Numérisation, données et intelligence artificielle : un enjeu de souveraineté nationale !

Florence Parly, Ministre des Armées, a fixé trois priorités à la Loi de programmation militaire, parmi lesquels investir résolument dans l’avenir pour que l’outil de défense puisse faire face aux menaces de demain. Pour atteindre ces objectifs, un profond mouvement de transformation du ministère est nécessaire et la Ministre d’ajouter : « La révolution numérique sera un vecteur fort de cette transformation. »

L’ambition numérique du Ministère a donc été dévoilée dès novembre 2017 pour se concrétiser dans une présentation officielle en avril dernier d’un plan de transformation numérique stratégique. Ce dernier s’appuiera sur six socles majeurs : déployer de nouvelles technologies, organiser l’innovation numérique, maîtriser l’ouverture des données pour mieux les valoriser, rénover le système d’information, développer l’acculturation et les compétences numériques, et enfin assurer une veille technologique et numérique.

Premier partenariat d’innovation 

Dès 2017, la Direction générale de l’armement (DGA) a donc lancé, dans le domaine de l’intelligence artificielle, un partenariat d’innovation ARTEMIS (Architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-source) avec la notification de trois marchés respectivement confiés au groupement Thales/Sopra Steria, à la société ATOS/BULL et à la société Capgemini.

L’objectif de ce partenariat d’innovation est de fournir dès 2019 un démonstrateur de plateforme sécurisée et distribuée d’intelligence artificielle pour les besoins spécifiques des armées. « Logistique, maintien en conditions opérationnelles, renseignement, cybersécurité, analyse prédictive pour l’aide à la décision, les applications potentielles de ces technologies au domaine militaire sont foisonnantes. » souligne le ministère. 

Aux côtés de ces grands prestataires industriels porteurs de ce partenariat d’innovation, figurent également quelques PME parmi lesquelles Sinequa, qui propose une plate-forme de recherche et d’analyse cognitives qui associe différentes technologies : un puissant moteur de recherche multilingue et une analyse de contenu approfondie sur des données massives et hétérogènes grâce à une connectivité établie à plus de 180 sources de données. À la fois leader au sein du Magic Quadrant de Gartner pour les « Insight Engines » et en tête des évaluations du rapport Forrester Wave « Cognitive Search and Knowledge Discovery Solutions », l’éditeur français Sinequa propose une plate-forme qui intègre différents algorithmes combinant analyse linguistique et Machine Learning afin d’aider à classer les contenus et à en détecter les relations implicites. « Les organisations peuvent extraire des volumes élevés de données, même très hétérogènes, des informations pertinentes pour leurs activités. Les analyses de données structurées et non structurées s’affinent mutuellement. De fait, cette plate-forme est particulièrement performante dans une architecture évolutive qui intègre des serveurs banalisés avec répartition de charge. En outre, elle est capable de tirer profit de plus gros systèmes offrant des performances de pointe. » explique Luc Manigot, Directeur des opérations chez Sinequa. 

Afin de relever ces défis, le ministère des Armées tout comme les autres institutions mais aussi les entreprises, ont besoin d’agilité, d’innovation et de réactivité pour anticiper au maximum les évolutions constantes, la massification des données et le monde du numérique où le ratio temps est revu systématiquement à la baisse.  

Grâce à l’outil développé par cette PME, les analystes utilisent une combinaison de graphiques interactifs, d’analyses sur la durée, des tables et la cartographie des relations. « Ainsi, la solution permet d’extraire rapidement des informations de valeur depuis une multitude de sources de données complexes et variées dans le but de fournir des informations contextualisées et pertinentes. Avec l’apport du Machine Learning, le Cognitive Search offre de nouvelles possibilités pour améliorer continuellement la pertinence des résultats. » 

L’assistance d’une intelligence artificielle peut en effet représenter un atout concret dans un objectif de réduction des risques opérationnels. L’intelligence artificielle sémantique peut apporter une réponse quasi instantanée grâce à l’analyse des données à partir de toutes sources privées ou publiques. L’exposition au risque peut ainsi être réduite. « Les cas d’usage sont multiples : Recherche d’expertise, vision panoramique à 360° sur n’importe quel sujet, détection de signaux émergents, levée d’alerte proactive, renseignement de toute nature. L’objectif est ici d’aider le commandement à prendre la bonne décision, le plus rapidement possible. » précise Luc Manigot. Compatible avec des déploiements internationaux,  à la fois dans des data center propres aux organisations pour des raisons de souveraineté et / ou hébergées dans le cloud, Sinequa peut explorer et indexer tous les emplacements pour créer un entrepôt logique de données (LDW). L’architecture de grille de Sinequa fournit alors un moyen efficace d’étendre, d’intégrer et de distribuer des données massives et hétérogènes tout en garantissant à chaque utilisateur le respect des règles de sécurité, de confidentialité et ses droits d’accès.

La plateforme de Sinequa se veut par ailleurs extensible lorsqu’elle s’appuie sur des composants tiers, tels que Google Vision ou IBM Watson Alchemy pour la reconnaissance d’images et la reconnaissance vocale ou encore les composants de Text Mining de Thomson Reuters.

La numérisation du commandement pour les opérations interarmées

« La compression de l’espace et du temps, nous oblige à une concentration de l’intelligence » ont alors souligné plusieurs officiers lors du forum, en mai 2018, sur les enjeux de la numérisation du commandement pour les opérations interarmées, organisé par le CPOIA (commandement pour les opérations interarmées).

La première phase de la numérisation au sein du CPOIA a permis d’ouvrir des voies prometteuses « notamment le partage de la situation du niveau stratégique au niveau tactique et l’accélération du processus décisionnel. Elle a permis de renforcer le principe de subsidiarité et apporte une aide incontestable dans de nombreux domaines (ciblage, renseignement, etc.). » explique le colonel Ozanne, adjoint emploi du commandement pour les opérations interarmées.

Mais cette numérisation trop abondante de données peut être contre-productive et crée un phénomène d’«infobésité», ou excès de stockage d’information inemployée. « Paradoxalement, au lieu d’améliorer le partage de l’information, la numérisation conduit à le cloisonner dans une logique de satisfaction des besoins « métiers », ce qu’on appelle la logique de bout en bout. L’impact majeur de cette logique de silos sur les niveaux stratégique et surtout opératif de la chaîne C2IA est l’affaiblissement de leur capacité à jouer leur rôle d’intégrateur. L’approche globale est alors brouillée et il est ensuite très difficile de combiner et de synchroniser les effets pour atteindre l’état final recherché. » ajoute le Colonel Ozanne.

Quels avantages à ouvrir les données pour le Ministère ?

Le partage, l’exploitation et la valorisation des données à travers les nouvelles technologiques numériques visent à donner du sens aux masses de données collectées par les Armées. « L’utilisation des nouvelles technologies couplées avec l’exploitation des données nous permettra notamment d’avoir une vision plus globale des situations, de les suivre en temps réel et de mieux les anticiper. Nous entendons ainsi réduire l’incertitude dans les prises de décision et accélérer ces dernières, et enfin améliorer les retours d’expérience. » explique le Ministère ajoutant qu’une offre de solutions techniques spécifiques pour stocker et partager les données de manière sécurisée « sera également nécessaire. » 

Plus que jamais le ministère mesure au travers de ce plan numérique ambitieux, l’impérieuse nécessité d’intégrer une bonne gestion de ces données et d’une ouverture maîtrisée de celles-ci afin de « gagner en réactivité, précision et fiabilité. » Mais l’ouverture des données impose un changement culturel tant dans l’organisation que dans les usages pour inciter les entités du ministère à ouvrir et à partager leurs données respectives et le défi à ce sujet reste de taille.

Plusieurs chantiers seront donc nécessaires pour parvenir aux objectifs fixés par le ministère parmi lesquels, la mise en œuvre d’une gouvernance ministérielle des données fédérée, la définition des modèles d’ouverture et d’exploitation des données à partir des cas d’usage, de structurer une filière « données » au sein du ministère.

Le CPOIA ira lui aussi plus loin encore avec la création à l’été d’un C2 Lab (centre de commandement & de contrôle), véritable cheville ouvrière de cette digitalisation du commandement opérationnel et interarmées. « Les possibilités offertes par l’accroissement des capacités de recueil, de traitement et de partage des données numériques sur les processus de planification et de conduite des opérations sont cruciales dans la révolution numérique en cours. L’enjeu est considérable. Il dépasse la simple interopérabilité avec nos alliés mais relève bien de la souveraineté nationale. A moyen terme, seules les nations maîtrisant ces technologies compteront militairement. » conclut le Colonel Ozanne.