Lutte contre le financement de Daech et d’Al-Qaida

A l’initiative du président de la République, une conférence internationale était organisée les 25 et 26 avril à Paris sur la lutte contre le financement d’Al-Qaïda et de Daech, « No Money for Terror ».

Jean-Yves Le Drian a animé le 26 avril une table-ronde au cours de laquelle il a invité ses interlocuteurs à faire un état des lieux et à proposer des solutions concrètes. D’autres membres du gouvernement impliqués dans la lutte contre le terrorisme et son financement (Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, et Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics) ont participé à cet événement, qui a été clôturé par le président de la République.

Les représentants de 70 Etats et les responsables de près de 20 organisations internationales, régionales et agences spécialisées ont participé aux travaux. Une déclaration finale a été adoptée à l’issue.

Cette rencontre ministérielle a été précédée, le 25 avril, par une journée d’échanges entre les experts de la lutte contre le financement du terrorisme (magistrats, cellules de renseignement financier, services de renseignement, police judiciaire, douanes, experts de la régulation financière) .

La victoire militaire en Irak et en Syrie ne signifie pas la disparition totale de Daech. Les groupes liés à Al-Qaïda restent actifs au Sahel, dans la péninsule arabique et en Asie. Nous devons poursuivre nos efforts jusqu’à leur démantèlement complet. Dans ce contexte, et pour la première fois à cette échelle, la conférence de Paris réunit conjointement des ministres des finances, de l’intérieur, de la justice, des affaires étrangères, tous engagés dans la lutte contre le financement du terrorisme.

Cette conférence se déroulait au siège de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques.

Interview de M. François Molins, Procureur de la République 

 

Déclaration finale 

Les États membres du Groupe d’action financière (GAFI), des organismes régionaux de type GAFI (ORTG), du G20 et de la Coalition internationale contre Daech, en présence d’organisations et d’agences internationales et régionales, ont souligné qu’une approche intégrée est essentielle pour lutter contre le terrorisme et son financement.

Ensemble,  » nous nous engageons à renforcer notre contribution nationale et collective à la lutte contre le financement d’individus, de groupes, d’entreprises et d’entités terroristes associés à l’État islamique (Daech) et à Al-Qaïda, qui se fonde sur notre engagement de longue date à lutter contre le financement de tous les groupes terroristes. »

Les Etats s’engagent en particulier à prendre les décisions et les mesures suivantes :

(1) Poursuivre le renforcement de nos cadres juridiques et opérationnels internes pour la collecte, l’analyse et le partage des informations par les autorités nationales

En criminalisant pleinement le financement du terrorisme, notamment le financement des déplacements et du recrutement des terroristes, et en appliquant des sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives, même en l’absence de lien avec un acte terroriste spécifique.

En améliorant l’efficacité de la chaîne opérationnelle : chacun d’entre nous s’engage à mettre en place ou à renforcer, au niveau national, le cadre (groupes de travail interagences et centres de fusion des informations, par exemple) permettant aux cellules de renseignement financier, aux services de renseignement et d’enquête, aux autorités judiciaires et/ou de poursuites, aux services de police et de justice ainsi qu’aux autres autorités compétentes de collecter et de partager des informations sur le financement des individus, groupes, entreprises et entités liés à des groupes terroristes, en particulier les combattants terroristes étrangers, ceux qui reviennent dans leur pays d’origine ou qui se réinstallent dans un pays tiers, en mettant le moins d’obstacles possible à ces échanges, et dans le respect des cadres juridiques en vigueur relatifs aux droits de l’Homme, à la vie privée et à la protection des données.

En encourageant les autorités nationales compétentes, en particulier les cellules de renseignement financier et les services de renseignement, à mettre en place de réels partenariats avec les secteurs privé et financier concernant l’évolution des tendances, des sources et des méthodes de financement des individus, groupes, entreprises et entités terroristes, ainsi qu’à partager des informations tactiques en tant que de besoin.

En renforçant les capacités de nos autorités compétentes, en particulier des cellules de renseignement financier, notamment les ressources informatiques pertinentes.

En intensifiant la consultation d’entités comptables et leur implication dans l’élaboration et la mise en œuvre de lignes directrices et d’indicateurs de transactions suspectes pour le secteur privé, afin d’améliorer les stratégies d’entrave, la détection précoce et la prévention du financement du terrorisme, tout comme la qualité des informations transmises par le secteur privé.
En sensibilisant les représentants du secteur privé et les autorités concernées, notamment les organismes de contrôle des exportations, au risque d’acquisition par des individus, groupes, entreprises et entités terroristes d’armes, en particulier d’armes de destruction massive, ainsi que de technologies et de biens sensibles.

(2) Lutter contre les transactions financières anonymes

En améliorant la traçabilité et la transparence des flux financiers : nous nous engageons à renforcer en tant que de besoin les cadres de partage d’informations avec le secteur privé, qui peuvent permettre aux autorités compétentes d’obtenir des informations pertinentes, y compris sur les bénéficiaires effectifs. Ces cadres devraient également permettre de lutter contre la fraude documentaire, de tracer, de détecter, de sanctionner et de démanteler efficacement les intermédiaires financiers clandestins, ainsi que de faire face aux risques liés à l’utilisation du paiement en liquide, des systèmes informels de transfert financier (hawalas par exemple), des cartes prépayées et des moyens de paiement anonymes.

En travaillant avec les institutions financières et les entreprises et professions non financières désignées afin de veiller à ce qu’elles respectent les obligations imposées par la législation nationale de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en imposant des sanctions effectives, proportionnelles et dissuasives, qu’elles soient pénales, civiles ou administratives (ex : avertissements, amendes, retraits d’accréditation ou d’enregistrement) et, le cas échéant, en informant promptement le superviseur de leur État d’origine afin qu’il puisse agir de façon appropriée.

En tirant le meilleur parti des opportunités offertes par les technologies financières et de régulation nouvelles et émergentes (innovations en matière d’identité numérique et de banque mobile), afin de promouvoir l’inclusion financière et de faciliter l’accès et la fourniture de services financiers aux clients, aux entreprises et aux communautés qui, à défaut, utiliseraient des canaux informels, tout en développant les cadres juridiques et de contrôle afin de sécuriser davantage l’identification des clients.

(3) Accroître la traçabilité et la transparence des fonds destinés aux organisations à but non lucratif et aux œuvres caritatives

En garantissant de manière urgente la mise en œuvre effective des normes du GAFI relatives aux organisations à but non lucratif, pour atténuer les risques de détournement à des fins de financement du terrorisme par des mesures ciblées et fondées sur les risques, en veillant à ne pas entraver ou dissuader les activités de la société civile.

(4) Anticiper et prévenir le risque de détournement des nouveaux instruments financiers

En reconnaissant que les technologies, produits et services financiers innovants peuvent offrir des occasions économiques substantielles mais qu’il est également possible d’en faire mauvais usage, en particulier pour le financement du terrorisme. Nous nous engageons à appliquer les normes du GAFI en ce qui concerne les crypto-actifs, à rester attentifs à la vérification de ces normes par le GAFI et appelons le GAFI à promouvoir leur mise en œuvre dans le monde entier.

(5) Travailler en collaboration avec le secteur privé, en particulier l’industrie du numérique, pour lutter contre le financement du terrorisme

En promouvant une coopération plus active de la part de l’industrie du numérique, notamment des principales plateformes internet et des principaux réseaux sociaux, avec les cellules de renseignement financier, les services de police et de justice, de renseignement et d’enquête, pour lutter contre le financement du terrorisme et les contenus terroristes sur internet, en particulier le recrutement terroriste, l’extrémisme violent conduisant au terrorisme, notamment via le dialogue engagé par certains États participants et organisations internationales avec les plateformes internet et des réseaux sociaux.

En encourageant les plateformes internet et des réseaux sociaux à promouvoir davantage les contre-discours de la société civile.

S’agissant des risques liés à la collecte de fonds en ligne, en appliquant intégralement les normes actuelles et en appelant ensemble l’industrie du numérique, notamment les principales plateformes internet et les principaux réseaux sociaux, à adopter des principes directeurs robustes pour le financement participatif et les services de paiement, ainsi que les conditions générales d’utilisation pour régir les communautés.

En appelant le secteur privé à envisager de renforcer les mesures de vigilance raisonnable lors des activités dans des secteurs et des juridictions à haut risque, afin d’atténuer les risques de financement du terrorisme dans toutes ses chaînes d’approvisionnement.

(6) Réaffirmer l’utilité des mécanismes nationaux et internationaux de gel et de saisie des avoirs

En rappelant l’importance de ratifier et de mettre en œuvre la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (1999), toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives au financement du terrorisme, ainsi que du droit international et des autres normes pertinentes, et en continuant d’encourager les États participants à proposer d’inscrire des individus, des groupes, des entreprises et des entités impliqués dans le financement d’activités terroristes sur les Listes de sanctions des Nations Unies, notamment sur la Liste relative aux sanctions contre l’État islamique (Daech) et Al-Qaïda, en utilisant des informations aussi détaillées que possible lorsqu’ils proposent ces inscriptions.

En appliquant efficacement les dispositions financières de la lutte contre le terrorisme de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.
En appliquant efficacement les mécanismes de gel des avoirs, conformément à la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, afin d’entraver les activités terroristes.

En renforçant la coopération avec les services de renseignement et les cellules de renseignement financier, conformément à leurs compétences respectives, en matière d’identification des réseaux financiers soutenant des organisations terroristes et d’élaboration des décisions et des demandes de gel des avoirs.

En utilisant les Notices spéciales INTERPOL-CSNU pour contribuer à la mise en œuvre des sanctions du Conseil de sécurité en signalant aux services de police et de justice dans le monde entier qu’un individu ou une entité est soumis à une mesure, par exemple à une interdiction de voyager ou à un gel d’avoirs.

En renforçant nos mesures de lutte contre le terrorisme, y compris en engageant des moyens pour développer et mettre en œuvre des régimes nationaux de sanction et pour saisir des fonds dans le cadre d’enquêtes.

(7) Renforcer l’efficacité de la coopération internationale

En améliorant la qualité des informations partagées au niveau international entre nos cellules de renseignement financier sur le financement du terrorisme, les combattants terroristes étrangers, ceux qui reviennent dans leur pays d’origine ou qui se réinstallent dans un pays tiers, les acteurs isolés et les activités des collecteurs de fonds destinés au terrorisme, dans toutes les juridictions.
En rendant publiques les décisions nationales de gel des avoirs.

En réagissant sans délai et de manière appropriée aux demandes de coopération internationale en matière de lutte contre le financement du terrorisme adressées par tout acteur de la chaîne opérationnelle à ses homologues pertinents, et en partageant de notre propre initiative des informations, avec l’aide des organisations internationales et des organismes compétents en tant que de besoin.

En répondant le cas échéant aux demandes d’entraide judiciaire et d’extradition des autorités judiciaires compétentes.

En luttant contre toutes les sources de financement du terrorisme et de ses réseaux, notamment celles émanant de la criminalité organisée transnationale et d’activités illégales, en particulier des trafics illicites, et en renforçant la coopération transfrontalière entre autorités douanières et fiscales, ainsi que les opérations internationales de police et de douanes coordonnées.

(8) Soutenir la légitimité, la visibilité et les ressources du GAFI et des ORTG

En réaffirmant le rôle central joué par le GAFI, en sa qualité d’organe normatif mondial en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et en appelant à une application intégrale, effective et rapide des normes du GAFI partout dans le monde.

En encourageant le GAFI à continuer de renforcer son assise institutionnelle, sa gouvernance et ses moyens et de les adapter à son rôle renforcé.
En renforçant la procédure d’évaluation mutuelle, en donnant au GAFI et aux organismes régionaux de type GAFI les moyens nécessaires à cet effet, avec notamment la mise à disposition d’évaluateurs expérimentés.

En améliorant la publicité et la diffusion des rapports et des recherches du GAFI sur les risques, les évolutions et les méthodes de financement du terrorisme, ainsi que celles des rapports d’évaluation mutuelle du GAFI et des ORTG.

(9) Renforcer notre engagement collectif envers les États qui ne satisfont pas aux normes ou manquent de capacités

En améliorant la coordination de l’assistance technique et financière que nous apportons aux États ne disposant pas des capacités nécessaires pour faire face au risque de financement du terrorisme et en assurant des formations adaptées pour leurs experts.

En reconnaissant que toutes les parties prenantes, États comme organisations internationales, doivent tirer les conséquences appropriées lorsque le GAFI identifie une juridiction donnée qui ne respecte pas ses engagements de remédier à ses carences stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Conformément aux normes du GAFI, les États doivent être capables de mettre en œuvre des contre-mesures adaptées et proportionnelles aux risques lorsque le GAFI les invite à le faire, ou de leur propre initiative si nécessaire.

Outre ces contre-mesures, les conséquences tirées par les pays ou les organisations internationales pourraient inclure notamment un renforcement de l’assistance technique ou toute autre mesure pouvant permettre aux juridictions listées par le GAFI de réaliser des progrès. Nous nous félicitons des cadres déjà mis en place par certains pays ou organisations internationales. En particulier, nous soulignons l’importance des cadres d’action actuels établis par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les Nations Unies. Nous appelons toutes les parties prenantes, États comme organisations internationales, à envisager de mettre en place des politiques coordonnées et, quand elles existent déjà, à procéder à leur examen et à les actualiser si nécessaire avant fin 2018.

(10) Maintenir notre mobilisation commune contre le financement du terrorisme

Nous remercions le GAFI pour son rôle moteur dans la lutte contre le financement du terrorisme, ainsi que le FMI, l’OCDE, les Nations Unies et la Banque mondiale pour leur soutien constant.

Les Etats ont décidé de se réunir à nouveau en 2019 pour faire le bilan des progrès accomplis. La conférence se tiendra en Australie.