La sécurité, enjeu central de la réussite des Jeux Olympiques

Par Philippe Gendreau, Délégué Général Adjoint Sécurité du GICAT

Une question complexe

Le 13 septembre dernier restera comme le grand jour où Paris a enfin été désignée ville olympique pour la seconde fois. S’il y a lieu de se réjouir de cette désignation, nombre d’inquiétudes commence à se faire jour. La facture des jeux pourrait en effet se révéler bien plus élevée que ce que prévoyait le dossier de candidature. Parmi les candidats au dépassement, figure notamment la sécurité, difficile à évaluer au plus juste, plusieurs années à l’avance. Il semble donc essentiel que les industriels se positionnent aux côtés des pouvoirs publics et des acteurs de la sécurité privée pour anticiper au mieux les besoins et apporter ainsi des solutions adaptées, à coûts maitrisés. Dès lors, le nécessaire continuum de sécurité pourra être délivré par les différents acteurs.

Le budget de Paris 2024 prévoit 890 millions d’euros pour le service des Jeux dont 200 millions pour la seule sécurité. On parle également de 49000 policiers et gendarmes mobilisables, ainsi que de 21000 secouristes et 50000 agents de sécurité privée, ce qui représente plusieurs centaines de millions d’Euros en salaire. Des chiffres qui peuvent donner le vertige, mais cela sera t-il suffisant ? Difficile à dire. A titre de comparaison, pour l’Euro 2016, l’UEFA a dépensé 34 millions pour la sécurité des stades tandis que le budget sécurité des fan zones était de 24 millions, soit un total de 58 millions (pour ces deux seuls postes). Bien que les deux évènements sportifs ne soient pas du même acabit, ces chiffres permettent de mettre en relief les chiffres évoqués dans le dossier de candidature ainsi que ceux des Jeux précédemment organisés par nos homologues Britanniques ou Brésiliens. La sécurité des Jeux de Londres 2012 a coûté 1,16 milliard d’euros quand celle de Rio 2016 aurait dépassé les 500 Millions. Le risque de dépassement n’est donc pas une simple vue de l’esprit mais bien une préoccupation qui doit légitimement être prise en compte, et ce dès à présent, par les plus hautes autorités de l’organisation des Jeux Olympiques de 2024. Acteur impliqué sur ces sujets d’envergure, le GICAT souhaite contribuer aux débats et échanges, et formuler quelques propositions pour aider à contenir le budget à de justes proportions.

Quelques propositions

La gestion de projet nous apprend que 80% du budget est engagé dès les premiers temps du projet. Il est ensuite, difficile et coûteux, de revenir sur une décision initiale. Dès lors, afin de faire des JO 2024, une pleine réussite aussi bien sur les plans sportif, budgétaire que sécuritaire, il convient donc, selon nous, de se concentrer sur quatre axes d’effort.

Essentiel et de premier ordre, il est vital d’intégrer la sécurité en amont, au sein même des Comités exécutifs du COJO et de Solideo, pour qu’elle soit prise en compte dès la définition des infrastructures et de l’organisation des évènements. La nomination rapide de Monsieur Jean Castex en qualité de Délégué Interministériel aux Jeux laisse présager une approche en ce sens. Il convient désormais de maintenir l’effort. Les grandes enceintes sportives sont conçues en fonction des besoins des sportifs mais aussi de ceux des sponsors, des télévisions et autres. Désormais, et dans un contexte de menaces accrues, la sécurité doit impérativement faire partie du cahier des charges, à un rang qui est le sien.

Il convient d’étudier ensuite, la mise sous le régime de l’expérimentation de Paris 2024, au sens de l’article 37 de la constitution. Ceci permettrait de tester, dès aujourd’hui, les technologies et les procédures qui pourraient être utilisées sans encourir de risque juridique. Parmi les technologies envisageables, les systèmes de filtrage « sans barrière », la reconnaissance faciale ou encore la géolocalisation rencontrent un engouement certain, tout comme la vidéoprotection de bout en bout et l’interconnexion des différents réseaux qui occupent une place de choix.

Une expérimentation qui appelle de facto à l’intégration amont de la technologie au cœur des réflexions, que ce soit au niveau des personnels ou à celui des infrastructures. C’est à cette condition, qu’une grande partie des moyens technologiques sera déterminée « by design » afin d’éviter, par la suite, de nombreux problèmes d’efficacité, de disponibilité ou d’interaction. Une telle approche permettrait par ailleurs de disposer de moyens adaptés aux besoins et à la pointe de la technologie en 2024. En effet, cette anticipation permettra d’affiner, de spécifier les besoins, tout en développant et testant les dernières technologies. Nombre d’entre elles sont en effet prometteuses à l’instar de l’Intelligence Artificielle, des réseaux 5G ou encore de la Réalité Augmentée qui seront certainement disponibles en 2024. Ces technologies permettront une efficacité notablement supérieure et une interactivité sans égale de ces futurs agents « augmentés » agissant au sein de bâtiments et de quartiers « intelligents » et devraient permettre de sortir du traditionnel dilemme entre effectifs et budgets.

Enfin, ces Jeux représentent une vitrine exceptionnelle pour le savoir-faire français en la matière. Ils sont une occasion unique de développer « un label » « utilisé par Paris 2024 ». La mise en place de tels partenariats permettrait d’une part aux forces de sécurité de bénéficier de matériels adaptés à l’évolution de leurs besoins et ce à des coûts réduits (les industriels faisant un effort pour obtenir le fameux label) et aux industriels de bénéficier d’une référence prestigieuse pour l’export. Pour renforcer cet effet, il est souhaitable de mettre en place le plus tôt possible une stratégie de communication et de marketing en vue de capter tous les grands évènements dont la mise en place va se décider entre maintenant et 2024.

Une chance à ne pas rater pour la filière

Les Jeux sont l’occasion pour la filière de Sécurité en France de mettre en avant son savoir-faire et de gagner des parts de marché à l’international. L’offre française en la matière est l’une des meilleures au monde et particulièrement complète. Il serait donc dommage de manquer une occasion de la développer plus encore.

Le GICAT et ses industriels mettront tout en œuvre pour que la sécurité des Jeux soit portée à son maximum, à un niveau de qualité le plus élevé possible pour un coût le plus juste. Ils sont convaincus que l’un des atouts maîtres pour ce faire, est une symbiose entre l’agent de sécurité et la technologie qu’il utilise et qui l’environne. Ces sept années doivent être mise à profit pour définir les besoins et la doctrine, concevoir, développer, tester et déployer les matériels et les infrastructures nécessaires. La prochaine réunion du Comité de Filière des Industrie de Sécurité nous semble une excellente occasion de porter ce plan d’action sur les fonts baptismaux.

Lors de Milipol Paris, Thierry Delville, Délégué Ministériel aux Industries de Sécurité et à la lutte contre la cybercriminalité (DMISC) a annoncé la création d’un groupe spécifique dans le cadre du COFIS dédié au sujet des JO 2024.