Pour être safe, la ville de demain doit créer de la confiance !

À l’heure où notre monde se transforme en profondeur sous l’effet de grandes mutations technologiques, économiques, sociétales, environnementales et politiques, les espaces urbains cristallisent les enjeux de notre développement futur.

Parmi ceux-ci, la question de la sécurité est devenue une préoccupation majeure, compte tenu de la fragilité socio-territoriale de nos villes. Elle est mise au premier plan depuis une décennie avec la recrudescence, dans le monde entier, d’actes terroristes perpétrés au sein même des villes.

La technologie ubiquitaire, avec les objets connectés, la géo-localisation, le big data et les plateformes du XXIe siècle, nous offre des outils qui peuvent être, dans le cadre d’une politique sécuritaire, déployés, utilisés et mis en valeur dans des contextes urbains complexes. En particulier, les débats sur leur usage et acceptabilité sont plus forts quand les citoyens sont soumis, avec les nouvelles menaces des individus radicalisés à outrance, à des situations inédites et fortement anxiogènes.

Quel regard porter sur ces dispositifs ? Comment penser l’articulation entre ville, sécurité et technologie en ces temps troublés ? Quel avenir, au moment où des débats sur la portée des outils numérique et le respect des droits individuels sont de toute actualité ?

Rencontre avec Carlos Moreno, Professeur des Universités,  spécialiste du contrôle intelligent des systèmes complexes.

La place de la technologie

Le recours à la haute technologie dans le cadre d’une politique urbaine pour les espaces publics n’est bien souvent que la partie visible de l’iceberg sécuritaire. A tort, la smart city a longtemps était abordée sous l’angle réducteur du tout technologique. Le cas de la vidéosurveillance en est une illustration majeure.

On compterait environ 500.000 caméras à Londres et plus de 4 millions dans tout le Royaume-Uni. Certaines enquêtes conduites outre-Manche montrent que la suppression de caméras n’a pas entraîné de hausse de la criminalité ou des comportements antisociaux ou encore que l’effet des caméras était léger mais statistiquement significatif sur les vols de véhicules par exemple. En revanche, ces rapports soulignent que les caméras n’avaient pas d’impact sur la récurrence des crimes violents.

En effet, la présence de caméras n’a pas d’effets dissuasifs avérés s’agissant des violences contre les personnes (homicides, viols et agressions), ainsi que les crimes les plus graves répondant, (dans le cas du terrorisme notamment) à des comportements impulsifs, qu’une caméra ne saurait arrêter. En France, l’attentat de Nice en juillet 2016 le confirme. La ville détient le record du plus grand nombre de caméras de surveillance du pays : une pour 360 habitants.

En revanche, on ne peut nier l’efficacité de ces dispositifs dans la résolution d’affaires récentes dont cette tragédie de Nice ou encore les attentats de Boston, et de Londres en 2005. Les attentats terroristes démontrent que la vidéosurveillance aide les enquêteurs à confondre les auteurs après coup.

Enfin, les caméras ont un impact en terme d’intelligence émotionnelle citoyenne, un critère subjectif certes, mais important. En d’autres termes, les caméras rassurent.

Un autre regard sur la sécurité urbaine

Il faut me semble-t-il rappeler qu’à l’heure de la montée en puissance des attaques terroristes irrationnelles, il est important de rassurer les citoyens ! Alors que la typologie des menaces change dans des villes en Occident soumises à des attaques violentes et aveugles, sous certains aspects, la vidéosurveillance peut participer à ce rôle.

Ainsi, à la suite des attentats de Charlie Hebdo, le regard des citoyens sur les forces de l’ordre et sur le maintien de la sécurité qu’elles incarnent a profondément changé. De la méfiance, on est passé à une vraie reconnaissance : la sécurité, en France, dans l’espace public peut être désormais expliquée non pas comme une limitation à la liberté des citoyens, mais bien comme un élément complémentaire dans la qualité du partage et le respect de la vie dans l’espace urbain.

Mais dans la réalité, le constat que je fais dans le parcours des villes au travers du monde, concerne davantage l’importance de renforcer les sentiments d’appartenance et d’identité du citoyen avec son territoire, comme élément clé de toute démarche qui chercherait ensuite sous l’angle sécuritaire à rassurer et mobiliser la population urbaine.

Ceci n’est néanmoins possible qu’à la condition, je pense, que la politique sécuritaire ne soit pas envisagée comme un ensemble de moyens de contrôler les déplacements des citoyens au sein de la ville, mais de façon globale comme la gestion de toutes les situations susceptibles de renforcer la lutte contre la fragilité et la vulnérabilité socio-territoriale de la ville.

L’approche sécuritaire reste encore trop cloisonnée et en décalage avec la réalité. Nous devons donc travailler sur une meilleure coordination des acteurs, définir une stratégie de sûreté sécurité urbaine plus claire et enfin adopter une approche systémique entre technologie et humain et transversale de la sécurité.

Démarche ouverte & multi-confiance dématérialisée

Au-delà des moyens technologiques, il faut envisager la sécurité en la reliant à des problématiques économiques, culturelles, d’éducation, de vie citoyenne. La ville est un centre névralgique, un lieu de pouvoir, un centre sociologique, culturel, économique et politique. En somme, la ville est un lieu stratégique qui mérite d’être mieux pensé et protégé.

En 2017, le monde urbain verra des innovations majeures dans le domaine des services, de l’énergie, des transports, du commerce, du tourisme, des finances, des loisirs, etc. Au coeur, se trouve l’économie circulaire grâce aux offres mobiquitaires dématérialisées qui, faisant appel à de nouvelles manières de valider et de gérer les transactions par microcontrats ou monnaies locales avec des contextes de services et de systèmes basés sur l’intelligence artificielle, vont changer notre approche marchande. S’appuyant sur nos clouds personnels, la voie de l’urbain de confiance (UDC) changera les offres de services.

Et c’est bien de cela dont il s’agit aujourd’hui : de la confiance générée, maillée et retrouvée dans la ville de demain.

Les plate-formes telles que Uber, Airbnb ou encore BlaBlaCar ont aujourd’hui réussi à créer un lien de confiance à l’usage. Leur succès repose sur cette chaine de confiance. Et le succès de la ville de demain repose lui aussi sur cette notion essentielle.

La sécurité doit donc, je le crois, être conçue comme une démarche ouverte, dans laquelle l’inclusion sociale et la question de l’identité urbaine président à la démarche mettant en place les moyens de protection du citoyen adaptés.

Nous devons aller au-delà du réflexe de la sécurité et son intelligence technologique pour rester vigilants et créatifs autour de l’intelligence de la sécurité, qui, traitée sous l’angle de la fragilité et la vulnérabilité socio-territoriale, intrinsèques aux infrastructures et à l’ubiquité, offre d’autres horizons urbains placés sous le signe de la confiance.