides du monde, puisque l’on y enregistre une croissance dont la moyenne, depuis près de vingt ans, se situe aux alentours de dix pour cent par an, à peine érodée par la crise de 2007. La Chine est aujourd’hui le premier exportateur mondial, avec un montant des exportations de 1 435 milliards $ en 2008. L’essentiel de ce commerce se fait avec l’Union européenne (20,4 %), les États-Unis (17,7 %), Hong Kong (13,4 %) et le Japon (8,1 %). Dans son rapport, publié en 2012, sur la croissance mondiale à l’horizon 2060, l’OCDE table sur une croissance de l’économie mondiale de 3 % par an en moyenne, avec des différences marquées entre les économies de marché émergentes et celles des pays avancés. L’équilibre de la puissance économique va fortement basculer au cours des 50 prochaines années, selon l’organisation regroupant les pays les plus riches de la planète.
En 2013, la croissance en Chine a atteint 7,7%. Début décembre 2014, le site américain MarketWatch annonce que la Chine devient officiellement la première puissance économique mondiale, sur la base d’un rapport du FMI d’octobre 2014 comparant le produit intérieur brut à parité de pouvoir d’achat. En effet, sur cette base, le PIB chinois, de 17 632 milliards de dollars, devrait dépasser celui de l’Amérique, de 17 416 milliards de dollars.
Dans les cinq années à venir, la Chine devrait prendre de plus en plus d’avance. Ainsi, le FMI prévoit qu’elle atteindra 27 000 milliards de dollars de PIB en 2019, quand les Etats-Unis ne seront qu’à 22 000 milliards.
Le marché chinois des équipements de sécurité
Le marché à l’export intéresse au plus haut point l’ensemble des acteurs industriels et commerciaux du domaine de la sécurité et de la défense. Certaines zones géographiques intéressent tout particulièrement avec en tête d’affiche, le continent asiatique et notamment la Chine. A la fois fascinant, source de questionnement et mystérieux, ce marché n’est selon Guillaume Bernard de Bernard Controls, « pas si différent et pas plus compliqué » que d’autres pays vers lesquels se tournent les entreprises françaises. « Il faut apprendre à le connaître » dit-il : son mode de fonctionnement, ses particularités et son organisation notamment. S’adapter et percer les subtilités ou encore dépasser nos idées reçues à l’occidentale pour partir à la conquête du marché chinois s’avère essentiel.
En matière de sécurité, les acteurs centraux et les déclinaisons locales reposent sur trois piliers essentiels. Le Ministère de la Sécurité Publique (MSP) qui compte près de 2000 hommes et couvre l’ensemble du spectre des missions de sécurité intérieure (sécurité routière, maintien de l’ordre…), la Police Armée Populaire (PAP) qui est une force supplétive du MSP avec près de 700 000 hommes.
Enfin, les bureaux de la Sécurité Publique (BSP) couvrent l’ensemble des missions de sécurité publique et permettent notamment de disposer des budgets en matière d’équipements.
Les responsabilités des Agences de sécurité publique en Chine inclus : la prévention, la suppression et l’investigation des activités criminelles ; la lutte contre les activités terroriste ; le maintien de la sécurité sociale et de l’ordre ; le contrôle de la circulation, les incendies, les objets dangereux et les métiers ; l’administration de l’enregistrement des ménages, les cartes d’identité, la nationalité, l’entrée, la sortie, le séjour et les frais de voyage des étrangers en Chine ; le maintien de la sécurité à la frontière, la protection des personnes, lieux et installations affectés au services de l’État, la gestion des rassemblements, des défilés et des manifestations ; la sécurité de l’information, des réseaux de supervision et de l’instruction des travaux de sécurité dans les organes étatiques, les associations, les entreprises et d’importants chantiers de construction et à l’instruction de la prévention de la criminalité de la communauté de travail des commissions de sécurité.
Le ministère de la Sécurité publique (MPS) est l’organisation fonctionnelle relevant du Conseil d’État chargé de la sécurité publique travaillant au niveau national. Les départements de la sécurité publique sont établis dans les provinces et régions autonomes ; Les bureaux métropolitains de la sécurité publique sont mis en direct municipalités ; bureaux de la sécurité publique ou divisions sont affectés à des villes et des préfectures, des sous-bureaux sont exposées dans les sous-régions, des villes (sous la direction directe de leur supérieur hiérarchique, les organismes de sécurité publique), les bureaux de sécurité publique sont définis dans les xian et les bannières, sous la direction de leurs gouvernements locaux et les organismes de sécurité publique supérieure. Les différents postes de police sont directement subordonnés aux bureaux de la sécurité publique et des sous-bureaux de comtés, les villes et les bannières.
Au sein du MPS, est organisé en divers départements tels que : Le Secrétariat général, La Supervision et la formation du personnel, Les Relations publiques, l’investigation de la criminalité économique, l’administration de l’ordre public, le contrôle des frontières, les enquêtes criminelles, l’administration d’entrée et de sortie, le contrôle des incendies, la protection de la sécurité, de l’information de sécurité de réseau Supervision, administration pénitentiaire, contrôle de la circulation, des affaires juridiques, de la coopération internationale, de la logistique et des finances, le contrôle des drogues, de la science et de la technologie, la lutte contre le terrorisme et info-communications, en supposant fonctions respectives. Les chemins de fer, la navigation, l’aviation civile, de la sylviculture et de lutte contre la contrebande départements de la sécurité publique sont sous la double administration de leurs supérieurs et de l’administration de MPS.
Le secteur de la sécurité en Chine : des besoins identifiés
« Les missions de sécurité intérieure sont prises très au sérieux » souligne le Lieutenant-Colonel Pétry, Attaché de Sécurité Intérieure Adjoint (ASI) à l’Ambassade de France en Chine et de poursuivre « les besoins exprimés sont nombreux et vastes, tant en matière de renouvellement d’équipements que d’acquisition de nouveaux matériels. L’intérêt se porte sur des équipements de haute technologie, innovants et répondant aux problématiques de maintien de l’ordre et de lutte anti-terrorisme. » Les outils de surveillance aérienne, drones et hélicoptères ont eux aussi le vent en poupe, tout comme ce qui touche à la sécurité maritime, l’un des dossiers épineux dans cette zone. « La Chine part de loin dans ce domaine. C’est un secteur qui se développe beaucoup. L’intérêt du Vice Ministre Chinois de la protection civile lors de sa visite en France sur une base maritime pour les drones de surveillance, les sonars et les bâtiments maritimes en est une preuve. » poursuite l’ASI adjoint.
Michel Foucher ambassadeur, géographe, titulaire de la chaire de géopolitique appliquée au Collège d’études mondiales expliquait dernièrement que sur le plan maritime, les conditions de ce qu’on pourrait appeler un révisionnisme de l’ordre stratégique actuel sont posées et structurelles : les tensions sont inévitables malgré l’existence du code de conduite de l’ASEAN. Elles sont liées à ce que la Chine appelle une « alliance militaire d’un autre âge », à savoir la présence de la 7e flotte des États-Unis qui bloque tous les accès à la haute mer. L’objectif de la Chine est de sanctuariser cet espace afin que ne puissent traverser cette zone que les marines militaires ayant obtenu au préalable l’autorisation de Pékin. Cette tentative à long terme de sanctuarisation – cela peut prendre 30 ou 40 ans – vise à sécuriser le déploiement des sous-marins nucléaires stratégiques chinois. À l’est, il s’agit de s’étendre de l’autre côté de la première chaîne d’îles. Sur un plan stratégique et géopolitique, les revendications territoriale et maritime chinoises sont l’objet d’une multiplication des tensions avec ses voisins vietnamiens, philippins et japonais. C’est aussi avec l’autre géant local, l’Inde, que les tensions s’exercent, dans l’océan Indien. Ces tensions sont renforcées par l’effort militaire sans précédent de la Chine pour moderniser son armée : le budget de la défense officiel a été multiplié par cinq ces vingt dernières années, passant de 20 milliards de dollars en 1992 à près de 100 milliards de dollars en 2013. Des chiffres qui ne sont pas sans rappeler la nécessité pour la France, si elle veut garder sa souveraineté et une diplomatie pertinente, de garder une défense capable de soutenir les ambitions françaises sur la scène internationale.
Ainsi, au palmarès des équipements et matériels susceptibles d’intéresser la Chine figure :
- les équipements de reconnaissance (drones, système d’écoute, jumelles techniques, reconnaissance faciale, empreintes digitales…),
- les équipements de détection (rayons X, haute résolution…)
- les équipements de neutralisation des explosifs
- les équipements de protection anti-balistique
- les équipements de protection individuelle (EPI) / maintien de l’ordre (casques, gants…)
- les équipements de surveillance et de contre surveillance (brouilleur, sonar, caméra télescopique, matériel de recherche en zone aquatique…)
- Systèmes de communication (radio compact…)
- Equipements tactiques (matériel de sauvetage…)
Un marché à fort potentiel avec une allocation de budgets publics conséquents et une concurrence moins forte que dans d’autres secteurs industriels. Le gouvernement central a prévu d’investir chaque année au Xinjiang 400 milliards de yuans (45 milliards d’euros) « dont 1 milliard en matière de sécurité (120 millions d’euros) » souligne le Lieutenant-Colonel Pétry. « Les drones s’achètent par paquet de 10 à 50 » ajoute Philippe MARREC, Chef de pôle Infrastructures, Transport & Industrie, UBIFRANCE Chine. Si un besoin est identifié et rencontre une offre à la hauteur des attentes des Chinois qui aspirent à du haut de gamme en matière de sécurité « tout peut aller très vite » souligne l’ASI adjoint.
Reste qu’il faut bien se préparer à son arrivée sur le marché Chinois. Les partenaires et/ou distributeurs sont d’une importance capitale. L’implantation locale devient rapidement nécessaire. La Chine est en effet un marché d’implantation où il reste, toutefois, la possibilité de conserver le cœur technologique en France. Guillaume Bernard ajoute « pour réussir il faut passer d’une PME exportatrice à une PME internationalisée. Et ne pas oublier, malgré tout ce que l’on peut entendre, qu’en s’implantant en Chine, on va créer de l’emploi en France ! » et de poursuivre « le low cost ne marche pas. Il faut s’appuyer sur une stratégie de qualité et travailler sur un mapping extrêmement détaillé des clients avant de débuter. Le tout en se faisant accompagner par des experts locaux. Une démarche qui vient en complémentarité des actions initiées par Ubifrance. » (aujourd’hui devenu BusinessFrance)
La question de l’implantation suscite notamment des questions, voire des inquiétudes, en matière de protection de la propriété intellectuelle au paradis de la contrefaçon et où la corruption reste « omniprésente » soulignait, François Godement, historien, professeur à Sciences-Po, chercheur associé à Asia Centre.
Mais Pierre Martin, chargé de développement, Services aux entreprises, Ubifrance Chine rassure « un arsenal juridique existe pour protéger sa marque et sa propriété intellectuelle conforme aux règles fixées par l’OMC.»
La protection de la marque est évidemment importante et apparaît comme une condition durable d’accès au marché chinois, un moyen de lutter contre les contrefaçons. Etendre la protection de sa marque ou de son brevet français en Chine est possible via l’INPI ou encore en déposant directement sa marque en Chine.
De nombreuses ressources existent pour accompagner les entreprises dans la compréhension de l’organisation du marché chinois dont la section Chine des conseillers du commerce extérieur de la France : http://www.cnccef.org
Il y a également les règles européennes sur l’export des biens à double usage à prendre en compte avec un embargo européen sur le commerce des armes vers la Chine depuis juin 1989 et l’accompagnement et le contrôle de la CIBDU sur l’export de biens à usage.
Success story
Accompagné par Bpifrance et Ubifrance, Laurent Denizot témoigne de la réussite de l’accompagnement à l’export des deux acteurs. Sélectionné avec une dizaine d’autres chefs entreprises, le PDG de la start up’ française s’était rendu en avril 2013 en Chine, aux côtés du Président de la République, François Hollande. Un tremplin exceptionnel pour Egidium Technologies, spécialisée dans la gestion de la sécurité des sites sensibles, qui a alors signé fin 2013 un prestigieux contrat : la mise en place du système de protection de la cité interdite à Pékin, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco. « Un logiciel relie en temps réel, et sur le même écran, des données en provenance de capteurs, d’alarmes, de caméras et des détecteurs en tous genres sur le terrain. Dans le cadre de projet, la Cité interdite a été modélisée en 3D ce qui permet de savoir s’il y a un incident quelque part. Exemple : une personne qui fait un malaise peut être très rapidement détectée, et trouver le secouriste le plus proche, ainsi que le défibrillateur pour intervenir » explique Laurent Denizot et de poursuivre « Il y a quelques années, ça pouvait sembler compliqué pour une petite PME de se développer, de trouver les bonnes portes d’entrée. J’ai trouvé qu’il y a un accompagnement -notamment juridique- tout à fait pertinent, progressif et adapté » affirme t-il.
La Chine en Afrique : un terrain de coopération avec la France
Le ministre Chinois des Affaires étrangères Wang Yi, © Foreign and Commonwealth Office
Au Soudan, le ministre Chinois des Affaires étrangères Wang Yi, alors en déplacement en Afrique, a confirmé la volonté de la Chine d’intensifier les efforts en vue de régler les conflits sur le continent.
La visite du ministre se déroulera jusqu’au 17 janvier en Afrique et passera par le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Congo. Il y sera notamment question de négociations de l’assistance de la Chine à la mise en valeur des ressources et au développement de l’infrastructure, notamment à la modernisation des ports maritimes. Pékin est par ailleurs est prêt à apporter sa contribution au maintien de la paix et de la sécurité africaines. Le ministre a souligné que la médiation de la Chine dans le conflit entre le Soudan et le Soudan du Sud tenait plutôt à la volonté d’établir la paix qu’à la défense de ses propres intérêts liés aux importations de pétrole.
La Chine et le Kenya se sont également engagés à approfondir les relations bilatérales et la coopération pratique sur les questions concernant les intérêts fondamentaux et les préoccupations majeures, a indiqué la semaine dernière le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, alors en visite à Nairobi.
M. Wang souligne que la Chine est prête à travailler avec le Kenya pour convertir son potentiel en ressources humaines et naturelles en atouts économiques et à renforcer la coopération dans sept domaines prioritaires parmi lesquels figurent la paix et la coopération en matière de sécurité.
François Godement estime alors que « la France et la Chine ont des intérêts convergents dans la stabilisation de l’Afrique, même si ce sont nos concurrents. C’est un des rares sujets sur lequel il devrait y avoir une coopération franco-chinoise forte. » et de poursuivre « Nous ne pouvons les accrocher dans cette zone que dans le domaine de la sécurité, le seul où ils sont vulnérables. Ils ont une vulnérabilité à l’égard des contrats et également à l’égard du terrorisme. » Des propos renforcés par l’expertise de Michel Foucher « Je vais dans le même sens. Il faut trouver des terrains de coopération. Nous avons un avantage en dehors de notre capacité d’intervention militaire : c’est l’expertise sur les questions politiques et sécuritaires, que les Chinois n’ont pas. L’approche intelligente face à cette concurrence évidente, c’est de travailler dans une approche complémentaire. »
Quelle puissance sera la Chine de demain ? « On n’est jamais sûr avec la Chine de quoi demain sera fait ; quelle que soit la situation présente, on est peut-être dans un cycle ou, à l’inverse, peut-être dans un tournant. Ce qui est certain malgré tout, c’est que la Chine avance. » souligne François Godement. Inévitablement, elle poursuit son chemin en devenant la première puissance économique mondiale qui attire nombre d’entreprises en quête de succès à l’export. Une fois de plus, le professeur à Sciences-Po, chercheur associé à Asia Centre et expert reconnu de la Chine prédisait juste « En ce qui concerne la Chine, je suis totalement optimiste d’un point de vue économique ». A l’inverse, il se dit « pessimiste sur le plan stratégique et sécuritaire ». De quoi ouvrir des perspectives aux audacieux. Une mission Ubifrance sera organisée à Pékin en mai 2015 pour découvrir le secteur de la sécurité et ses acteurs.