Sécurité des Jeux Olympiques : Quelques décisions structurantes à prendre rapidement

La sécurité des futurs JO est un défi immense. Pour mener à bien la mission, une utilisation optimale des technologies modernes sera nécessaire. Cela nécessite que des décisions structurantes soient prises le plus tôt possible, en particulier dans les domaines des réseaux, de la vidéoprotection et de la gestion des identités.

Un évènement hors norme et un défi immense

La sécurité des futurs Jeux Olympiques de Paris 2024 ne s’annonce comme une mission complexe. La liste des choses à faire n’est pas mince : en amont, il faut identifier des menaces multiformes, et analyser les risques (terroriste, sanitaire, climatique, etc..). Lors de la préparation de l’évènement il faudra élaborer des plans de gestion des flux multiples (routiers, ferroviaires, fluviaux, aériens) et concevoir des dispositifs de sécurisation et de gestion de crise sur une grande diversité de sites plus ou moins dispersés géographiquement. Le jour J enfin, il faudra assurer les secours sur la voie publique et dans les installations sportives, assurer la sécurité particulière des VIP, etc. Des missions finalement assez classiques qui pourrait laisser penser qu’il suffira de faire comme d’habitude avec juste davantage de moyens. Une impression dangereusement trompeuse.

Les jeux olympiques ne sont pas l’Euro 2016 en plus grand. Il s’agit d’un évènement hors norme sur tous les plans avec le nombre de personnes impactées : 8 millions de résidents, 11 millions de places vendues, 3 millions de visiteurs ; mais aussi le nombre de VIP (90000 officiels et 17000 athlètes) sans oublier les 20000 journalistes. Un vrai défi. Enfin la durée de l’évènement est elle aussi sans comparaison. Même si les jeux proprement dits ne durent que 17 jours, avec les jeux paralympiques, la période de vigilance s’étendra entre 60 et 90 jours.

L’équation est encore compliquée par trois autres facteurs. La nécessité de ne pas gâcher la fête : le visiteur/spectateur ne doit pas se sentir angoissé, les media doivent repartir avec l’impression que tout s’est bien déroulé dans une ville parée de ses plus beaux atours. La sécurité doit donc être à la fois efficace et discrète.

L’autre impératif est de ne pas entraver, au-delà du raisonnable, la vie quotidienne des résidents et des visiteurs.

Enfin, le dernier problème est la convoitise suscitée par les Jeux auprès de personnes malveillantes : terroristes, activistes, hooligans, déséquilibrés, malfaiteurs habituels, sans oublier les hackers et autres pirates des réseaux…

Une mobilisation à la hauteur

Pour relever ce défi, les autorités ont prévu de se mobiliser largement et prévoient d’aligner 70 000 hommes. Cela semble beaucoup mais c’est inférieur au nombre des seuls VIP. On pourrait faire plus (et on le fera probablement si on en croit le précédent de Londres 2012). Toutefois, il ne faut pas se leurrer. La nécessité de cribler les personnels retenus, de les former, de les équiper et de les encadrer fait qu’il semble difficile de dépasser les 100 000 personnes.

On le voit, la solution habituelle de gestion par les effectifs ne permettra pas à elle seule de remplir correctement la mission. Il faut augmenter significativement l’efficacité des agents. Les autorités en sont conscientes et prévoient d’utiliser un maximum de technologie pour les taches redondantes et sans valeur ajoutée et ce, quelle que soit l’articulation des dispositifs mis en place.

Dans cet esprit, le Gicat a commencé à mener une réflexion, pour le compte et en liaison avec le comité de filière (CoFIS), sur la meilleure façon de permettre à la technologie d’assurer sa part de la mission. A l’issue de ces premiers mois de réflexion, nous avons identifié un certain nombre de points saillants, invariants quel que soit le dispositif de sécurité envisagé. Ces points, majeurs, ne représentent pas forcément un effort budgétaire démesuré mais nécessitent des décisions de principe dans les mois qui viennent.

Un réseau unifié : un besoin difficilement contournable

Le premier point saillant que nous avons identifié est le caractère quasiment indispensable d’un réseau moderne et unique. Ce réseau « voix données images » devrait regrouper l’ensemble des réseaux fixes des sites et l’ensemble des mobiles des personnels acteurs potentiels de la sécurité (police nationale, gendarmerie, sécurité civile, personnels d’intervention de santé, polices municipales, agents de sécurité dans les stades ou dans les transports, etc…). Il doit être accessible sur des terminaux grand public pour ne pas avoir à approvisionner des milliers de terminaux quitte à mettre en place une politique d’approbation de ces derniers (Version de l’OS, marques sur liste noire, etc..). Si le dispositif de sécurité fait appel à l’Internet des objets, ces derniers devraient être accessibles via ce même réseau.

Un tel réseau serait la colonne vertébrale de toutes les applications métiers. On pourrait y créer des sous-réseaux à la demande. Il serait doté de fonctionnalités d’annuaire et de recherche avancées pour éviter d’avoir à chercher la bonne personne en cas de problème. Il permettra, aux autorités, d’éviter les ruptures de chaine de commandement et, aux forces de sécurité privées locales et régaliennes, de coopérer plus facilement.

La mise en place d’un tel réseau, même limité aux zones olympiques, prendra un certain temps. Il faut donc une décision rapide, fin 2018, pour que tout soit prêt à temps.

La vidéoprotection avancée : Le quick win

Le second point saillant concerne la vidéo protection. Cette technologie permet d’assurer une surveillance efficace et permanente, mais son potentiel est actuellement bridé par la nécessité d’avoir un opérateur pour assurer la surveillance. Le caractère routinier et monotone de ce travail à faible valeur ajoutée a pour effet d’émousser rapidement (20 minutes environ) l’attention de l’observateur et comme ce dernier ne peut se concentrer que sur un écran à la fois, s’il surveille 20 écrans, il a 95% de chances de manquer quelque chose d’important

La solution la plus rationnelle serait d’utiliser des logiciels de video analytics pour assurer les taches de base et de réserver les opérateurs au lever de doute et à la décision d’alerte et d’intervention. Les technologies de video analytics ont fait d’énormes progrès depuis cinq ans et sont aujourd’hui capables de remplir des missions très pertinentes : détection d’une situation anormale (bagage abandonné, bagarre…), d’un comportement anormal (remontée de file, fuite…), suivi d’un individu de caméra en caméra, remontée du temps (provenance d’un individu, enquête…)

Utiliser de telles technologies ne présente aucun risque technique. En revanche, elles posent des problèmes légaux et éthiques car un certain nombre de fonctions nécessitent la reconnaissance faciale même si elles ne nécessitent pas forcément l’identification de l’individu. (La machine n’a pas forcément besoin de savoir l’identité de la personne qu’elle surveille). La levée de ces problèmes est un préalable à la définition d’un grand nombre de doctrines et de dispositifs. Elle doit dont intervenir le plus tôt possible.

Base de données d’identité : Le lever de doute ultime

Enfin le dernier point saillant est le grand intérêt de disposer d’une base de données regroupant les identités et les visages de tous ceux qui auront une raison de se trouver dans ou à proximité d’un site. Une telle base permettrait de lever rapidement le doute en cas de comportement anormal et de gagner de précieuses secondes si une intervention devait se révéler nécessaire.

Une telle base suscitera de légitimes inquiétudes concernant les libertés individuelles. Pour éviter les réactions de rejet, il faut prendre quatre précautions. La première est de mener rapidement le débat pour que les concepteurs des dispositifs de sécurité aient une base juridique solide et que les citoyens n’aient pas l’impression qu’on leur cache quelque chose. La seconde est de prévoir une procédure de consentement. Cette procédure pourrait être tacite pour les officiels et les forces régaliennes, explicite lors de l’enrôlement pour les volontaires et les agents privés et intégrée à l’achat du billet pour les spectateurs. La troisième est de gérer finement les droits d’accès et de prévoir la destruction de la base dans un certain délai après les Jeux. La quatrième est d’offrir des services en échange de l’enrôlement dans la base. On pourrait par exemple prévoir un service de réémission des billets en cas de perte ou de vol ou l’accès à des services premium supplémentaires.

Une décision rapide est nécessaire

On le voit ces points saillants ne sont pas complexes techniquement et n’entraineront pas d’études longues et coûteuses. Ils nécessitent en revanche un temps long pour être mis en place. Pour cette raison, il est indispensable de lancer rapidement les processus budgétaires et réglementaires nécessaires, sous peine de devoir traiter la situation dans l’urgence, l’incertitude budgétaire et le risque légal. Nous avons le temps pour mener un débat serein et être prêts à temps mais il faut commencer dès à présent.