Le marché européen de la sécurité et de la défense, quelles opportunités pour mon entreprise ?

Le marché européen de la sécurité et de la défense, quelles opportunités pour mon entreprise ?

Par Nicolas Sestier, Chef de projet Protection et Sécurité Business France

A l’heure où les budgets nationaux font grise mine, où trouver de nouveaux relais de croissance pour nos entreprises françaises du secteur de la sécurité et de la défense ? Des segments porteurs se profilent sur des marchés lointains rendus solvables par la croissance économique… mais des opportunités sont parfois à saisir, à côté de chez soi.

C’est ainsi tout le sens de l’atelier d’information organisé par les Représentations permanentes de la France auprès de l’OTAN (REPAN) et de l’Union européenne (RPUE), et par la Direction générale de l’armement (DGA), avec le soutien de Business France, l’agence nationale au service de l’internationalisation de l’économie française, en janvier dernier, sur les financements de l’AED et les marchés de l’OTAN. Ces structures, situées en Belgique et au Luxembourg, présentent en effet de belles opportunités souvent oubliées de nos PME et ETI françaises. Muni d’un bon lexique pour décrypter la horde de sigles et acronymes des différentes agences, le champ des possibles se fait plus net.

5 millions d’appels d’offres internationaux

Des ateliers d’information de ce type sont organisés depuis 2012 afin de sensibiliser, d’informer et d’accompagner un éventail toujours plus large d’entreprises vers des opportunités d’affaires. Ainsi l’intérêt pour concourir aux marchés de l’OTAN est en hausse et les référencements d’entreprises françaises ont triplé sur la période. 

« Le Service Organisations internationales et Bailleurs de fonds de Business France est là pour informer régulièrement les entreprises françaises sur les marchés de l’OTAN. Nous mettons notamment à disposition les appels d’offres de certaines centrales d’achats sur la plateforme ProAO, outil de sourcing qui centralise plus de 5 millions d’appels d’offres internationaux. » souligne Hervé Jevardat, expert Marchés publics chez Business France.

Financer ses projets de R&D

Dans le cadre de projets européens, l’Agence européenne de Défense (AED) permet de faire financer ses projets de recherche et développement.

L’AED est une agence représentant les intérêts de 27 ministres de la Défense. Elle est organisée en trois branches principales : Capability, Armament & Technolgy (CAT), European Synergies & Innovation (ESI) et Cooperation Planning & Support (CPS). Son budget comprend notamment pour 2016 un poste de 6,1 M€ (auquel il faut ajouter 3,17M€ de revenus additionnels) permettant de financer des études technico-opérationnelles dans l’intérêt commun des Etats-membres.

12 thématiques pour vos projets de recherche 

Un agenda stratégique de recherche (Strategic Research Agenda) guidant chacun des 12 thèmes est établi tous les 3 ans. Des projets de recherche communs (il faut un minimum de 2 Etats-Membres), émergent alors des discussions entre représentants étatiques et industriels.

D’autre part, la Commission européenne travaille conjointement avec l’Agence européenne de Défense à la mise en place d’une Action préparatoire de recherche pour la Défense. « Un maximum de 100 millions d’euros peut y être investi. Cette initiative pourrait être lancée dès 2016 » précise Isabelle Desjeux, Policy Officer Industry Relations & Support, « et serait suivie de trois appels à candidatures en 2017, 2018 et 2019 qui permettront de financer les projets de recherche associés. »

Conscient de la difficulté pour les PME et ETI de s’intégrer dans ces projets, l’AED s’est donnée pour objectifs en 2016 la rédaction d’un guide destiné aux PME et ETI de défense sur les projets qu’elle peut financer, la mise en place d’un conseiller dédié à l’orientation de ces entreprises et la réalisation d’une newsletter mensuelle gratuite permettant de se tenir informé de façon régulière sur les opportunités de marché, la « News Review for Industry ».

2,7 milliards d’euros  

2,7 milliards d’euros, c’est le volume d’achats annuels de l’OTAN accessible aux entreprises françaises. Une organisation donc particulièrement intéressante pour la balance commerciale nationale. En moyenne, sur les deux principales agences (la NCIA qui est en charge des systèmes d’information et de communication et la NSPA en charge de l’acquisition de matériels et de prestations logistiques), l’industrie française remporte un montant de contrats supérieur à la contribution versée par la France à l’OTAN.

Les marchés des diverses agences de l’OTAN présentent certaines particularités. Le délai de réponse est en général court, 3 à 4 semaines, mais ils sont précédés par des « FBO » (Future business opportunities) et des « NOI » (Notification of intent), qui alertent en amont. La procédure normale est celle de l’appel d’offres international – (ICB – International Competitive Bidding). Fait intéressant, les armées de certains Etats-membres de l’OTAN peuvent faire appel aux agences de l’OTAN, par subsidiarité, pour leurs besoins urgents ou récurrents en matériels. Une autre procédure est celle du contrat-cadre, dit « BOA », Basic order agreement, pour la NCIA. « Il est très important d’être référencé en amont sur les plateformes en ligne des différentes agences, notamment celles de la NSPA et de la NCIA. Pour ce faire, il est nécessaire d’obtenir un certificat d’éligibilité délivré par la Représentation permanente française auprès de l’OTAN après analyse du dossier par la DGA. C’est aussi auprès de la Représentation que la demande doit se faire. Deux pièces justificatives seront alors exigées, un extrait Kbis ainsi qu’un certificat DC2. Le certificat d’éligibilité est alors valable un an et pour une seule structure d’achat et un seul appel d’offres. » expliquent les experts Business France et les représentants de l’OTAN.

La NSPA représente à elle seule un volume de 2,5 milliards d’euros d’achats en 2015. Elle est organisée en 3 grands sous-secteurs : les « opérations logistiques », la « gestion du transport aérien OTAN » et « le réseau d’oléoducs en centre Europe ». Les opérations logistiques représentent le plus gros des opportunités pour les PME. Pour être consulté, le référencement dans le fichier fournisseur de la NSPA est nécessaire. Pour les marchés de moins de 80 000 euros, une consultation d’au moins 3 sources est effectuée. Pour des montants supérieurs, l’ensemble des fournisseurs potentiels figurant dans le fichier est avisé.

En 2015, pas moins de 315 millions d’euros de marchés ont été attribués à des entreprises françaises faisant ainsi de la France le troisième fournisseur de la NSPA. Environ une entreprise française référencée sur deux a décroché un marché. En 2015, le bilan commercial de la France est ainsi excédentaire, même pour les achats qui ne sont pas passés pour l’armée française !

Autre agence offrant des perspectives intéressantes, la NCIA est chargée de fournir l’OTAN et ses Etats-membres en systèmes d’information et de communication (SIC) et réalise des prestations de soutien dans ce domaine pour les opérations. La NCIA assure également le soutien informatique au siège de l’OTAN ainsi qu’à ses agences… « Il est donc important que les entreprises françaises des secteurs des télécoms et de l’informatique s’intéressent à cette agence et s’enregistrent parmi les fournisseurs potentiels de la NCIA. » ajoute Hervé Jevardat et de poursuivre «  nous proposons notamment un dossier thématique « Vendre à l’OTAN : Mode d’emploi » qui permet de s’informer mais aussi d’entrer en contact avec les agences de l’OTAN. Pour aller plus loin, Business France organise des rencontres régulières avec les acteurs clefs (tout comme avec les acheteurs de l’ONU, pour les besoins des Casques bleus) ainsi que des missions d’accompagnement sur des marchés export visant les gouvernements ou de grands industriels étrangers pour les entreprises françaises de la filière sécurité. »

L’OTAN est donc une source d’opportunités d’affaires, à nos portes. A surveiller d’autant plus après l’appel passé récemment par l’Allemagne et la Turquie pour que l’OTAN s’implique dans la surveillance maritime des mouvements de réfugiés en Méditerranée…