VALCRI : L’algorithme intelligent au service de la Police

Par Céline Brunetaud

Qu’ont en commun les polices du Royaume-Uni et de la Belgique ? Un système nommé VALCRI. VALCRI pour Visual Analytics for Sense-making in CRiminal Intelligence analysis. Les forces de police des Midlands de l’Ouest au Royaume-Uni et la police d’Anvers en Belgique se sont associées pour tester un système semi-autonome sémantique d’analyse de renseignements criminels. En quoi l’intelligence artificielle est une aide pour l’homme ? Pour quel objectif et quelle perspective ? Décryptage.

Le 24 mars 2017, à Bruxelles, le projet réussissait son deuxième examen de mi-parcours. Mais revenons à la genèse de cet algorithme. Le 1er mai 2014, le projet est lancé par un consortium de 18 membres issus d’entreprises privées et d’institutions publiques, dans la perspective d’aider les forces de police à résoudre des enquêtes. Il porte le nom de VALCRI pour Visual Analytics for Sense-making in CRiminal Intelligence analysis ou en autrement, analyse visuelle pour la détection des sens dans l’analyse du renseignement criminel. Aidé par 103 scientifiques et ingénieurs, l’instigateur est le professeur William Wong de l’Université du Middlesex de Londres. Celui-ci affirmait que « tout le monde pense que l’action de la police consiste à tirer des conclusions en reliant les points, mais il s’agit là de l’aspect le plus facile… Le plus difficile consiste en effet à déterminer quels sont les points à relier. » C’est en cela que VALCRI aide l’homme, par la rapidité de traitement des données et informations. Ce système d’intelligence artificielle ne remplace pas l’homme, mais il lui confère un avantage indéniable et redoutablement efficace dans la résolution des crimes et délits. Le but est d’analyser et d’étudier les fichiers de la Police pour comprendre l’origine d’un crime.

6,5 millions de dossiers

La police d’Anvers en Belgique ainsi que celle des Midlands de l’Ouest au Royaume-Uni ont commencé à tester le produit et a déterminé ses plus-values pour l’enquêteur. Ainsi, en phase d’expérimentation, VALCRI a exploité 6,5 millions de dossiers soit 3 années de données criminelles dont certaines anonymes.

Concrètement, VALCRI examine tout le travail amont de la police : rapports, enregistrements, interrogatoires, vidéos, photos, etc. Il passe « au crible » toutes les sources d’information récoltées par la Police et susceptibles de pouvoir élucider le crime. Ce qui échappe à l’homme, n’échappe pas à VALCRI. Le système détecte des scénarios suspects et reconstruit les scènes, laissant présager les pistes d’investigation à suivre. Les résultats sont ensuite présentés sur deux écrans tactiles interactifs appelés « espace de travail de raisonnement ». L’interface utilisateur regroupe trois espaces : d’exploration de données, d’analyse et d’hypothèse. Grâce à une interface fluide, les analystes peuvent facilement passer d’un espace à l’autre.

Clustering

Les policiers peuvent ensuite émettre des conclusions significatives. VALCRI est un gain de temps pour les analystes de la police. Un analyste expérimenté a besoin généralement de procéder à 73 recherches pour les rassembler assure Neesha Kodagoda, l’une des chercheuses de l’Université du Middlesex de Londres travaillant sur le projet VALCRI. En un seul clic, toutes les informations détenues dans les bases de données de la Police sont regroupées.

Le professeur Wong explique que les nouvelles données entrantes qu’elles soient statiques, en streaming ou multimodales sont analysées en temps réel avec les informations déjà existantes pour définir la pertinence et l’intérêt pour les enquêteurs dans la résolution du crime. L’extraction automatisée de connaissances et les capacités de clustering (outil statistique utilisé pour obtenir facilement et rapidement une analyse de données) thématique de VALCRI permettent de trouver facilement ce dont la Police a besoin dans ses recherches. Et le système est aussi prédictif. Il ajoute qu’un « moteur analytique d’exploration de données sémantiques informé par une ontologie de crime auto-évolutive a été développé pour identifier, de façon semi-automatique, les concepts de criminalité intéressants. Il comprend également un moteur de recherche associatif pour déceler certains scénarios ou le contrôle d’accès à grande échelle pour la protection de la vie privée, l’utilisation de données éthiquement sensibles, le respect des cadres juridiques et le stockage des données, etc. »

Les performances de ce système résident dans le fait qu’il peut établir des liens entre certains cas, mots ou expressions à l’instar des humains. Dans les interrogatoires, même si les mots diffèrent,  des synonymes sont utilisés. VALCRI va alors trouver la corrélation.

Cadre juridique

VALCRI a été conçu dans un esprit de transparence pour contrôler toutes les étapes de raisonnement de l’intelligence artificielle. Mais qu’en est-il des données enregistrées dans la machine ? Pour l’heure, les données sont anonymes. Dans le cas contraire, l’accès et l’utilisation de données non anonymes pourraient être remis en cause dans un cadre légal. Par ailleurs, d’un pays à un autre, la protection des données diffèrent pour l’exploitation des informations recueillies. Ces aspects devront être pris en compte dans l’évolution du projet.

Mais, Jerry Ratcliffe, professeur au département de la justice pénale à Temple University de Philadelphie qui dirige le centre de sécurité et de criminalité de l’université définit VALCRI comme l’avenir de la police. Mais, en agrémentant régulièrement le système de preuves et de renseignements, l’analyse de la criminalité va gagner en précision et en performance. Ce qu’atteste Jerry Ratcliffe. Pour le professeur au département de la justice pénale à Temple University de Philadelphie qui dirige le centre de sécurité et de criminalité de l’université, « VALCRI comme l’avenir de la police.  »

Source : www.valcri.org

La Commission européenne a consenti un financement de 13 millions d’euros (fonds issus du 7e programme-cadre de la Commission européenne – numéro de contrat FP7-IP-608142). Il a été attribué à l’Université Middlesex de Londres et à ses nombreux partenaires publics et privés. Ont collaboré entre autres à la mise au point de ce projet : Exile, société de conception et d’ingénierie en à Barcelone, en Espagne, Fraunhofer IDMT, à Ilmenau en Allemagne qui est le plus grand organisme de recherche à but non lucratif d’Europe, l’université de technologie de Vienne en Autriche, l’université de Linköping en Suède, etc.