La Chine, au coeur de la diplomatie industrielle

La Chine souhaite devenir l’une des zones incontournables de l’économie numérique à l’échelle internationale. Avec un taux de croissance difficile à maintenir, elle doit se moderniser et accroitre la qualité de son appareil de production industrielle. Le pays qui dépose 2 300 000 brevets chaque année, s’engage sur la voie de l’innovation.

Le gouvernement chinois considère désormais le domaine des nouvelles technologies comme stratégique. La cybersécurité est un axe de développement capital du 13e plan quinquennal du parti communiste chinois (PCC). « Il n’y aura pas de sécurité nationale sans cyber sécurité » clame le président Chinois Mr Xi Jinping.
Des champions nationaux tels que Baidu, Alibaba et de Tencent (BAT) participent activement à la montée en gamme et à la créativité d’un nouvel écosystème numérique chinois.

Un écosystème très dynamique

La Chine initie un virage orienté vers l’innovation et la production à forte valeur ajoutée. Elle entend également se recentrer sur le marché intérieur.

Exit le business modèle de reproduction intensive et du low cost. Place à l’innovation massive dans les nouvelles technologies et les solutions haut de gamme.

Fierté de tout le pays, l’écosystème high tech de Beijing, Zhongguancun, s’est construit autour de Peking University et Qinghua (l’équivalent de l’école Polytechnique en France). Ce dernier est composé de 240 instituts de recherche publics, 45 centres de R&D privés (Google, IBM, Motorola, Toshiba…) et près de 19000 entreprises ! L’équivalent de 20 fois nos pôles de compétitivité en métropole !

Plans majeurs et investissements importants

« Les pouvoirs publics ont lancé deux plans majeurs. Le plan Internet Plus prévoit de transformer et moderniser la société chinoise avec le développement de l’internet mobile, du cloud computing, du big data et de l’IoT. Ces 4 secteurs vont faire l’objet d’importants investissements » souligne Frédéric Recordon, associé chez Lan Tian Consulting et de poursuivre « La Chine est un laboratoire numérique gigantesque avec un segment de croissance incroyable sur le big data, la captation de la donnée et l’analyse en temps réel. » Le marché des produits et services liés à la sécurité informatique devrait atteindre 10 milliards de yuans (environ 1,5 milliard d’euros) sur l’année 2017.

En effet, dans les prochains mois et années, les investissements dans le secteur privé porteront principalement sur la protection des données dans les institutions financières et l’IoT, la protection des informations personnelles des citoyens chinois notamment en termes de Big Data, la mise à niveau vers des standards internationaux en matière de production et conformité des composants électroniques, la sécurisation des véhicules connectés, la promotion et le développement de services de renseignement privés ainsi que l’expansion des services PaaS et cloud de manière générale.

La Chine qui avance à vive allure, devrait confirmer son avance dans les trois années à venir. Le FMI prévoit qu’elle atteindra 27 000 milliards de dollars de PIB en 2019, quand les Etats-Unis ne seront qu’à 22 000 milliards.

Le second plan appelé « Made in China 2025 » est porté par le Ministère de l’industrie des technologies de l’information. Il développe des orientations stratégiques et émet des orientations réglementaires. « Au total, ce sont près de 250 experts mobilisés pendant deux ans pour travailler sur ce dossier ! » souligne notre expert.

Fin décembre 2016, la chaine de restauration KFC annonçait le travail commun conduit avec le géant chinois de la tech Baidu, afin d’intégrer dans l’un de ses restaurants du quartier d’affaires de Pékin un ordinateur doté d’un outil de reconnaissance faciale. Celui-ci permet non seulement de reconnaître les clients, grâce à un scanner, mais aussi de leur faire des suggestions de menus en fonction de leur âge, de leur sexe, et de leur humeur… Les deux partenaires précisent que les clients sont libres de refuser ces recommandations mais n’abordent pas la question de la protection des données stockées permettant de produire ce service.

Uniquement déployé en Chine pour l’heure, il serait bien naïf de penser que ce qui se passe en Chine, reste en Chine…

La robotisation est donc l’un des autres secteurs clés qui intéresse la Chine. « La Chine doit désormais lutter contre la concurrence des pays émergents et notamment de l’ASEAN (Vietnam, Laos, Philippines…) » souligne Frédéric Recordon. « En robotique, la France et l’Europe en général sont en avance. Les Chinois sont à la recherche de compétences qu’ils ne possèdent pas. »

L’intérêt se porte aussi sur des équipements de haute technologie, innovants et répondant aux problématiques de maintien de l’ordre et de lutte anti-terrorisme. Les outils de surveillance aérienne, hélicoptères et drones ont eux aussi le vent en poupe. Ces derniers s’acquièrent par paquet de 10 à 50 !

Au palmarès des équipements et matériels susceptibles d’intéresser la Chine figure :

– les équipements de reconnaissance (drones, système d’écoute, jumelles techniques, reconnaissance faciale, empreintes digitales…),

– les équipements de détection (rayons X, haute résolution…)

– les équipements de neutralisation des explosifs

– les équipements de protection anti-balistique

– les équipements de protection individuelle (EPI) / maintien de l’ordre (casques, gants…)

– les équipements de surveillance et de contre surveillance (brouilleur, sonar, caméra télescopique, matériel de recherche en zone aquatique…)

– les systèmes de communication (radio compact…)

– les équipements tactiques (matériel de sauvetage…)

Le marché chinois attire les convoitises, offrant l’opportunité d’accéder à un marché dont la taille est colossale, et où la France a toutes ses chances « le label French Tech commence à avoir une belle renommée avec notamment 3 villes labellisées en Chine » souligne Frédéric Recordon.

Un marché qui n’est pas si différent et pas plus compliqué que d’autres pays vers lesquels se tournent les entreprises françaises. Il faut néanmoins apprendre à le connaître : son mode de fonctionnement, ses particularités et son organisation notamment. S’adapter et percer les subtilités ou encore dépasser nos idées reçues occidentales pour partir à la conquête du marché chinois s’avère essentiel.

 

Stratégie, audit et signaux faibles

La préparation s’envisage sous forme d’un audit de la société. Il faut verbaliser l’intérêt et la stratégie de son entreprise dans sa projection commerciale en Chine. Définir une stratégie d’entrée, comme de sortie du pays…

Il faut évaluer le niveau de maturité de sa technologie, la compatibilité avec le marché chinois et la règlementation. Une réglementation en perpétuelle évolution…

« Le marché chinois est un marché à signaux faibles. Il faut veiller en permanence, arriver à les percevoir, les comprendre et les interpréter. C’est difficile et compliqué dans un pays où tout va très vite et change régulièrement. » souligne Frédéric Recordon.

Une relation intuitu personae essentielle

Se développer sur le marché chinois impliquera donc une présence régulière, de la patience et le développement d’une relation de confiance, presque amicale avec ses interlocuteurs chinois.

De société exportatrice, il faudra rapidement envisager de passer au statut de société internationalisée avec un soutien et un appui d’experts locaux. « La relation intuitu personae est une base fondamentale en Chine. Décisive dans le développement des affaires, elle se développe au sein d’un réseau qu’il faut entretenir, nourrir, et au sein duquel il faut être présent avec des interlocuteurs de très bon niveau. Les relations sont fragiles et doivent être perpétuellement entretenues. Un passage à Pékin, une semaine dans l’année, conduira à l’échec. »

Un réseau local capital

Le réseau est donc essentiel. « C’est un axe prioritaire mais aussi un filet de sécurité. » En cas de litiges, ce dernier peut être en effet très utile. Mais il s’appuiera inévitablement sur un contrat  rédigé avec l’appui « d’avocats biculturels qui vont également participer aux négociations. Un accompagnement dans ce domaine est primordial pour se protéger efficacement. » 

En effet, bien que le risque zéro n’existe pas ; au paradis de la contrefaçon qui plus est ; un arsenal juridique existe pour protéger sa marque et sa propriété intellectuelle conforme aux règles fixées par l’OMC. Cela commence par vérifier que les dépôts de brevets, marques et modèles sont effectués auprès de l’Inpi avec une demande d’extension en Chine…

Il est essentiel de protéger ses brevets, marques et modèles auprès de l’Office des  Marques, équivalent chinois de l’Inpi. En effet, cette action effectués uniquement auprès de l’Inpi avec une demande d’extension en Chine ne suffira pas à vous protéger. Les  extensions de propriété  intellectuelle auprès des  organismes étrangers ne sont pas forcément reconnu par les autorités chinoise. En cas de contentieux en Chine, la propriété intellectuelle pourrait donc être contestée.

Quelle puissance sera la Chine de demain ? « On n’est jamais sûr avec la Chine de quoi demain sera fait ; quelle que soit la situation présente, on est peut-être dans un cycle ou, à l’inverse, peut-être dans un tournant. Ce qui est certain malgré tout, c’est que la Chine avance. » souligne François Godement, historien, professeur à Sciences-Po, chercheur associé à Asia Centre. Mais inévitablement, elle poursuit son chemin en devenant la première puissance économique mondiale qui attire nombre d’entreprises en quête de succès à l’export.