Continuum défense-sécurité-justice et développement : pour améliorer la paix dans le monde

Les trafics illicites qui se jouent des frontières, l’accroissement exponentiel des flux migratoires, les innombrables facettes du terrorisme, l’insécurité maritime, les enjeux cybernétiques, et la problématique de gouvernance étatique, exigent de la Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense (DCSD/MEAE) une action qui s’inscrit dans une approche plus que jamais globale et concertée.

Actions de coopération bilatérale et multilatérale

La coopération de sécurité et de défense est une composante importante de l’action diplomatique de la France. Mise en œuvre par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, elle reflète la cohérence dans la conduite de l’ensemble des actions de coopération bilatérale mais aussi multilatérale de la France, dans les continuum « défense-sécurité » et « sécurité-développement ».

La coopération de sécurité et de défense est portée dans une dimension structurellement interministérielle, au travers d’un pilotage stratégique qui associe le ministère des Armées, de l’Intérieur et de l’Economie (au titre des Douanes). La direction elle-même est composée de diplomates, de militaires, de policiers et d’experts de la protection civile. Elle anime un réseau de plus de 320 coopérants répartis dans 140 pays, avec un effort particulier porté aux partenaires africains.

« L’action de coopération structurelle que promeut la DCSD est complémentaire et coordonnée, avec celle, opérationnelle, menée tant par le ministère des Armées que par la direction de la coopération internationale du ministère de l’Intérieur pour la gendarmerie et la police. »souligne le Général de corps d’armée Didier Brousse, qui dirige la DCSD depuis 2016.

La mise en œuvre en 2016 du Plan d’action gouvernemental contre la radicalisation et le terrorisme (PART) et son adaptation au sein du MEAE (plan de sécurité) ont conduit la DCSD à réorienter une large partie de sa coopération structurelle vers la lutte contre le terrorisme, en complémentarité des deux autres ministères impliqués. « Cette réorientation, associée à la conception de nouvelles capacités structurantes (forces spéciales, renseignement, cybersécurité…), est un enjeu majeur pour le MEAE en matière d’équilibres géographiques d’influence, de dynamique et de conquête de ressources interministérielles. »précise le Général Brousse. Les compétences de la DCSD s’étendent également à la sécurité civile. « Ainsi, se trouve traduite dans les faits la volonté politique exprimée au plus haut niveau de l’Etat, d’une approche globale et cohérente de ces thématiques. »ajoute t-il.

Cette volonté s’inscrit dans le renouvellement du paradigme de la communauté internationale quant à la façon dont le développement, et les coopérations qui s’y attachent, doivent se concevoir, avec l’adoption sous l’égide des Nations unies de l’agenda 2030 pour le développement durable.

« L’ODD16 sur les sociétés pacifiées, et la gouvernance qu’elles requièrent, prend acte de l’impératif, en vue d’un développement durable, de coopérations qui renforcent sur le long terme les capacités des partenaires en termes sécuritaires, tant à l’égard de leurs concitoyens que vis-à-vis de leur environnement régional, dans le respect d’un certain nombre de normes. »précise le Général Brousse.

Le Sahel, première priorité opérationnelle

Dans sa lettre de mission du 20 novembre 2017, le Général Brousse s’est vu confier quatre missions et sept priorités opérationnelles. « La sécurité, l’Europe, le renforcement des capacités d’influence et l’appui aux opérations de maintien de la paix avec une logique d’efficience et de sens dans la zone francophone avec laquelle la France a des liens culturels et économiques forts sont les quatre missions essentielles qui nous sont confiées. » précise le Général Brousse et de poursuivre « L’opérationnalisation des missions du G5 Sahel est la grande priorité de la DCSD. »qui s’illustre notamment par le déploiement des coopérants dans les zones rouges, ou au contact où ils sont armés. « Nous armons également le poste de commandement du secteur centre de la force conjointe G5 Sahel de Niamey et nous préparons l’armement de deux autres postes de commandement dans le secteur de N’Djamena et Léré en Mauritanie. »précise le Général Brousse.

La DCSD apporte en effet son soutien au Secrétariat Permanent, centre névralgique de coordination des activités du G5 SAHEL, par la densification et le renforcement des équipes déployées. C’est dans une perspective de mutualisation des forces afin de relever ensemble des défis communs qu’a été créé le G5 SAHEL à Nouakchott en Février 2014 par cinq pays de l’espace sahélo-saharien : le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.

L’objectif principal de cette organisation réside dans la coordination des politiques et stratégies de Développement et de Sécurité au bénéfice des populations.

« Nos cinq États membres ont constitué une Force de 5 000 hommes dénommée « Force Conjointe du G5 SAHEL », approuvée par l’Union Africaine et adoptée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Avec le soutien de la communauté internationale, cette force spéciale multinationale de nouvelle génération, plus adaptée aux défis sécuritaires multiples de la région, se veut un miroir du savoir-faire militaire de nos cinq pays spécialement dans la lutte contre le terrorisme. Elle va graduellement se déployer dans les cinq pays avec quatre postes de commandement : Niamey au Niger, Sévaré au Mali, entre Nema et Léré en Mauritanie et le dernier dans le Tibesti au Tchad. » explique Maman S. SIDIKOU, Secrétaire Permanent du G5 SAHEL.

Toujours au niveau du volet sécuritaire de sa stratégie, le G5 SAHEL ambitionne de rendre opérationnel le Collège de Défense difficile à faire émerger et dans lequel la DCSD joue un rôle de catalyseur, l’Académie Régionale de Police et le Centre Sahélien d’Analyses des Menaces et d’Alerte Précoce ainsi que de renforcer la plateforme de coopération en matière de sécurité. Des initiatives sont aussi mises en œuvre dans le cadre de la prévention de la radicalisation et de la lutte contre l’extrémisme violent, du renforcement du leadership des Femmes et de la promotion de la jeunesse.

En matière de stratégie de développement intégré, le G5 Sahel dispose d’un Programme d’investissement prioritaire (PIP) élaboré pour répondre aux priorités de développement, notamment en matière de gouvernance, de sécurité, de résilience économique et d’infrastructures. Le coût de sa première phase de mise en œuvre (2018-2020) est estimé à 14,8 milliards de dollars. Ce programme bénéficie de l’appui de plusieurs partenaires internationaux dont les Nations Unies, l’Union Africaine, l’Union Européenne ainsi que de nombreux pays.

Pour répondre aux besoins des pays partenaires, la DCSD inscrit donc son action dans une approche globale et agit sur quatre leviers principaux. Les missions d’expertise dont « 300 ont été conduites au Sahel en 2017 », la mise à disposition de conseillers de haut niveau auprès des autorités africaines selon les domaines concernés. « 320 coopérants sont ainsi déployés dans cinquante pays, dont 73 au Sahel. », l’appui logistique opérationnel direct par l’achat et la mise en place de certains équipements nécessaires à la formation et à l’opérationnalisation des structures et enfin l’appui aux centres de formation : les écoles nationales à vocation régionale.

Les Ecoles Nationales à Vocation Régionale : un programme majeur

C’est dans ce contexte que s’illustre la création et l’action des écoles et des centres de formation privilégiant une approche régionale ou sous-régionale, dans le domaine du maintien de la paix, du renforcement de l’État de droit et de la sécurité intérieure.

Les Ecoles Nationales thématiques à Vocation Régionale (ENVR) sont le fruit d’une volonté partagée en matière de formation, dans le but de privilégier une appropriation du pays partenaire, à travers la transmission et le partage de savoir-faire. Au nombre de 14 ENVR, elles sont situées dans 10 pays africains sur des thématiques diverses : déminage au Bénin ou la santé au Togo et au Niger, la sécurité maritime en Guinée Equatoriale, l’action de l’Etat en Mer en Côte d’Ivoire ou de Maintien de la Paix au Mali.

D’autres projets d’ENVR en lien avec l’évolution des menaces et en adéquation avec les besoins du terrain devraient voir le jour prochainement.« 2019 sera en effet une année de montée en puissance avec 3 nouvelles ENVR. » souligne le Général Brousse.

A Djibouti, l’Ecole Nationale à Vocation Régionale sera dédiée à la police judiciaire. Elle permettra de former les forces de sécurité djiboutiennes à l’identification criminelle et aux différentes techniques de la police scientifique. Pour cela, la France assurera la présence de 3 coopérants et la formation des instructeurs djiboutiens en France. Elle investit également dans l’équipement des laboratoires et la fourniture des ressources chimiques nécessaires aux analyses.

Au Sénégal, l’école nationale de cybersécurité à vocation régionale répond aux enjeux actuels et futurs de l’avènement du numérique, avec ses opportunités et ses menaces, comme l’a rappelé le Ministre Jean-Yves le Drian lors de l’annonce du projet« cet enjeu sera parmi les priorités du futur. C’est un espace sur lequel la souveraineté étatique doit pouvoir s’établir. »Le projet vise à développer, dans un avenir proche, les compétences des pays africains en matière de lutte contre la cybercriminalité et le cyberterrorisme. « Cette école n’est pas qu’un projet de défense mais répondra aussi aux besoins de régulation économique dans l’espace numérique. L’Afrique est en train d’effectuer des sauts technologiques très rapides. Cet établissement permettra aux élites africaines de se prémunir contre leurs vulnérabilités informatiques. »

Enfin, une académie internationale de lutte contre le terrorisme verra le jour en République de Côte d’Ivoire. Elle sera composée d’une ENVR destinée aux cadres, dont l’objectif sera de donner une expertise aux décideurs de la lutte contre le terrorisme issus en particulier des ministères principalement impliqués (Défense, Administration Préfectorale, Sécurité Intérieure, Justice, Secours…), d’un camp d’entraînement pour les unités d’intervention, installé sur le même site que l’ENVR, qui offrira auxunités spécialisées dans l’action contre-terroriste des conditions d’exercice les plus proches de la réalité. Enfin, un centre de recherche stratégique sur le contre-terrorisme viendra compléter l’ensemble.

« Les ENVR forment chaque année près de 2500 stagiaires en moyenne. Véritable force d’intégration régionale, elles sont devenues un élément clé de la politique de coopération française.

Depuis 1997, plus de 20 000 stagiaires ont été formés dans ces écoles soutenues par la France. » précise le Général Brousse et d’insister « la coordination des acteurs et des actions en matière de formation est essentielle pour éviter toute saturation en matière de formation des cadres. Nous devons donc faire preuve d’agilité pour répondre aux besoins exprimés par le terrain. »

De l’importance des acteurs européens

Une agilité et une coopération des acteurs qui dépassent le seul cadre de la formation et de l’action conduite en Afrique mais qui s’impose à tous en matière de coopération internationale. « Le travail de coopération et de co-production public-privé doit être renforcé avec un périmètre précis défini pour chacun des acteurs. Cette coopération doit également se renforcer avec l’Europe qui devient un acteur majeur. Je note également le retour des Britanniques et des Allemands sur le sujet de la coopération. ».

Un sujet majeur abordé lors du 25e Sommet des chefs de gouvernement des Etats membres du Commonwealth (CHOGM) qui s’est tenu à Londres en avril dernier sous le thème :« Vers un avenir commun ».Les organisateurs de la réunion avaient en effet défini quatre principaux objectifs pour ce sommet, dont le renforcement de la coopération autour des défis de sécurité comme le terrorisme mondial, le crime organisé et les cyberattaques.

Au-delà du Sahel, la sortie de crise au Levant et la participation à la stabilisation de la RCI et de la RCA qui sont également au coeur des grands enjeux de la DCSD tout comme la mise en œuvre du sommet de Trieste dans les Balkans. Ce sommet qui s’est tenu en 2017 a représenté pour le ministre italien des Affaires étrangères, Angelino Alfano « un objectif prioritaire de politique étrangère (…) parce que nous sommes convaincus que les Balkans occidentaux peuvent contribuer à rendre l’Europe plus sûre » et d’ajouter qu’il est aussi dans l’intérêt de l’UE de ne pas laisser le long d’une frontière « stratégique du point de vue économique et de la sécurité une région ouverte à l’influence d’acteurs qui ne partagent pas nécessairement nos objectifs ».

« Le risque de résurgence dans cette zone est en effet présent et la situation reste instable » souligne le Général Brousse qui « appelle à la vigilance. ». Les Balkans reviennent en effet sur le devant de la scène comme une zone de transit pour l’armement léger de petit calibre, une route migratoire pour la grande criminalité où l’islamisme radical tend à gagner du terrain…

« Les actions de la DCSD couvrent ainsi un large spectre qui débute de la formation jusqu’à l’appui capacitaire voire opérationnel en matière de sécurité et de défense. Nous assistons à un retour en sécurité intérieure qui s’inscrit dans le sens de l’histoire. La solution militaire seule n’est pas une réponse pérenne et doit donc être suivie par le déploiement d’un appareil d’Etat et de forces de sécurité. » explique le Général Brousse qui plaide en faveur« du renforcement du continuum sécurité-justice, avec une justice de proximité, décentralisée au profit de l’efficacité. Les populations doivent être au centre des enjeux et des nouvelles orientations vers plus de gouvernance, ou encore une réforme des systèmes de sécurité (RSS) plus pragmatique et plus opérationnelle, adaptée à l’évolution de la menace. »