Donner les moyens nécessaires à la Défense

La Loi de programmation militaire présentée en février en Conseil des Ministres, adoptée par l’assemblée nationale, devrait être votée par le Parlement d’ici à cet été. 

Couvrant la période 2019-2025, elle s’inscrit dans une nouvelle trajectoire qui contraste avec les réductions d’effectifs et les tensions financières endurées pendant plus de vingt ans par l’institution militaire, avant un redressement amorcé dans la foulée des attentats de 2015.

Rencontre avec Monsieur le député Jean-Jacques Bridey, Président de la Commission de la défense nationale et des forces armées.

Cette Loi de programmation militaire confirme l’engagement du président de la République de porter le budget de la défense à 2% du PIB d’ici 2025, objectifs que se aussi sont fixés les pays membres de l’OTAN.

Elle prévoit un effort financier de 198 milliards d’euros sur la période 2019-2023 et programme au total 295 milliards d’euros sur la période 2019-2025. Le budget de la Défense, de 34,2 milliards d’euros en 2018, va donc bénéficier d’une hausse de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, puis de 3 milliards par an pour atteindre l’objectif de 2025.

Cette loi qui inverse la courbe de déflation budgétaire, mais aussi des effectifs, de ces vingt dernières années, se veut une loi attendue, nécessaire et utile. Après 60.000 suppressions d’effectifs dans les armées françaises entre 2005 et 2015, la nouvelle LPM ambitionne de créer quelque 6.000 postes d’ici 2025. Ces créations de postes concerneront particulièrement la cyberdéfense et le renseignement. 

Cette LPM répond également aux enjeux posés par la Revue Stratégique présentée en octobre dernier. Cette revue stratégique de défense et de sécurité nationale dresse un tableau lucide et réaliste de l’environnement stratégique dans lequel évoluent nos forces armées. Notre architecture de sécurité collective est fragilisée alors que des foyers de crise sont durablement installés aux portes de notre Europe et que de nouvelles formes de conflictualité se développent, plus dures et plus diffuses. C’est notamment le cas dans le cyberespace, devenu un champ de confrontation à part entière, où le continuum entre sécurité et défense est plus que jamais d’actualité. La revue stratégique note également que les facteurs d’aggravation des crises sont aussi multiples que celles-ci, qu’il s’agisse du dérèglement climatique, des rivalités énergétiques, des risques sanitaires ou encore de la criminalité organisée.

Dès lors, le modèle d’armée souhaité par la France exige des moyens renouvelés et amplifiés, pour faire face à nos ambitions. Il s’agit bien de redonner dès aujourd’hui, aux armées, les moyens de remplir durablement leurs missions. Mais il s’agit également de préparer dès à présent l’avenir de la défense de la France à l’horizon 2030 et de contribuer à construire l’Europe de la défense.

Amélioration du quotidien & modernisation des équipements 

Cette LPM est donc un effort de la nation pour les armées et une loi axée sur l’amélioration du quotidien du soldat et la modernisation d’équipements à bout de souffle, alors que les armées restent engagées sur de nombreux fronts au Sahel (opération Barkhane), au Levant (Chammal), au Liban (Finul) ou sur le territoire national (Sentinelle). D’autre part, la provision « OPEX », d’un montant de 450 millions d’euros par an depuis 2013, passera progressivement à 1,1 milliard d’euros en 2020.

Pour améliorer la condition des militaires français, la LPM augmente par ailleurs les crédits des petits équipements, d’entretien du matériel et d’infrastructures. Entre 2019 et 2023, la LPM prévoit d’augmenter de 14% les dépenses liées aux conditions de travail et de vie du militaire.

Le renouvellement des capacités opérationnelles, pour combler les carences du passé et préparer l’avenir se matérialise pour l’Armée de terre, dans le cadre de l’accélération du programme Scorpion, par la livraison d’ici à 2025 de 50% des nouveaux blindés médians (Griffon, Jaguar et VBMR-légers). La Marine obtient quatre pétroliers ravitailleurs de nouvelle génération (au lieu de trois prévus précédemment), dont deux livrés d’ici à 2025, et 19 patrouilleurs au lieu des 17 prévus. L’armée de l’Air bénéficiera du renouvellement accéléré et augmenté de sa flotte quinquagénaire d’avions ravitailleurs KC-135 par 15 A330 MRTT, dont 12 auront été livrés en 2023.

Une LPM qui prend le parti de la coopération et de l’Europe

La LPM est également un engagement pour l’autonomie stratégique de la France avec des moyens accrus pour le renseignement qui fait partie des capacités à haute valeur ajoutée susceptibles de fédérer des partenaires autour de la France, tout en contribuant à l’autonomie stratégique européenne. 1,6 milliard d’euros sera consacré à la lutte dans le cyberespace et 1 000 cyber combattants supplémentaires seront recrutés d’ici 2025. En matière de coopération internationale, nous passerons de 20 000 à 30 000 militaires d’armées partenaires formés par les armées françaises dans des pays hôtes. Alors que le numérique et le cyber sont au coeur des enjeux, notre commission rendra avant l’été deux rapports, l’un sur la cyberdéfense et l’autre sur les enjeux de la numérisation des armées.

La coopération et le dialogue sont essentiels, au sein de l’Europe et avec l’OTAN. La dernière conférence qui s’est tenue à Paris en mai dernier sur le Cyber Defence Pledge a mis en exergue le renforcement de cette coopération et le rôle clé et réaffirmé que joue la France au sein de l’Alliance. Les enjeux de la stabilité du cyber espace, l’échange d’informations, la communication entre les partenaires et les acteurs, sont autant d’enjeux dont nous devrons nous saisir et sur lesquels, la France a bien entendu un rôle majeur à jouer.

Enfin, cette LPM ouvre la voie à des armées résolument modernes et innovantes, avec plus de crédits pour la recherche, pour l’innovation, pour le renouvellement et l’accélération des grands programmes d’armement. Le gouvernement va en effet lancer des études sur le remplacement de l’unique porte-avions, le Charles de Gaulle, à l’horizon 2040, le développement du système de combat aérien futur ou encore le char de combat du futur, ces deux derniers projets étant menés en coopération avec l’Allemagne. Le dialogue avec nos amis allemands mais aussi britanniques est très important. Nous allons par ailleurs, avec les parlementaires outre-manche, conduire une mission d’information conjointe sur notre filière missilière commune.

Le nombre de programmes en coopération avec des partenaires européens sera augmenté de 36% par rapport à la précédente LPM. 

Ces investissements vont permettre à la France de rester l’armée de référence en Europe. Il s’agit d’un effort significatif et cohérent. Cette trajectoire, qui sera revue en 2021, nous oblige à plus d’exigence. Nous entendons donc être vigilants sur la bonne exécution de la LPM. Le contrôle parlementaire s’effectuera sur le terrain par les membres de la commission afin de mesurer les effets d’application de cette loi, les dispositifs qui donnent des résultats satisfaisants mais aussi ce qui doit être amélioré.

Les Etats impulsent une volonté, les industriels prennent leurs responsabilités, le Parlement doit donc aussi être acteur et porteur de cette réflexion. Une place importante du Parlement est à construire.