Les grandes orientations de la sécurité civile

Les grandes orientations de la sécurité civile

Le modèle français de sécurité civile est souvent évoqué pour son organisation particulière, et constitue une référence pour de nombreux partenaires. Ce modèle est robuste et éprouvé, et les réponses qu’il a pu apporter à certaines crises majeures (inondations, épidémie d’ebola, attentats…) ces derniers mois l’ont démontré. Pour autant, comme toutes les organisations, les réponses doivent s’adapter aux nouveaux risques, à leur occurrence et à leur intensité croissante ainsi qu’aux capacités en termes de finances publiques et de ressources.

Le modèle de sécurité civile est un modèle partenarial et hybride qui repose sur l’intervention conjointe des collectivités locales, de l’Etat, des acteurs associatifs et du secteur privé.

Historiquement, les communes ont été à l’origine de la mise en place des premiers corps de sapeurs-pompiers, les pouvoirs de police ont été partagés entre les maires et les préfets. Le maire énonce encore aujourd’hui le CGCT (Code Général des Collectivités Territoriales) et est chargé de « prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux, ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autre accident naturel, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance ou de secours et s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure ». Toutefois, le maire n’est pas seul. Dès que le fléau calamiteux qui affecte la commune dépasse les capacités de celle-ci et nécessite la mobilisation de moyens extérieurs ou suppose l’activation d’un plan de secours, c’est le préfet qui prend la main et assume, en étroite liaison avec l’élu, la responsabilité et la direction des opérations de secours.

Les collectivités et les conseils généraux ont également un rôle essentiel pour assurer le financement et la gestion des moyens, au travers de ceux des SDIS. La départementalisation des services de secours, intervenue en 1996, a permis des avancées majeures en termes d’infrastructures et d’équipements. La loi du 13 août 2004, dite de modernisation de la sécurité civile, est venue conforter ce dispositif. Depuis 1996, les SDIS ont en effet réalisé d’importants travaux de modernisation. Ce travail a porté sur les casernes, les équipements, le matériel, la formation, la restructuration des services et la couverture des risques. Cette dernière est traitée par le schéma d’analyse départementale de couverture des risques. La révision de ces schémas est d’ailleurs l’un des objectifs de la DGSCGC.

Parallèlement à la départementalisation des SDIS et à la répartition des rôles entre les collectivités, l’Etat s’est réorganisé avec la création de la DGSCGC. Sa première mission est de garantir la cohérence nationale de la sécurité civile. La loi de 2004 a confirmé la dualité de l’organisation et la complémentarité des différents intervenants. L’Etat est également chargé d’agréger les forces locales pour faire pleinement émerger la solidarité nationale, lorsqu’une catastrophe survient et nécessite la mise en oeuvre de moyens qu’aucun département ne pourrait à lui seul déployer et financer. La mobilisation des renforts est un sujet quotidien à la direction, aussi bien au sein des zones de défense qu’avec le recours à des moyens extra-zonaux. Enfin, ce modèle a permis de préserver un maillage territorial extrêmement fin, avec plus de 7000 centres d’incendie et de secours fin 2013, permettant une réponse de proximité dans des délais raisonnables. En effet, dans 90% des cas, l’engagement des premiers moyens se fait en moins de quinze minutes. Cette performance repose en grande partie sur la force que constituent les sapeurs-pompiers volontaires, et les liens extrêmement forts entre ceux-ci et leurs territoires.

Acteurs et moyens

Sur un plan humain, les forces de sécurité civile sont constituées avant tout par les 240 000 sapeurs-pompiers, répartis dans les 101 SDIS de France. 193 000 d’entre eux sont volontaires et travaillent aux côtés d’autres acteurs de la sécurité civile.

Les secouristes bénévoles des associations agréées de sécurité civile se répartissent au sein de 16 organisations nationales et 75 organisations départementales. Cela représente près de 200 000 personnes, avec un noyau dur mobilisable pour des actions de prévention et de secours d’environ 60 000 personnes.

Les moyens d’Etat sont placés sous la responsabilité de la direction générale, mais restent numériquement limités, avec un peu moins de 2500 personnes :

– Les 1400 militaires des trois UIISC (unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile) ;

– Les personnels militaires employés dans les Etats-majors interministériels au niveau des zones ;

– Environ 300 personnes pour armer les 35 hélicoptères de la sécurité civile, répartis sur 34 bases ;

– Un peu plus de 100 personnes qui arment la base avion, dédiée essentiellement à la lutte contre les feux de forêt ;

– 300 démineurs répartis sur une vingtaine de centres, qui interviennent sur tout le territoire national pour détruire des munitions historiques, des colis suspects ou pour appuyer les forces de l’ordre.

Il faut également prendre en compte les acteurs privés. Il peut s’agir de services spécialisés comme par exemple les pompiers d’aéroport, ou de certaines agences chargées des missions de SSIAP et de prévention. Les budgets cumulés des SDIS représentent environ 5 milliards d’euros chaque année, avec une part de charges de personnel qui s’élève à environ 70 à 80% selon les services. Depuis la départementalisation de 1996, les budgets des SDIS ont eu plutôt tendance à augmenter, mais depuis quelques années, leurs dépenses se sont stabilisées et restent plutôt plafonnées. Le coût annuel, par habitant, de ces services est en moyenne de 81 euros. Quant au budget de la direction générale, il va s’élever à 401 millions d’euros en 2015, incluant 100 millions pour les moyens aériens et 80 millions pour la contribution de l’Etat à la BSPP.

Fragilités et défis

La première fragilité est la ressource financière, aussi bien pour financer les SDIS que les unités militaires, les moyens d’Etat ou les aides aux structures associatives. Toutes les organisations recherchent une meilleure efficacité et donc des moyens. Au quotidien, les gestionnaires doivent donc déployer des efforts d’adaptation, qui conduisent notamment à revoir la logique départementale des SDIS. Le maintien d’une ressource humaine adaptée et répartie sur l’ensemble du territoire est le second défi. Les contraintes budgétaires étant fortes aujourd’hui, la ressource des volontaires et des bénévoles prend encore davantage d’ampleur. Il faut conserver la complémentarité entre les moyens d’Etat, les moyens professionnels et les bénévoles. La préservation du nombre des sapeurs-pompiers volontaires est une priorité, ce nombre s’érodant progressivement. Le législateur est intervenu pour améliorer ce statut, au travers de la loi de 2011. Ce plan doit dynamiser le volontariat, faciliter le parcours des jeunes et améliorer la reconnaissance de leur engagement en milieu scolaire. Or, pour garantir cette ressource, il faut travailler sur de nouveaux viviers. Par exemple, aujourd’hui seulement 20% des volontaires sont des femmes. Par ailleurs, certaines composantes de la société sont sous-représentées. Ainsi, ce volontariat de sécurité civile pourrait constituer l’un des leviers de l’intégration. Il convient également d’envisager de nouvelles formes de partenariat pour resensibiliser les jeunes aux valeurs de la sécurité civile. M. Prevost propose également de travailler sur la diversification des formes de volontariat ou encore d’étudier le temps demandé aux volontaires, face au resserrement de la cartographie hospitalière notamment. Enfin, il convient de mieux utiliser les compétences des grandes associations de sécurité civile. Pour cela, des expériences sont en cours, notamment à Paris. Des répartitions de rôle ont été faites.

Les orientations de la politique de sécurité civile

Il faut tout d’abord faire en sorte que l’Etat puisse exercer tout son rôle dans la gouvernance des SDIS, non pas en opposition mais en totale collaboration avec les collectivités.

Plusieurs moyens existent pour cela : développer des outils de pilotage nationaux et des outils statistiques et informatique, réfléchir au rôle de péréquation financière que l’Etat pourrait jouer dans certains cas vis-à-vis des services en charge de la sécurité civile.

Il faut également revoir l’articulation entre les exigences opérationnelles et les moyens, à travers des schémas d’analyse et de couverture des risques. Le système est vieillissant et les schémas sont hétérogènes, les préfets ont une capacité de contre-expertise faible. Il faut donc pouvoir outiller les représentants de l’Etat afin qu’ils soient en situation de dialogue équilibrée avec leurs directeurs et avec les élus.

De plus, il convient d’optimiser la gestion des moyens des SDIS et des moyens d’Etat. Chaque SDIS aujourd’hui est très autonome et gère ses moyens dans un cadre départemental.

Les mutualisations existent mais restent peu nombreuses notamment dans les fonctions support et les questions opérationnelles.

La DGSCGC et le SGDSN lancent la déclinaison territoriale du Contrat Global Interministériel (CGI), exercice qui consiste à identifier des bassins de risques et à s’affranchir des limites administratives, pour déterminer de quels moyens les pouvoirs publics disposent pour y faire face. Cette déclinaison territoriale permettrait d’identifier les risques qui peuvent être gérés dans une démarche de proximité des risques qui doivent être traités dans une logique extra-départementale (échelon zonal ou national). Cette logique sera testée sur les zones de défense de Lyon et Paris cette année.

La sécurité civile est aussi un moyen de valoriser l’action de la France et de ses entreprises à l’international. De nombreux axes de travail existent à ce sujet : rester à la pointe au niveau européen, continuer les actions bilatérales entretenues avec près de 80 pays dans le monde (équipements, salles de crise…), valoriser la présence des territoires outre-mer sur l’ensemble de la planète et appuyer les entreprises dans leurs démarches à l’international.

La sécurité civile : « l’affaire de tous » ?

On constate aujourd’hui l’échec relatif du principe, posé en 2004, selon lequel la sécurité civile était « l’affaire de tous ». Cette déclaration d’intention du législateur n’a pas forcément été suivie d’effet, et devrait pourtant l’être. Les causes de la progression constante du nombre d’interventions sont multiples (vieillissement de la population, isolement…). Conjuguées aux événements climatiques, elles exercent une certaine pression sur les services de secours. Face à ces évolutions, la direction se mobilise sur plusieurs types d’actions. Les mesures de prévention collectives doivent être développées, notamment pour les risques climatiques et technologiques. Des progrès importants ont été réalisés depuis la fin des années 1990 dans la prévention des risques naturels et technologiques, avec notamment le déploiement du plan de prévention des risques (PPR). 10 000 communes sont aujourd’hui couvertes par des PPR, soit un peu moins de 80% du nombre de communes qui doivent être couvertes à terme par ce type de plan. Le taux de couverture est à peu près identique pour les PPRT (risques technologiques). D’importantes actions sont également engagées pour la mise à jour des plans de prévention d’inondations. Enfin, la question de l’information préventive pour les citoyens se pose, au travers de la communication de proximité des communes. Aujourd’hui, 60 % des communes qui doivent être dotées de plans communaux de sauvegarde le sont.

Alerter et informer les populations

Il y a donc une progression dans les démarches collectives. Pour les risques quotidiens, les citoyens ont également une responsabilité, notamment au niveau de l’équipement de leurs foyers. Ainsi, les détecteurs automatiques de fumée sont en voie de devenir indispensables. Cela rejoint l’affirmation selon laquelle la sécurité civile est « l’affaire de tous », d’autant qu’en France, les citoyens sont très peu habitués à côtoyer les risques. Les campagnes de prévention sont d’autant plus importantes pour confronter les citoyens aux réalités.

Aujourd’hui, l’alerte et l’information des populations repose sur un système de sirènes plutôt obsolète mis en place dans les années 1950, et qui s’arrête en grande partie à l’alerte.

En effet, la population n’est pas suffisamment sensibilisée sur ce qu’il convient de faire après l’alerte. En ce sens, la DGSCGC est engagée dans le projet SAIP et donc dans l’information des populations. En avril prochain, un logiciel permettra de faire le lien entre les sirènes et l’information, ce qui permettrait à terme un déploiement rapide de moyens d’information performants. Ce système suppose que les maires, les préfets, les opérateurs voire les ministères puissent rentrer rapidement des consignes et les diffuser par tous les moyens disponibles (smartphones, tablettes…).

Le SAIP représente un budget important, entre 70 et 80 millions d’euros au total.

Il convient également de mieux utiliser les médias sociaux en gestion d’urgence (MSGU), grâce au réseau de volontaires qui sont prêts à appuyer les pouvoirs publics en situation de crise. Les VISOV, au travers des réseaux sociaux, constituent de vrais relais d’information. Toutefois, leur maniement reste difficile et il va falloir apprendre à gérer cette ressource, tout en respectant la philosophie des personnes qui s’engagent sur ce type d’actions.

Enfin, il va falloir mobiliser davantage les SDIS dans la démarche d’information préventive des populations, en milieu scolaire par exemple. Le réseau sapeurs-pompiers peut constituer un vrai relais de proximité.