Paris, le défi collectif du Smart and Safe

La ville de Paris est la seule ville de France dont le préfet détient le pouvoir de police générale alors qu’il dépend du Maire pour les autres villes du pays. Leg historique, l’autorité préfectorale tient notamment au fait que la capitale est le siège des institutions de la République, des représentations diplomatiques et le lieu de manifestations nationales dont la sécurité incombe à l’Etat.

Le préfet de police dirige donc les forces de sécurité et de secours à Paris et dans les trois départements de petite couronne et assure la cohérence des politiques de sécurité dans l’ensemble de la région Ile-de-France. Il doit ainsi garantir que les évolutions de la ville avec le déploiement des nouvelles technologies dans tous les domaines de la vie urbaine, notamment dans les transports, l’énergie, le traitement des déchets, l’habitat etc. ne négligent pas les défis sécuritaires avec lesquels Paris doit composer. « Le contexte demeure marqué par la menace terroriste djihadiste et un risque élevé de passage à l’acte. La menace est présente et nous devons l’intégrer. » souligne le préfet de Police de Paris, Michel Delpuech.

Paris et les trois départements qui l’entourent représentent ainsi 10 % de la population française mais environ 18 % des faits de délinquance commis sur le territoire national. La brigade des sapeurs pompiers de Paris y effectue plus de 1500 sorties par jour.

Les risques de troubles à l’ordre public à l’occasion de grands rassemblements et de manifestations y sont élevés compte tenu de la concentration des institutions, des sièges de grandes entreprises, des sites touristiques et culturels, des grandes infrastructures sportives, des grands salons commerciaux, etc.

Pour relever ces défis sécuritaires au coeur de la ville, le ministère de l’Intérieur a souhaité, entre autres mesures, la mise en place de la police de sécurité du quotidien. La police de sécurité du quotidien sera déployée par étapes, dans 60 quartiers considérés comme prioritaires dans toute la France. 1 quartier de la capitale va bénéficier de cette nouvelle mesure (4 à l’échelle de l’agglomération en 2018 et 2019) « La Police de sécurité du quotidien bénéficiera à l’ensemble des territoires et son action sera particulièrement renforcée dans les quartiers de reconquête républicaine. C’est une approche profondément renouvelée de l’action de police. Une police respectée, connectée, sur mesure. Une police plus partenariale. » explique le préfet de police et d’ajouter « Il y a une volonté profonde d’améliorer le lien de confiance entre la police et la population, d’améliorer le partenariat avec les acteurs locaux et les élus. Il y a une volonté de mieux faire participer les citoyens eux-mêmes. »

Police connectée et moderne

Tablettes, smartphones et caméras piétons, tout cela fait désormais partie de la vie du policier parisien, le policier connecté. « Nos policiers sont jeunes et évoluent quotidiennement avec ces outils numériques. Il est donc essentiel qu’ils puissent en disposer pour mener à bien leur mission de sécurité. Très demandeurs, ils en trouvent des bénéfices immédiats. Plus rapides, les contrôles sont simplifiés et fluidifiés. Les rapports avec la population sont ainsi pacifiés, apaisés. » souligne Michel Delpuech.

La police de sécurité du quotidien devrait donc avoir moins de contraintes administratives pour être plus présente sur le terrain. « C’est une attente forte de nos forces de l’ordre et de l’ensemble des services » ajoute Michel Delpuech.

L’agglomération parisienne dispose d’un réseau de vidéo-protection régional de près de 30000 caméras, une plate-forme unique de gestion des appels d’urgence, un outil cartographique qui permet de visualiser tous les moyens géolocalisés, les risques industriels et naturels, etc. La brigade des sapeurs-pompiers de Paris est équipé de nouveaux robots qui apportent une sécurité supplémentaire aux primo-intervenants. Enfin, la Préfecture de Police de Paris s’investit dans les réseaux sociaux. « En matière de gestion de crise, les réseaux sociaux sont importants. Au-delà des attentats de novembre 2015, nous l’avons constaté plus récemment lors de l’épisode neigeux du début d’année » ajoute le Préfet.

De nouveaux outils qui nécessitent aussi une approche renforcée de la sécurité numérique. « Nous y sommes très vigilants. Ces nouveaux risques appellent à maîtriser la sécurisation de nos systèmes d’information, des terminaux, des réseaux et des données.»

Des innovations qui pourraient aller plus loin encore, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays avec l’avènement de la vidéo intelligente, des drones, ou encore des applications ou solutions renforçant les liens Police-Justice. « Cela implique des échanges et des concertations avec tous les acteurs, du monde privé, de l’institution et des législateurs. Mais bien entendu nous regardons ce qui se passe hors de France. C’était notamment l’objet d’une rencontre internationale qui s’est déroulée en juin dernier pendant le salon Eurosatory. » détaille le préfet Delpuech et d’ajouter « J’aimerais ajouter que cet effort de modernisation technologique doit se faire parallèlement à l’entretien et au développement de nos compétences humaines. La safe city ne sera pas une ville où policiers et pompiers auront les yeux rivés sur leurs écrans de téléphones portables et où les policiers seront remplacés par des robots. Elle sera une ville où ils pourront mettre à profit ces technologies pour simplifier leur mission quotidienne et consacrer plus de temps à l’écoute du public et au dialogue avec la population qu’ils protègent. »

Safe City Solution à Shenzhen

La « Safe City Solution » de Shenzhen est un mélange d’intelligence artificielle et de reconnaissance faciale qui permet lors de l’enlèvement d’un enfant, grâce à la reconnaissance faciale, de localiser l’enfant en quelques heures et de retrouver, ensuite, le kidnappeur. Le taux de résolution des affaires aurait augmenté de 50% et les incidents baissé de 18% après la mise en place de cette solution dans la ville (source Huawei). La technologie pourrait également participer à la réduction des bouchons grâce à des caméras présentes au niveau des feux de circulation dont la durée pourrait s’adapter en temps réel selon la circulation.

Partenariat et confiance

La démarche partenariale souhaitée s’inscrit pleinement dans le cadre des recommandations du rapport Fauvergue-Thourot. Un dialogue est essentiel entre tous les acteurs de la ville et de la sécurité : collectivités, élus, police municipale, acteurs de la sécurité privée, SNCF, RATP, centres commerciaux… mais aussi avec le citoyen qui doit être replacé au centre de la stratégie.

Une police municipale à Paris ?

Paris ne dispose pas de police municipale. Cette éventualité a été rejetée par le Conseil de Paris en juillet dernier. Pour autant, selon Anne Hidalgo, Maire de Paris « Il faut que nous soyons plus clairs dans nos relations avec l’État. Faut-il aller vers une police parisienne ? Je n’y suis pas opposée, comme je ne suis pas du tout opposée à l’armement d’une police parisienne ». La Mairie de Paris va réaliser un « audit de sécurité » qui devra poser la question des effectifs de la police nationale dans la capitale, la répartition de ses compétences avec les agents parisiens ou encore l’armement de ces derniers. En partant du terrain, cette question de la sécurité à Paris associera jusqu’à la fin de l’année la préfecture de Police, le parquet, les sapeurs-pompiers, les organismes de transports, et les Parisiens eux-mêmes. Un compte-rendu en conseil de Paris est attendu en début d’année prochaine.

« La vigilance de chacun des acteurs sur le terrain est essentiel, y compris des citoyens eux-mêmes. Cette vigilance doit apporter confiance et sérénité. » souligne le préfet de Police. Pas de politique de délation, mais des actions citoyennes au service d’une ville plus sure « Rappelez-vous cet artisan qui, à Villejuif, a alerté la police pour signaler des produits suspects entrant dans la composition du TATP, un explosif artisanal instable souvent utilisé par Daech. Il a très certainement évité un drame. »

Cette proximité entre la police et les citoyens est tout l’enjeu de la police de sécurité du quotidien voulue par le gouvernement dont l’un des dispositifs est notamment la réserve citoyenne, entrée en fonction au 1er janvier dernier.

« Il est important d’être à l’écoute de ce qui se passe pour apporter les réponses adaptées. Pour cela, nous devons multiplier les capteurs. » Le capteur c’est ce citoyen, identifié dans un quartier, connu et reconnu par la population, qui sera chargé de faire le tour des riverains et commerçants régulièrement et de faire remonter au commissariat ce qui fonctionne et les difficultés rencontrées. Recrutés par la préfecture de Police de Paris en lien avec les élus ces réservistes ont le statut de collaborateur bénévole du service public et agissent pour renforcer la tranquillité publique, pour permettre une réponse rapide aux faits de délinquance ou d’incivilité du quotidien. « Nous ne cherchons pas des délateurs, mais des gens de sagesse et d’expérience. C’est pourquoi ils doivent être choisis dans le tissu local et avoir toute la confiance du commissaire et des élus locaux. » détaille Michel Delpuech.

Une approche systémique entre technologie et humain est aujourd’hui essentielle. « L’alchimie et la fluidité entre technologies et humain est au coeur des enjeux. Les technologies concourent à rendre la ville plus smart et plus safe, accompagnent et facilitent le travail des policiers. Mais la ville de demain est bien une ville où les humains sont au coeur de la stratégie ! » précise le préfet de Police qui invite à se poser 3 questions sur les innovations permises par l’intelligence artificielle : « pour quelle finalité ? entre les mains de qui ? avec quelle garantie et sous quel contrôle ? Si vous avez une réponse satisfaisante à ces trois questions, alors les doutes sont dissipés et le projet collectif sera un succès ! »

L’enjeu économique du Smart & Safe Paris

Pour la première fois, la destination Paris, avec les trois départements de sa petite couronne, a dépassé le 23 millions d’arrivées hôtelières en 2017. « Les Américains reviennent, le marché asiatique fait un rebond spectaculaire et les Russes affichent la plus forte croissance » détaille l’Observatoire de l’Office de tourisme.

Le dispositif « plan tourisme » déployé par la Préfecture de police de Paris contribue, en partie, à ce regain d’attractivité pour notre capitale. « Nous faisons tout pour que les touristes soient et se sentent en sécurité dans une ville sûre et apaisée sans que Paris ne soit transformée en bunker » souligne Michel Delpuech.

5 000 fonctionnaires de police sont mobilisés chaque jour dans le cadre du plan tourisme 2018. Un dispositif reconduit chaque année entre juin et fin septembre. « Sur chacun des sept périmètres touristiques phares de la capitale, il y a au minimum quinze patrouilles par jour supervisées par un centre exploitant l’ensemble des caméras qui sont sur les sites ».

En 2017, sur la période du plan touristique, 1887 vendeurs à la sauvette ont été interpellés (+151%) et 3341,6 kg de marchandises saisies (+956,8%), les vols avec violences ont baissé de 30% et les vols à la tire de 7%, selon les chiffres de la préfecture de police.

Sur le seul mois de juin 2018, il est fait état de 24 interpellations pour escroqueries (bonneteau, fausse charité publique), 333 interpellations pour vente à la sauvette (dont 175 à la tour Eiffel) et 748 kg de marchandises saisies.

Pour améliorer l’accueil des touristes étrangers victimes d’infractions, des policiers bilingues et des étudiants interprètes de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) sont mobilisés. Quant aux plaintes, elles peuvent être déposées grâce aux imprimés SAVE (système d’aide aux victimes étrangères) disponibles en 30 langues mais aussi directement sur la voie publique puisque le logiciel Help, disponible sur les tablettes Neo dont sont équipés les policiers, est accessible en 8 langues.

Un dispositif qui répond aux attentes des acteurs comme l’a souligné Karim Mouttalib, administrateur général du musée du Louvre lors d’un colloque sur la sécurité du tourisme à Paris qui s’est félicité que « Le fléau des pickpockets (soit) derrière nous ».

Au-delà des lieux très fréquentés, la préfecture de police de Paris lutte aussi contre les réseaux délinquants qui ciblent les voyageurs dès leur arrivée à l’aéroport « Nous avons démantelé, sur l’axe Roissy-Paris, des groupes qui, comme au temps des attaques de diligences, détroussaient les touristes à bord de leur voiture stoppée dans les embouteillages dans le tunnel du Landy (Seine-Saint-Denis) » souligne le préfet Delpuech. Un résultat obtenu grâce à la démultiplication des caméras, notamment des caméras thermiques à l’intérieur du tunnel pour dépister une présence humaine et l’installation de portes ventouses aux entrées du tunnel pour empêcher les piétons de pénétrer.

Autant d’indicateurs et de résultats positifs accrédités par les témoignages récents recueillis par nos confrères du Parisien à l’image de Guy (Afrique du Sud) qui voit Paris comme « une ville sûre » où l’on peut « se balader la nuit dans les rues de Montmartre où tout est tranquille » ajoutant que « Paris est plus sûre que Johannesburg. Ici, nous voyons des policiers partout. »

Même témoignage d’un médecin londonien, ou de Ricardo, touriste italien qui dit « comprendre qu’il y ait beaucoup de contrôles policiers à la tour Eiffel » et assure ne pas craindre particulièrement le terrorisme « les calculs de probabilité nous enseignent que le risque d’un accident de voiture sur la route du retour est plus élevé que celui d’un attentat ». Enfin, Nouria, venue d’Espagne déclare « Paris est une ville sûre, belle et très propre » et de conclure, non sans ironie, que le coût de la vie à Paris semble être bien plus un problème que la sécurité « Ici, nous avons surtout peur de l’addition dans les cafés ! 15 € pour un spritz, même à Saint-Germain-des-Prés, c’est abusif, vous ne trouvez pas ? »