Dispositifs d’aide à la sortie de crise : quel accompagnement par l’Etat pour les PME et ETI françaises souhaitant participer à la résolution des crises ?

Par Nicolas Sestier, Chef de projet Protection et Sécurité Business France*

Les crises à travers le monde sont aujourd’hui plus nombreuses et plus longues que celles des décennies précédentes. En 2017, 98,2 millions de personnes sont visées par l’appel de fonds humanitaire des Nations unies. Plus de 125 millions de personnes sont dans le besoin, soit l’équivalent de la population japonaise. L’Etat et les organisations internationales sont les contributeurs majeurs à la sortie de crise, mais l’implication des entreprises, dont des PME et des ETI, est de plus en plus fréquente. Quelle est leur place et comment sont-elles accompagnées dans ces missions particulières ? Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), notamment via son centre de crise et de soutien (CDCS), fondé en 2008, est au cœur de la réaction de l’Etat aux crises internationales. Il propose une réponse multiforme aux crises, dans laquelle les entreprises françaises peuvent avoir un rôle à jouer.

Action Humanitaire France : des interventions calibrées en fonction des besoins humanitaires 

Compétent pour la gestion des crises humanitaires,  la   Mission pour l’Action humanitaire (MAH)  du CDCS  coordonne la réponse humanitaire d’urgence de l’État, gère le Fonds d’urgence humanitaire (FUH), en veillant à la bonne coordination avec lesautres services impliqués des contributions françaises aux agences des Nations Unies, au CICR ou encore à l’aide alimentaire programmée. D’autres sources de financement peuvent ponctuellement être mobilisées. Ainsi, la France a octroyé en moyenne 95 millions d’euros d’aide humanitaire par an sur la période 2011-2016. Le budget pour 2017 est cependant plus élevé et serait estimé à 150 millions d’euros.

L’aide humanitaire d’urgence, en réponse aux crises d’origine naturelle ou humaine, soudaines ou prolongées, se concrétise par l’envoi de fret humanitaire, de matériel de première urgence, et le déploiement des équipes chargés de la sécurité civile et de la réponse sanitaires (notamment Eprus), voire des militaires. Par ailleurs, 90% de ce Fonds d’urgence humanitaire sont dédiés au financement des projets mis en œuvre par des ONG ou des organisations internationales notamment. En 2016, le FUH a dépensé 23,2 millions d’euros et 65% de ses crédits dans des actions en Afrique du nord et au Moyen-Orient (crise syrienne, crise irakienne, territoires palestiniens…). L’action de l’Etat via le FUH est complétée notamment par la mise à disposition de moyens par des partenaires privés, parmi lesquels figurent notamment les fondations Airbus Hélicoptères, VEOLIA, Mérieu , Nutriset, EDF et Terres Plurielles (Bouygues Construction).

La place des entreprises dans la sortie de crise

Depuis 2014, les missions du CDCS se sont élargies pour prendre en compte le besoin d’anticipation et de stabilisation d’une zone de crise. La Mission pour l’Anticipation et le Partenariat (MAP) du  CDCS  mobilise les entreprises, indispensables pour qu’un pays en crise retrouve une activité économique et se mette sur le chemin d’une sortie de crise durable. Elle est composée d’une équipe interministérielle avec des représentants de la Direction générale du Trésor, du ministère de l’Intérieur et du ministère des Armées qui se chargent d’accompagner les PME et ETI désireuses de développer leurs activités dans les pays en crise. Elle contribue à :

• Identifier les entreprises françaises compétentes en zone de crise. La crise liée à Ebola a, devant l’urgence de la propagation de l’épidémie, accéléré ce travail. Ce sont aujourd’hui 450 entreprises françaises qui sont répertoriées par compétence.

• Améliorer la connaissance par les entreprises des appels d’offres de l’Union européenne et des Nations Unies dans les pays en crise, en s’appuyant sur Business France et l’Agence pour le développement des entreprises françaises à l’export, afin de transmettre les informations et les bonnes pratiques aux entreprises.

• Suivre l’évolution des normes sur les appels d’offres : une concurrence équitable entre les entreprises repose sur des normes qui ne doivent pas empêcher les entreprises françaises de prendre part à ces appels d’offres.

Pour un rapprochement entre les entreprises et les ONG

La participation des entreprises françaises à la mise en œuvre de l’action humanitaire dans les pays en crise passe également par une plus grande interaction entre les ONG et les entreprises.

Cela s’est illustré lors du salon international de l’humanitaire et du développement (DIHAD) à Dubaï en mars 2016, au cours duquel des entreprises, des fondations d’entreprise et des ONG françaises s’y sont organisées en pavillon français, de façon à présenter une offre de prestations intégrées entre l’action de l’Etat, celles des ONG et des entreprises françaises. Dubaï était une destination symbolique, les Emirats Arabes Unis constituant en effet une base arrière des opérations des acteurs humanitaires, avec notamment la présence d’un dépôt de la réponse humanitaire de l’ONU (UNHRD).

Pour mener à bien ses objectifs, un répertoire d’entreprises françaises a été créé par la MAP. Il est utilisé pour recommander des compétences auprès des organismes des Nations Unies, de l’Union européenne et des ONG. Afin de maximiser les chances de succès des entreprises, la mission conseille aux entreprises d’améliorer leur réactivité (notamment en disposant de stocks en propre), ainsi que de se conformer aux demandes des marchés en produits ou services de base, ces marchés publics s’emportant souvent au moins-disant. Pour y accéder, les entreprises doivent être référencées auprès des centrales d’achat de l’Union européenne et des Nations Unies. Business France organise également chaque année des sessions d’information qui peuvent aider les entreprises à effectuer ce premier pas nécessaire.

La MAP a par ailleurs attiré l’attention sur la particularité des marchés passés par le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), qui ne comportent pas d’achat de service après-vente du matériel. L’impossibilité d’accompagner le matériel, de son installation à son utilisation, représente un enjeu de réputation pour l’entreprise. Elle peut en effet faire face à l’insatisfaction des utilisateurs en cas de mauvaise installation. Il est donc recommandé de répondre à des appels d’offres pour des matériels robustes, fiables et simples à mettre en place.

La mission relève également un besoin croissant d’expertise et de matériel pour la gestion des crises sanitaires. Cela concerne aussi bien les phases d’évacuation des populations que les phases de soins qui leur sont apportés, comme l’administration de médicaments, la gestion d’hôpitaux ou encore le traitement de l’eau et des déchets des camps. Enfin, pour la MAP, de nombreux champs d’action sont encore possibles dans la réhabilitation des théâtres de guerre (mise en place d’infrastructures comme le rétablissement des réseaux électriques par exemple).

Expertise France

Dans le cadre d’accords intergouvernementaux, la France peut proposer et le cas échéant fournir des biens et des services aux opérations de maintien de la paix (OMP) de l’ONU au travers d’Expertise France en tant qu’opérateur public sous la double autorité du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères (MEAE) et de celui de l’Economie et des Finances.

Expertise France peut à son tour s’associer à des entreprises françaises en tant que co- ou sous-traitants pour préparer des propositions, soumettre des offres et le cas échéant mettre en œuvre des projets au bénéfice de ces OMP, l’ensemble devant toujours faire l’objet de validation de la part du MEAE. Plusieurs contrats importants ont déjà été remportés et mis en œuvre dans ce cadre, et d’autres sont en perspective.

A ce jour, les entreprises avec lesquelles Expertise France s’est associée sont surtout des grandes entreprises françaises, seules vraiment capables d’absorber les risques importants. En revanche, ces grandes entreprises peuvent porter des PME et des ETI dans leur sillage.

En plus de ces actions, Expertise France renforce son positionnement dans le secteur du soutien civil aux opérations internationales de sécurité en général (BTP, télécommunications, logistique et gestion des déchets…). Une feuille de route sera présentée bientôt au MEAE pour organiser cette nouvelle coopération. Il est prévu notamment un renforcement de la façon dont Expertise France peut identifier, analyser et faire suite à des opportunités dans ce secteur, ainsi que de ses relations avec des entreprises intéressées à devenir partenaires d’Expertise France sur ces sujets.