« Big data et défense : quelle approche pour la protection de nos intérêts stratégiques ? »

Le 12 janvier dernier, le comité Armée du Futur de l’ANAJ-IHEDN a invité deux experts de Sopra Steria, Laurent GALLO, Directeur du pôle sécurité intérieure, et Alexandre PAPAEMMANUEL, Directeur commercial renseignement et sécurité intérieure, pour débattre d’une question sensible : « Big Data et défense : quelle approche pour la protection de nos intérêts stratégiques ? »

Ils ont dressé un panorama du big data dans la défense aujourd’hui, avant d’en décrire les principaux enjeux et d’énoncer des pistes de réflexion permettant de garantir les intérêts stratégiques de notre pays à l’aune de ce nouveau contexte.

« We have owned the Internet. Our companies have created it, expanded it, perfected it, in ways they (Europeans) can’t compete. And oftentimes what is portrayed as high-minded positions on issues sometimes is designed to carve out their commercial interests. » – Barack Obama, février 2015(1).

S’il peut paraître arrogant, ce constat dressé par Barack Obama est bien réel : les Etats-Unis règnent sans partage sur le numérique, via une myriade d’entreprises au premier rang desquelles figurent Google, Apple, Facebook et Amazon, regroupées sous l’acronyme GAFA. La France est-elle consciente que la souveraineté est aussi numérique ?

La France, pourtant en pointe avec la révolution « Minitel » qui parait aujourd’hui bien lointaine, semble avoir mal négocié le virage du numérique. Ce « raté » nous place aujourd’hui dans une situation peu enviable, car de dépendance vis-à-vis des géants du secteur, notamment américains, alors que la souveraineté numérique s’impose désormais comme un intérêt stratégique majeur.

En effet, pour la Défense comme pour d’autres secteurs, le big data est une ressource précieuse : soutien logistique (supply chain en OPEX), aide à la décision, planification, renseignement territorial, gestion de crises, safe cities … Les usages, déjà multiples, connaissent en outre une croissance exponentielle, à la mesure des développements informatiques et technologiques.

Le big data, tout en permettant d’intégrer le citoyen à la gestion de sa propre sécurité, est également une affaire de marketing et de connaissance du consommateur pour les assureurs, grands distributeurs ainsi que les banques. Se pose alors la question de la sécurité qui n’est pas uniquement l’apanage de l’Etat mais bien de tous.

En conclusion, pour que notre pays (re)trouve son rang dans ce domaine, les deux intervenants ont appelé de leurs vœux la création d’une « Equipe de France de la donnée », fruit d’un rapprochement de mondes pour le moment trop frileux les uns envers les autres : industrie, politique, économie, universités, startups…

Le monde du renseignement, par essence opaque, doit lui aussi négocier ce virage. Les agences doivent apprendre à interconnecter leurs bases de données et à mieux communiquer.

Les « pépites françaises » existent dans des secteurs spécifiques, il manque le creuset qui permettrait de les homogénéiser afin d’en sortir le produit fini et demandé, sans oublier une nécessaire clarification du cadre réglementaire.

Les capacités nous les avons. Reste la volonté !

1 Interview pour le site spécialisé Re/Code (http://www.recode.net/2015/2/15/11559056/white-house-red-chair- obama-meets-swisher).

Par Sarah PINEAU, Membre du Comité directeur de l’ANAJ-IHEDN – Pôle Études

Bruno CHIPILOFF, Membre du comité Armée du Futur de l’ANAJ-IHEDN

Pierre LALOUX, Responsable du comité Armée du Futur de l’ANAJ-IHEDN