L’intelligence artificielle appliquée au monde de la défense et de la sécurité

En effet, l’intelligence artificielle en est à ses débuts dans le monde de la sécurité. Les services de renseignement en sont équipés depuis vraisemblablement moins de deux ans, et certains opérateurs critiques, comme le groupe ADP (Aéroports de Paris) y voient un atout pour la gestion de la sécurité.  En effet, l’apport de l’IA dans le traitement des données, nouvelles et passées, peut permettre d’être plus performants et réactifs en cas d’incident. « La plateforme logicielle que nous développons avec le soutien d’ADP intègre d’ores et déjà des briques d’IA pour corréler automatiquement des événements issus de divers capteurs et générer des alertes soumises à la vérification des opérationnels, ou au contraire éviter de fausses alarmes.» souligne Laurent Denizot, PDG d’Egidium Technologies. « Le but est de gagner en fiabilité, en réactivité et de faciliter la supervision de l’intervention. 

L’approche consiste à enrichir par des algorithmes d’IA les modules d’aide à la décision existants afin d’extraire, relier, et classifier toutes les informations, et éclairer les décisions humaines avec des données utiles issues d’un flot continu toujours plus colossal. « Dans l’univers de la sécurité où la diversité des données est très forte, il faudra même faire coopérer plusieurs technologies d’intelligence artificielle les unes avec les autres. » Une fois de plus l’interopérabilité des systèmes sera donc cruciale.

L’intelligence artificielle pour améliorer le travail des opérateurs, leur coordination et leur réactivité. 

Au delà de la gestion du présent et de l’investigation accélérée du passé, l’heure est déjà à la prochain étape, bien amorcée, du prédictif, du cognitif et de l’anticipation. « Il s’agit là de décloisonner les informations et de les faire converger. Dans le cadre des attentats par exemple, l’IA pourrait à terme permettre de détecter des phases de repérage des terroristes avant le passage à l’acte. Ces données regroupées et croisées avec d’autres pourraient permettre de générer une alerte, conforter une analyse ou une autre information détenue par les services de renseignement compétents et ainsi permettre aux forces de l’ordre d’intervenir avant le moment fatidique. » Une compétence que l’on aimerait attribuer à l’intelligence artificielle bien plus vite que la réalité ne pourra satisfaire nos désirs. En effet « aucun système connu à ce jour ne permet un tel résultat » mais l’intelligence artificielle « permettra peut-être à terme de réduire voir d’anéantir ce coup d’avance qui distance toujours l’attaque de la riposte » espère Laurent Denizot et de poursuivre « pour y parvenir, il faut un socle numérique de confiance pour décloisonner et relier les différents univers permettant alors la connexion des datas être elles. C’est une étape indispensable. »

Des préalables intéressants se développent déjà en matière d’Open Data. « Mais pour aller plus loin il faudra conduire des expérimentations et des démonstrateurs. Notre testbed avec Aéroports de Paris, dans un environnement réel et particulièrement exposé, est une chance pour développer l’application de l’IA au domaine de la sécurité et de la sûreté.. Nous sommes face à une véritable révolution. »

La question de l’IA appliquée à la robotique militaire

A entendre Elon Musk, l’homme d’affaires fondateur de la marque Tesla, l’intelligence artificielle est « largement plus dangereuse que la Corée du Nord ».

Connu pour appeler régulièrement à la méfiance envers l’intelligence artificielle, le milliardaire s’est donné pour mission d’alerter l’opinion publique « Tant que les gens ne verront pas des robots tuer des gens dans la rue, ils ne réagiront pas parce que [le risque] est trop impalpable » et d’ajouter « Au moment où nous réagirons, il sera déjà trop tard ». Celui qui a ouvert en 2015 une association à but non lucratif nommée OpenAI vient de s’entourer de nombreux alliés dans sa quête à la création d’Intelligences Artificielles générales sûres.

En effet, il vient de signer avec plus d’une centaine de chefs d’entreprise travaillant dans le domaine de la robotique et de l’intelligence artificielle, une lettre ouverte publiée en août dernier à l’intention de l’ONU visant à interdire les robots armés autonomes. Dans cette missive, les signataires alarment « Les armements autonomes risquent de devenir la troisième révolution en matière militaire. Une fois développés, ils permettront aux conflits armés d’avoir lieu à un degré jamais atteint et à des échelles de temps au-delà de la compréhension humaine ».

Les inquiétudes portent sur le détournement de ces nouveaux outils « de terreur, des armes que les despotes et les terroristes utilisent contre des populations civiles et des armes piratées afin de les faire se comporter d’une façon indésirable. », mettent alors en garde ces experts issus du monde entier (États-Unis, Royaume-Uni, Europe continentale, Afrique du Sud, Russie, Singapour, Japon, Inde, Islande, Canada, Chine, Australie et France).

L’objectif est d’inviter les Etats à faire évoluer la Convention sur certaines armes classiques en vue d’inclure les robots armés autonomes. Une convention ratifiée par 124 pays dans le monde.

« En tant qu’entreprises développant des technologies d’intelligence artificielle et de la robotique qui peuvent être réorientées pour développer des armes autonomes, nous avons la responsabilité particulière de tirer la sonnette d’alarme », écrivent alors ces experts, néanmoins satisfaits de voir l’ONU mettre en place un groupe d’experts gouvernementaux sur ce sujet ajoutant qu’ils sont tout disposé à contribuer aux réflexions « beaucoup de nos chercheurs et ingénieurs souhaitent offrir des conseils techniques à vos délibérations ». Une rencontre est prévue en novembre.

Du côté de l’industrie de l’armement, la course est déjà lancée. L’entreprise russe Kalashnikov communique depuis peu sur son programme de développement de drones et de robots armés soutenus par des réseaux de neurones pour repérer, identifier et « traiter » automatiquement des cibles. Des efforts similaires existent aux USA avec la Darpa et en Corée du Sud avec le Samsung SGR-A1.

L’approche alarmiste d’Elon Musk, au-delà de cette lettre et de ses nombreuses déclarations et évocations de scénarios catastrophes, n’est pas pour plaire à tout le monde et en particulier au fondateur de Facebook qui lui, ne voit que des aspects positifs à l’IA. Il a estimé qu’elle permettrait dans les dix prochaines années d’augmenter la qualité de vie de différentes manières. « Si on pense juste à la sécurité ou à la santé, l’IA nous aide déjà à mieux diagnostiquer les maladies », a-t-il argumenté prenant pour exemple le cas des voitures autonomes « elles vont être plus sûres que lorsque des gens les conduisent. L’une des premières causes de mort sont les accidents de voiture. Si vous pouvez les éliminer grâce à l’IA, ce sera un immense progrès », s’est alors enthousiasmé Mark Zuckerberg.

D’autres experts de l’Intelligence artificielle s’agacent également des propos trop détracteurs d’Elon Musk. François Chollet, spécialisé dans le deep learning chez Google a souligné « En toute probabilité, la plus grande menace c’est le contrôle de masse grâce au ciblage de messages et des armées de bots de propagande. Le [machine learning] n’est toutefois pas nécessaire. » Subbarao Kambhampati, professeur d’informatique à l’université d’Arizona State et président de l’Association for the Advancement of Artificial Intelligence, explique quand à lui « Si nous avons effectivement besoin d’une discussion ouverte sur les impacts sociétaux de l’IA, les inquiétudes souvent répétées par M. Musk se focalisent sur le scénario tiré par les cheveux d’une prise de pouvoir par une super intelligence. »

Sur le sol français, Michel Bouvet, directeur général d’Yncréa et Emmanuel Chiva, Directeur général adjoint d’Agueris et Conseiller des études à l’IHEDN, signaient il y a moins d’un an un papier qui tend à tempérer l’affolement général. Les robots tueurs polluent la réflexion et empêchent de concevoir l’IA comme un domaine scientifique et d’ingénierie. On est très très loin de la supraconscience artificielle que de nombreux auteurs agitent comme un chiffon rouge. L’IA est certes un domaine en explosion, mais ce n’est pas la révolution de l’humanité qu’on veut nous faire croire.

L’IA (qui « ré-invente » les réseaux de neurones des années 50) revient à la mode grâce à la convergence de la disponibilité de puissances de calcul très importantes, d’une quantité de données considérable (en constante et rapide augmentation) et d’algorithmes agrégés.

Les vrais enjeux de l’IA dans le monde de la défense et de la sécurité sont principalement liés à la robotique de soutien, à la simulation pour l’appui aux opérations, aux capteurs « intelligents » et à l’analyse de signaux, et pas, en priorité, aux systèmes d’armes.

La robotique de soutien concerne en particulier le portage (souvent de charges de plus de 60 kg sur le terrain), l’ouverture d’itinéraire (en terrain hostile voire miné), la surveillance… Autant de tâches nécessitant des capacités d’analyse de l’environnement, d’autonomie, de vision, et pour lesquelles les techniques d’IA rendues « embarquables » sont utiles.

L’IA permet également de modéliser le comportement d’entités humaines sur le terrain. Il est ainsi possible de réaliser des simulations des entités adverses, de jouer le déroulement d’une opération…Tout cela à l’aide des données simulées ou enregistrées issues de différents capteurs installés sur différents systèmes (terrestres, avions, drones … voire satellites). C’est notamment le domaine de la simulation constructive.

Donner de l’autonomie et de l’intelligence à des capteurs sur le terrain, c’est à dire réaliser le traitement, l’analyse et la classification dans le capteur lui-même, permet de transmettre à l’opérateur ou au décideur des informations qualifiées et pertinentes et ainsi de ne saturer ni les réseaux de transmission ni les exploitants.

Grâce à ces technologies, il devient ainsi possible de réaliser de la détection et du suivi d’images, de la détection de geste ou de mouvement, ou d’extraire des caractéristiques de haut niveau permettant d’implémenter une identification automatique de cible d’intérêt et un traitement de l’image correspondante. L’essentiel des opérations peut ainsi être réalisé au sein du capteur lui-même : toutes les opérations sont effectuées localement, sans devoir surcharger la bande passante du réseau, ni devoir transmettre des informations en vue d’en faire l’analyse sur un serveur distant. En découlent une économie de temps, un gain de sécurité et d’efficacité.

Source : Blog VMF214