La robotique au service de la sécurité et de la défense

 

Ils sont partout. Ils sont utilisés par tous. La robotique a envahi notre quotidien et sert dans tous les domaines, qu’ils soient militaires, que ce soit pour la sécurité de notre territoire, ou à des fins commerciales ou encore privées. Depuis plusieurs années, le marché des drones et des robots a explosé. Leur utilisation est devenue plus qu’un soutien, ils peuvent lors de certaines missions remplacer un combattant, un pompier. Mais, face à cette nouvelle technologie, quelles sont les limites ? Ne risque-t-on pas de se laisser dépasser par les machines ?

Véritable soutien du combattant ou appui opérationnel, ces outils sont une nouvelle façon de concevoir les missions des ministères de l’Intérieur ou de la Défense. On assiste aujourd’hui à un développement exponentiel des drones dans le domaine militaire. En France, les drones et les robots militaires sont principalement utilisés pour des missions tactiques ou stratégiques et les avantages y sont nombreux.

Des atouts incontestables

La robotique de surveillance (robot terrestres, maritimes ou drones aériens) appliquée à la surveillance générale des sites, par exemple, offre une extension de la zone d’intérêt par l’allonge qu’elle procure, par la capacité d’observation en tout temps que lui confèrent les différents types de capteurs embarqués et par sa capacité à fonctionner en réseau. La grande souplesse d’emploi des robots et leur rapidité de mise en œuvre permettent de préciser à moindre coût le renseignement dans une zone donnée avant d’y engager des éléments d’intervention.

La fourniture d’imagerie arienne en temps réel, en s’affranchissant des obstacles (naturels ou artificiels), permet en outre de maintenir l’observation sur l’ensemble d’un secteur d’intervention.

Le robot terrestre peut emporter et mettre en œuvre plusieurs capteurs simultanément et assurer une permanence d’observation au sol. Il peut être utilisé en levée de doute, pour préciser le renseignement sur une alerte et en patrouille d’un ou plusieurs vecteurs naviguant de manière autonome selon des trajectoires pré-apprises et enchaînées de manière aléatoire.

Par la précision du renseignement fourni, la robotique de surveillance apporte une aide précieuse à la prise de décision pour les autorités chargées de la sécurité et est à même de fournir des preuves irréfutables grâce à la qualité des images que ses capteurs transmettent et/ou enregistrent.

Preuve en est, le récent lancement du programme Patroller par Sagem, le nouveau drone tactique de l’armée de Terre française. Sélectionné sur appel d’offres, le SDT Patroller remplacera le SDTI Sperwer actuellement en service au 61e régiment d’artillerie, unité de la brigade de renseignement. Son usage est parfaitement intégré à l’espace de bataille numérisé. Il assurera des missions de renseignement et de surveillance en temps réel et fournira un appui aux opérations terrestres afin de protéger les troupes au contact. Capacité de projection, faible empreinte logistique, potentiel d’évolution et facilité de mise en œuvre sont autant d’atouts au service des armées. Les performances optroniques permettent d’identifier une arme individuelle à 3 km et un feu de campagne à 40. La livraison est attendue pour 2018 comprenant 14 vecteurs aériens, soit 2 systèmes (un système est composé de 5 vecteurs et d’une station sol).

La robotisation du champ de bataille change la donne

Qu’ils soient volants ou terrestres, ces appareils sont légion dans notre armée. La robotique militaire terrestre se porte elle aussi très bien. Contrôlés à distance, ces robots ont été conçus pour réaliser des missions comme la surveillance, l’aide au soldat, la reconnaissance. L’allonge des drones aériens, robots terrestres et maritimes, permet de détecter au plus loin les menaces. Leur permanence au sol, sur ou sous l’eau ou dans les airs permet de détecter plusieurs menaces simultanées et de préciser en temps réel le renseignement.

Particulièrement discrets, les robots peuvent détecter une menace au plus loin sans se faire repérer et donner du temps au décideur pour élaborer une réponse adaptée. Plus de 50 systèmes ont été vendus par Nexter robotics en 2014 à des clients comme le GIGN, la police suisse ou l’armée néerlandaise. Son produit phare, le Nerva LG contrôlable depuis un simple smartphone, est utilisé pour la reconnaissance NRBC (nucléaire, radiologique bactériologique, chimique) et la lutte anti-IED (engins explosifs improvisés) ou pour le combat de contact. Une autre entreprise française, ECA Dynamics spécialisée dans la robotique militaire, étend son offre aux forces navales et a même présenté l’an dernier son projet de robot humanoïde militaire. Ces quadrupèdes seraient capables de passer là où leurs “confrères” à chenilles ou à roues sont limités. Ils transporteraient des charges lourdes pour assister les soldats ou servir de brancardiers sur des zones de conflit ou des séismes. Les premiers prototypes sont pour demain.

Un marché en croissance

Le seul marché des drones militaires et de sécurité devrait presque doubler d’ici à 2024 et dépasser les 10 milliards de dollars. Aujourd’hui, au ministère de l’Intérieur, leur usage s’impose comme une aide nécessaire à la reconnaissance ou aux interventions et tend à devenir omniprésent. On les retrouve systématiquement lors de catastrophes aériennes : ils permettent d’appréhender la zone de l’accident et d’en tirer les premiers enseignements sur l’étendue de la surface d’éparpillement de l’épave et de repérer les détails utiles à la reconstitution de la trajectoire de l’appareil. Il en est de même pour les secours en montagne : le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM) se dote progressivement de drones pour la recherche de victimes lors d’avalanche ou d’une randonnée.

Des drones secouristes

Au sein du SDIS 40, les drones sont utilisés depuis cinq ans pour déterminer une vision précise du contour du feu. Les photos prises par l’appareil permettent de le géoréférencer et d’être exportées sur une cartographie opérationnelle. « Les données disponibles sur le Cloud sont consultables grâce à un code, en temps réel », explique le lieutenant-colonel Jean-Pierre Lespiaucq du SDIS 40. Ces machines peuvent être déployées très rapidement, fournir une vision précise du théâtre d’opération. C’est un outil d’aide à la décision très apprécié sur le terrain, « nous adaptons ainsi notre dispositif à la situation en temps réel. Nous préservons la vie de nos hommes et utilisons avec plus d’efficience leur valeur ajoutée là où nous en avons besoin ». Autre usage : il permet la surveillance pendant un à plusieurs jours des reprises de feux grâce à un système de détection thermique. Avantage non négligeable : le coût qui correspond à celui de la batterie ! Pour la police et la gendarmerie, les drones sont utilisés pour des prises d’otages, la surveillance des rassemblements et des manifestations ou encore la sécurité routière. Cette technologie, qui existe depuis une dizaine d’années, voit les véritables applications se dessiner depuis seulement deux ans.

Des drones armés en France

Que ce soit dans la sécurité ou dans la défense, nous sommes encore loin des utilisations que peuvent en faire les Américains, les Israéliens ou les pays du Moyen-Orient très en avance sur l’usage de cette technologie. La police d’un État américain utilise même des drones armés… Impensable pour le moment dans l’Hexagone ou en Europe.

Les Européens accusent un certain retard, même si aujourd’hui les programmes de drones et de robots se multiplient. Alors qu’en est-il de l’armement des drones en France ? Techniquement, les REAPER (General Atomics) livrés en 2014 pour l’opération Serval au Mali en remplacement des anciens appareils (Harfang) bruyants et peu adaptés au milieu désertique sont plus rapides, discrets et précis et peuvent en théorie être équipés d’armement. Cela coûte moins cher que de faire voler des avions de chasse et les risques d’exposition du pilote sont nuls. Pourtant, ils ne sont pas encore dotés d’armement en France, même si cela arrivera de toute façon un jour.

Lors d’un sommet franco-britannique à Amiens, un accord a été signé en mars dernier pour investir « plus de 2 milliards d’euros » dans un programme commun de fabrication de drones de combat. Aujourd’hui, les Britanniques disposent de drones armés de missiles, achetés aux États-Unis. « Ce programme de démonstration, le plus avancé en Europe, sera axé sur une plateforme de drones polyvalents qui pourrait servir de base à une future capacité opérationnelle au-delà de 2030, indique le Premier ministre britannique. » Ce futur drone franco-britannique aurait vocation à être utilisé en préalable à un recours à des avions de chasse classiques.

Vers une autre guerre

Pour de nombreux observateurs, la guerre changerait de visage. Entre drones armés et robots-soldats, est-on en passe de ne plus pouvoir contrôler nos missions ? Cette avance demande aussi un progrès dans les esprits notamment en ce qui concerne l’armement des appareils. Plusieurs pays se sont réunis à Genève pour aborder la question des armes autonomes. Human Rights Watch indique, dans un rapport intitulé « les robots tueurs et le concept de contrôle humain significatif », la nécessité du contrôle humain sur ces systèmes d’armement.

Plus largement, qu’ils soient employés pour la défense ou pour l’Intérieur ou encore à usage commercial ou de loisir, la question est de savoir comment, comme pour toute nouvelle technologie, porter son essor tout en limitant les dérives. Des centrales nucléaires, des sites militaires ou encore le palais de l’Élysée ont été survolés par de petits engins difficiles à neutraliser. La France est le premier pays à se doter d’un texte de loi sur l’utilisation des drones décrivant les cadres d’emploi des drones et réguler leur utilisation. Les textes ont évolué en début d’année 2016 (la formation va se durcir). La difficulté réside chez les non-coopératifs qui ne respectent pas la législation et là encore les travaux sur la non-violation de l’espace aérien sont décrits noir sur blanc. Le problème reste que ces délinquants d’un autre style sont difficilement détectables. Il existe bien des drones équipés de filets pour attraper les appareils en infraction, mais la “chasse aux papillons” n’est pas aisée…

Serait-ce à dire qu’il faudrait limiter l’usage de ces appareils aux seuls professionnels de la défense et de l’intérieur ? « Les professionnels des drones développent toute une économie, explique Jean-Christophe Drai, responsable commercial du salon UAV Show : 2 500 opérateurs sont référencés. D’ici deux à trois ans, en Europe, on comptera 150 000 emplois, et dans dix ans, les applications seront multipliées par 100. » Difficile donc de contraindre ce marché en croissance. En 2015, les Américains ont acheté 2 millions de drones pour Noël…

Soline DUCANTER