Le Grand Paris malmené

Par Philippe Dominati, Sénateur Les Républicains de Paris

Depuis Napoléon III et le Second Empire, quelques réformes auront transformé en profondeur la région capitale. Outre les grands travaux haussmanniens, citons la création des huit départements franciliens sous la présidence du général de Gaulle, ou encore la modification, par le président Valéry Giscard d’Estaing, du statut de la ville de Paris rendant enfin possible l’élection d’un maire – réforme qui aura permis de réconcilier la capitale avec la France. C’est dans leur sillage que le président Nicolas SARKOZY aura, dès son élection en 2007, voulu créer le projet du Grand Paris, répondant à un double défi – celui de la modernité et du dynamisme – indispensable à une métropole mondiale soucieuse de tenir son rang et, à travers elle, de faire rayonner la France.Le projet du Grand Paris a légitimement nourri de fortes espérances, hélas très vite refroidies par les résistances issues de notre propre camp, et par la frilosité de certains élus franciliens à l’idée de réformer le périmètre et la gouvernance de Paris. Ils observaient dans cette réforme un inconvénient de taille : la redéfinition et donc la redistribution des pouvoirs susceptibles de profiter aux adversaires socialistes, lesquels détenaient déjà la municipalité parisienne et présidaient encore la région île-de-France. Par pragmatisme, le Président prit alors la décision de reporter la réforme institutionnelle, préférant démontrer l’utilité d’un regroupement des forces locales à travers la création d’un « super-métro » et de soixante-huit nouvelles gares, perçus comme autant de catalyseurs au développement parisien.

Entre vision jacobine et dérive technocratique

C’est ainsi qu’est née la Société du Grand Paris (SGP), énième établissement public et nouvel empiètement de l’état sur les pouvoirs locaux, à qui aurait dû revenir la gouvernance du projet puisque l’état, n’ayant plus de quoi investir, en fait supporter le fardeau aux Franciliens. Tandis que je l’interrogeai sur l’opportunité de conférer à l’Etat le monopole exclusif sur le transport collectif, insistant sur le fait que, partout ailleurs, l’état n’avait plus depuis longtemps la main sur les transports, Nicolas SARKOZY me fit cette réponse : « Tu as raison, mais je suis pressé ». Ainsi la réponse justifia-t-elle la création d’une quatrième société d’état pour gérer les transports publics en île-de-France.

Bref, notre faute est de ne pas avoir su porter, avant 2012 et l’alternance socialiste, la vision présidentielle du Grand Paris qui devait s’établir à partir de la définition d’un périmètre, d’une gouvernance et d’un budget autonome ! Notre indécision à trancher, mais encore notre incapacité à conquérir Paris lors des municipales de 2014 – malgré une vague bleue qui emporta toute la France, à commencer par l’île-de-France… – auront conduit à l’étiolement du projet initial et à la dérive technocratique que l’on retrouve aujourd’hui avec la Métropole du Grand Paris (MGP).

Que retenir en effet de la MGP entrée en vigueur au 1er janvier 2016, sinon une structure qui, loin du projet initialement audacieux et simplificateur, alourdit l’organisation territoriale métropolitaine ?

Une Métropole étriquée

« Super-intercommunalité » rassemblant les douze plus gros des trente-deux nouveaux territoires intercommunaux tracés par la réforme territoriale, la MGP présente à mon sens trois grandes faiblesses :

D’abord, elle ne fait qu’ajouter un nouvel échelon au mille-feuille territorial, sans qu’aucun de ceux qui le composent ne disparaisse, contrairement à l’ambition initiale qui était de supprimer les départements. Finalement, les anciennes intercommunalités dissoutes se trouvent ni plus ni moins réintroduites sous forme de « territoires », lesquels récupèrent l’essentiel de la fiscalité locale affectée ainsi que la charge des documents d’urbanisme. Force est d’admettre que l’effort de rationalisation est maigre…

Ensuite, son périmètre, très éloigné du projet de initial conjuguant développement économique et urbanisme, ne correspond nullement à la réalité économique de l’agglomération parisienne.Le pôle Paris-Saclay (15% de la recherche française !), comme l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, continuent ainsi de relever de l’échelon régional.

Enfin, la nouvelle MGP ne dispose avec 70 millions d’euros de marge de manœuvre que d’un simulacre de budget, tandis que Paris, la région île-de-France et ses départements composent avec des budgets de plusieurs milliards d’euros ! Qui peut sérieusement croire qu’une collectivité regroupant 131 communes et près de 7 millions d’habitants pourra se satisfaire d’un budget aussi dérisoire ? La faiblesse de ce budget ne doit cependant pas devenir un prétexte à une augmentation de la fiscalité locale, comme ce fut le cas lors de la création de la SGP…

Un projet à réinventer !

La tentation est grande, dans ces conditions, d’appeler à l’abandon pur et simple de la MGP. Préconisation qu’a notamment formulée Valérie PECRESSE, brillamment élue à la tête de la région île-de-France, et qui a aussitôt suggéré d’absorber la métropole au sein du conseil régional. Pour ma part, je considère au contraire qu’il appartient à la droite parisienne de réinventer le projet du Grand Paris, en y imprimant une vision enfin tournée vers les Parisiens et leur défense contre les empiètements de l’état. Pourquoi vouloir confondre les limites du Grand Paris avec celles du cadre régional, quand les autres métropoles françaises telles que Lyon ou Marseille se constituent sur une dynamique communale ? De plus, il eût fallu le dire bien plus tôt, lorsque Nicolas SARKOZY imposa l’idée du Grand Paris, et l’inscrire clairement dans notre projet pour la région.

Pour Patrick OLLIER, premier président élu de la MGP, le défi sera de démontrer la légitimité et l’utilité de cette nouvelle structure. Je ne doute pas que cet objectif puisse être atteint, mais il passera nécessairement par la suppression d’échelons intermédiaires, le Parisien ne devant plus être le citoyen le plus administré d’Europe. Il a, pour les seules instances locales, le « bonheur » d’avoir un maire d’arrondissement, un maire de Paris, un président de conseil général, un président de la MGP, un président de conseil régional… sans oublier l’Etat, avec la préfecture de police et les nombreuses sociétés publiques pour l’administration des transports, l’entretien des berges de la Seine, ou encore la tenue des activités culturelles. Je constate que, parmi les quatre principaux candidats de la primaire à droite, trois d’entre eux connaissent bien Paris. L’évolution institutionnelle de la métropole devra en conséquence s’affiner. En attendant un inéluctable transfert de compétences, nous pourrions, en guise d’acte fondateur, demander à l’état de changer le nom de la Société du Grand Paris, afin d’éviter à nos concitoyens d’être complètement perdus dans ce millefeuille.

Qu’est ce que la métropole du Grand Paris ?

La MGP regroupe 131 communes (sur un total de 1.280 en île-de-France) et environ 7 millions d’habitants (sur un total de 12 millions pour toute l’île-de-France) : Paris, les 123 communes des départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), une commune du Val-d’Oise (Argenteuil) et 6 communes de l’Essonne (Savigny-sur-Orge, Viry-Châtillon, Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Paray-Vieille-Poste et Morangis). Ces 131 communes sont rassemblées en 12 territoires qui, depuis le 1er janvier 2016, se substituent aux anciennes intercommunalités. Chacun de ces territoires possède une assemblée (un conseil territorial) qui remplace les anciens conseils communautaires. La MGP dispose de 4 grandes compétences : aménagement de l’espace métropolitain, politique locale de l’habitat, développement économique et protection de l’air et de l’environnement. Mais les deux premières compétences, sur proposition du gouvernement, ne lui seront transférées que le 1er janvier 2017. La MGP est gouvernée par un conseil métropolitain de 209 membres siégeant au Conseil économique, social et environnemental (CESE), place d’Iéna (Paris 16e). Le budget 2016 présente un montant d’épargne brute d’environ 70M€ (contre 4,949 Mds€ pour la région île-de-France et 8 Mds€ pour la ville de Paris !). La marge de manœuvre financière de la MGP représente ainsi 10€ par habitant….

L’exécutif de la Métropole du Grand Paris

La droite est majoritaire au Conseil de la Métropole. Elle dispose de 124 sièges contre 85 pour la gauche. L’éxécutif (élu jusqu’en 2020) de la MGP est composé de 28 membres (1 président, 20 vice-présidents et 7 conseillers délégués). Pour représenter et défendre l’opposition à Paris, le choix s’est porté sur Claude GOASGUEN et Daniel-Georges COURTOIS. Nul doute qu’avec ces deux élus expérimentés, les Parisiens seront défendus.

Une bonne idée, mais malvenue…

Anne Hidalgo envisagerait d’ici les prochaines élections municipales de 2020 de fusionner les mairies du 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements. Cette idée a été défendue par le passé, dans un projet global par la droite parisienne et j’ai eu l’occasion de la défendre avec vigueur au Sénat lors du débat sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale, le 30 mai 2013. Il est important pour le centre de la capitale de retrouver une densité politique et il est vrai que ces quatre arrondissements ont, par le passé, représenté un seul secteur municipal. Tous ceux qui sont attachés au coeur de Paris connaissent la complémentarité de ces quartiers. Avec une population estimée à 105.000 habitants, il serait seulement le 11ème secteur municipal. Malheureusement, cette mesure, prise isolément, semble suspecte d’arrière-pensées purement électorales. Je serai vigilant lors du débat parlementaire.