Chine. Le retour de Mao ?!

Jamais depuis Mao Zedong, un dirigeant chinois n’avait eu un pouvoir aussi étendu que celui de l’actuel président Xi Jinping. Rompant avec la tradition de gouvernance collégiale du Parti communiste, il mène une diplomatie active, parallèlement à une politique intérieure autoritaire. 

Aucun indicateur n’est scruté avec plus d’intérêt, de craintes ou d’espoirs que celui de la croissance chinoise. C’est la clé de la puissance retrouvée de la Chine, qui lui fait jouer son rôle dans le concert des nations. Or depuis quelques années, cet indicateur est en baisse : 6,9% en 2015, soit le taux le plus bas depuis 25 ans, puis 6,7% en 2016. Ce taux reste impressionnant, mais le Parti communiste chinois ne peut pas s’en contenter. Car la légitimité de son gouvernement repose sur un pacte tacite avec la population, et qui pourrait s’exprimer de la façon suivante : « Pas de liberté individuelle, mais la prospérité pour tous ».

Les chiffres de la croissance artificiellement grossis 

Or, le Parti fait manifestement tout son possible pour que le chiffre demeure haut. Il nourrit la croissance avec des dépenses d’État, le marché de l’immobilier… Au risque de créer de la dette, une réalité inconnue jusqu’aux années 2000 mais qui a fait son apparition dans le pays. Certains témoignages laissent aussi entendre que les chiffres de la croissance sont tout simplement falsifiés. Les gouverneurs de région, les cadres d’entreprises mentent sur leurs performances économiques pour coller aux objectifs fixés par le parti. Le Point (1) révélait ainsi, en janvier 2017, qu’un haut responsable chinois avait reconnu que la province du Liaoning (Nord-Est) avait falsifié ses chiffres de croissance économique depuis des années. Or cette révélation n’est probablement qu’un échantillon de ce qui se pratique dans un pays où les chiffres de la croissance sont un enjeu de tout premier plan. Confronté au ralentissement inéluctable de son économie, le Parti communiste chinois pourrait probablement « lâcher du lest » sur les questions de liberté de ses citoyens et adopter un modèle de gouvernement plus démocratique, mais il semble opter pour la solution inverse, depuis l’élection de Xi Jinping, en mars 2013.

« Tonton Xi »

Sous la direction du président Xi Jinping, le gouvernement chinois réaffirme son autorité, autour d’un personnage unique au sommet de l’État. Alors que le parti communiste chinois avait pris l’habitude de diriger le pays de façon collégiale, jamais depuis Mao Zedong, un dirigeant n’avait autant incarné le pouvoir que « Tonton Xi ». La campagne anticorruption, utile et populaire, qu’il mène depuis son entrée en fonction, lui a permis de purger les administrations, à commencer par l’armée, de ses adversaires politiques. Plus personne n’est intouchable, comme l’a démontré, en été 2016 la mise en examen de Zhou Yongkang, ancien chef de la sécurité nationale. Sur le plan intérieur, la répression des opposants continue, et les religions sont particulièrement visées. Elles représentent, pour le gouvernement, le risque de permettre aux contestataires de s’agréger en entités organisées. Régis Anouilh, directeur de l’Agence de presse Église d’Asie (2), assure : « Ça n’a rien de nouveau ! Notre agence a vu le Parti s’attaquer successivement au falun gong, au bouddhisme, à l’islam et au christianisme. Il a l’obsession de contrôler les clergés, et à ses yeux, les religions étrangères représentent un danger pour la souveraineté chinoise. Mais ce phénomène, au lieu de diminuer, s’est aggravé ces dernières années, notamment avec les destructions systématiques d’églises et de croix dans la région de Wenzhou. » Cette répression des religions est le plus souvent subtile. Plutôt que d’attaquer frontalement l’Église catholique en Chine, par exemple, le Parti choisit de lui opposer une « Église officielle », contrôlée par son administration.

Ils ne renoncent pas à Taïwan

Parallèlement, Pékin entame des relations avec le Vatican afin de faire avancer le dossier de Taïwan : le Vatican est en effet le seul état d’importance à avoir reconnu sa souveraineté, et la Chine qui n’a jamais renoncé à sa souveraineté sur l’île, voudrait que le Saint Siège « lâche du lest », en cessant par exemple de nommer un évêque à Taipei, la capitale. Qu’il s’agisse de Taïwan ou du Tibet, la Chine ne renonce à aucun des territoires qu’elle revendique, quitte à faire retentir le bruit des bottes pour augmenter la pression chez ses voisins. Son armée, récemment modernisée, se dote d’une capacité de projection, qui lui permet théoriquement d’intervenir loin des frontières nationales. « Les dirigeants chinois sont tout ce qu’on veut sauf des fous de guerre », rappelle toutefois Régis Anouilh, qui ne croit pas à des actions inconsidérées de leur part. « Ils peuvent faire monter la pression, et gagner ainsi en popularité, car les Chinois apprécient que leur pays soit entendu, mais c’est toujours une pression calculée ».

Trump, la nouvelle donne

Alors que la Chine voudrait cesser d’être une stricte puissance économique pour jouer un rôle accru sur la scène internationale, l’élection de Donald Trump représente une opportunité d’avancer ses pions. S’il tenait sa promesse d’une diplomatie moins interventionniste, le président des Etats-Unis pourrait laisser de l’espace à la Chine. Mais il est encore trop tôt pour le dire. Pour le moment, le principal effet de l’élection du nouveau président américain se manifeste dans les relations sino-russes, assure Xavier Moreau, spécialiste de la Russie (3). « Jusqu’à présent, la Russie était en position défensive en Syrie et en Ukraine, et avait besoin de la Chine, plus que la Chine de la Russie. Mais Donald Trump est en train de changer ça ». La Russie a besoin des investissements chinois, la Chine a de son côté besoin d’assurer sa sécurité énergétique, et elle ne peut pas se passer des technologies russes pour son armement. Interdépendantes et appelées à se parler d’égale à égale, les deux puissances ont toutes les raisons de s’entendre. Elles l’ont déjà manifesté par le passé, sur l’épineux dossier syrien, et elles partagent une conception stricte de la souveraineté nationale. Le stratège américain Zbigniew Brzezinski, qui rêvait ouvertement dans son livre Le grand échiquier d’une Eurasie pacifiée par la diplomatie des États-Unis, assurait en avril 2016, dans un article de The Americans Interest (4), qu’il fallait prendre acte de la puissance retrouvée de la Chine et de la Russie, et se réconcilier avec ces deux pays. Pour la Chine, c’est une opportunité à saisir, dont la réussite dépendra de sa capacité à susciter des alliances.

Thomas Oswald

  1. http://www.lepoint.fr/monde/chine-faut-il-croire-les-chiffres-de-croissance-18-01-2017-2097998_24.php
  2. http://eglasie.mepasie.org/
  3. http://www.stratpol.com/
  4. http://www.the-american-interest.com/2016/04/17/toward-a-global-realignment/