Quand la smart city rencontre la safe city

Par Pascal Hoguet, directeur du Centre dExcellence Territoires Connectés – Capgemini

Dans notre pays, la sécurité du territoire et de ses habitants est confiée aux forces nationales de sécurité qui comptent près de 250 000 personnels (police nationale et gendarmerie). On voit cependant depuis quelques dizaines d’années émerger une troisième force de sécurité : les polices municipales qui représentent maintenant 21 500 personnels dans près de 4 000 communes. Si lon prend également en compte les sociétés privées de sécurité, il y a au total 430 000 personnes qui travaillent pour notre sécurité au quotidien sur notre territoire.

Face à ce changement de paysage, le rapport de la mission parlementaire rédigé par les députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue et publié en septembre dernier, fait un constat pragmatique et avisé : il est nécessaire de se donner les moyens de « coproduire » la sécurité, c’est-à-dire de permettre une meilleure coordination de lensemble des forces de sécurité à tous les niveaux, notamment dans les cas de gestion de crise.

Dans ce contexte, quel rôle peuvent jouer les plateformes des territoires, quels sont les atouts quelles apportent en matière de sécurité, et comment finalement la « smart city » peut-elle se donner les moyens de devenir une « safe city » ?

Quappelle-t-on une safe city ?

Comme pour la smart city, il nexiste pas de définition officielle de la safe city. Ou plutôt il en existe beaucoup… Pour ma part, la notion de safe city, appliquée à un territoire, traduit sa capacité à démontrer de lintelligence collective et tirer parti des technologies pour assurer la sécurité, la tranquillité et le bien-être de ses habitants.

Autrement dit, il sagit pour ce territoire de démontrer des aptitudes à :

  • Mener une politique dinclusion des citoyens dans les choix et les projets de territoire, y compris pour les questions sécuritaires, et de les doter de moyens de signalement pour renforcer la capacité de prise en compte d’un événement de toute nature.

  • Exploiter les données et identifier les cas dalertes au plus tôt, autrement dit collecter les données en temps réel et les traduire en informations exploitables.

  • Mobiliser et coordonner lensemble des moyens quand un événement ou une crise survient : gérer les interventions de manière centralisée et efficiente, faciliter les opérations, communiquer et partager les informations en temps réel.

  • Être en mesure danalyser une situation à des fins de prévention, de prédiction ou de simulation (en cas dexercice par exemple).

Sur le plan des technologies numériques, on sappuiera notamment sur les données géographiques et les outils de géolocalisation (pour localiser les moyens), les objets connectés (pour collecter la donnée), le big data (pour analyser) et lintelligence artificielle (pour interpréter, prédire, aider à la décision et agir).

Cependant cest essentiellement dun point de vue organisationnel quil faut penser la safe city. En cas de crise, il faut être par exemple être en mesure de visualiser la situation, coordonner les interventions, réguler le trafic et les flux de personnes, faciliter les accès, communiquer ou alerter la population. Les notions de transversalité et de collaboration sont donc essentielles, de même que la capacité à agir en temps réel.

Le poste de pilotage connecté, quel rôle dans la safe city ?

Dijon Métropole est la première métropole française à mettre en place un poste de pilotage connecté unique sur lensemble de son territoire, opérationnel 365/24/7. Ce projet est mené par le consortium Bouygues Energies et Services, Citelum, Suez et Capgemini.

Ce poste de pilotage connecté, couplé à la vidéo protection, permet à la police municipale et aux agents assermentés dassurer la supervision urbaine. Les agents travaillent directement avec les téléopérateurs pour assurer une meilleure gestion des événements. La gestion centralisée des interventions permet de coordonner lensemble des moyens dintervention en temps réel. Le poste de pilotage est connecté aux infrastructures urbaines : il est donc possible dagir directement sur les équipements (par exemple, modifier l’éclairage, modifier un plan de feu tricolore, abaisser une borne, envoyer de linformation sur les afficheurs, générer une télé-alerte, etc.). Les vues cartographiques permettent de visualiser les moyens géolocalisés sur le terrain. Le flux vidéo peut être envoyé sur différents écrans au sein du poste de pilotage, avec l’aval des agents autorisés.

Les citoyens ont la possibilité de signaler eux-mêmes un événement à l’aide dune application mobile.

Face à une alerte, une procédure de gestion est proposée automatiquement au téléopérateur qui va être guidé dans la gestion de l’événement. Toutes les actions sont enregistrées afin de permettre des analyses ultérieures et de rejouer l’événement.

En cas de gestion de crise, une salle prévue à cet effet permet à l’ensemble des parties prenantes de se réunir et de disposer de lensemble des informations pour gérer la crise en temps réel au travers du poste de pilotage.

Le poste de pilotage connecté de Dijon Métropole est donc un outil opérationnel puissant qui permet à Dijon de devenir une safe city.

Aller vers la coproduction de la sécurité globale

En cas de crise majeure, ce sont les forces nationales et la préfecture qui prennent le contrôle des opérations. Une question est ouverte : comment une organisation telle que celle de Dijon Métropole, avec ses moyens techniques et son poste de pilotage connecté, peut-elle renforcer les forces de sécurité nationales ? Quelles passerelles faut-il mettre en place ? Comment la sécurité nationale peut-elle exploiter les plateformes smart city dans ses propres systèmes d’information afin de renforcer sa capacité d’action ?

Pour en discuter, rencontrons nous le jeudi 18 octobre 2018 où j’interviens aux « Jeudi de la Sécurité », le rendez-vous incontournable des décideurs de la sécurité (18h00 à 22h00 – Espace Hamelin Paris 16ème).