Voiture autonome et coopérative, l’enjeu de la technologie ITS G5

Au service dune mobilité plus harmonieuse pour le citoyen et lenvironnement, le numérique transforme en profondeur la ville de demain : transports multimodaux, carrefours intelligents, parkings dynamiques, voitures connectées et autonomes, etc.

Véhicule connecté et STI coopératif

Le véhicule connecté préfigure la voiture autonome avec le Système de transport intelligent (STI) qui utilise les nouvelles technologies de linformation et de la communication appliquées au domaine des transports. Avec la dimension collaborative, on intègre au système l’échange dinformations entre les véhicules et linfrastructure et d’un véhicule à l’autre. Une communication aussi appelée V2X. Le mode coopératif permet notamment aux capteurs embarqués dans le véhicule de recueillir des informations et de les transmettre aux véhicules en amont automatiquement. « Par système coopératif nous entendons une interaction entre des acteurs (exploitants, infrastructures, véhicules, leurs conducteurs et autres usagers de la route) dans le but doffrir le plus sûr, le plus fiable et le plus confortable des déplacements. » explique Thierry Ernst, CEO de YoGoKo, une start-up française impliquée, avec sa plateforme de communication multi-protocoles pour les véhicules connectés, dans le projet SCOOP@F qui permet le déploiement de ces pilotes de STI collaboratifs,

Encore très récent, cet aspect coopératif représente des enjeux clés. Cette technologie va améliorer la sécurité en permettant aux véhicules de parlerentre eux et à l’infrastructure de telle sorte que de nombreux accidents pourront être évités en échangeant des données de base sur la sécurité. De plus, grâce aux informations communiquées vers le centre de gestion de trafic du gestionnaire d’infrastructure sur les chantiers (interventions suite à un accident, viabilité hivernale, etc) et directement transmises au conducteur dans son véhicule, le STI coopératif (STI-C) devrait permettre une réduction du nombre daccidents parmi les agents dexploitation.

Rendre la gestion de trafic plus efficace et contribuer aux réductions d’émissions est un autre objectif du pilote SCOOP@F. Grâce à la collecte des données, les STI coopératifs permettent une meilleure gestion et une meilleure efficacité de linformation routière en temps réel. Ceci contribuera par ricochet à la réduction des émissions du système de transport. De plus, avec la possibilité de croiser des informations relatives aux parcs relais (emplacement, disponibilité de places de stationnement…) et aux systèmes de transport (comme les emplacements des gares ferroviaires, des arrêts de bus ou des pôles multimodaux), ils permettront la création de nouveaux services multimodaux pour une mobilité durable comme le covoiturage dynamique.

Le déploiement interopérable et intégré de STI coopératifs participe également d’une logique doptimisation des coûts relatifs à la sécurité routière et à la gestion des infrastructures existantes, tout en offrant de nouveaux services dont les modèles économiques doivent néanmoins encore être testés. Enfin, lindustrie liée au développement des STI coopératifs représente un potentiel significatif de création demplois en Europe et pourrait donc améliorer la croissance économique de son propre secteur.

YoGoKO. Y-Smart est une plateforme logicielle unifiée qui combine toutes les technologies nécessaires à la fourniture dune connectivité cloud étendue et à l’échange de données entre véhicules et avec linfrastructure routière (V2X). « Elle évite le développement de solutions en silos non-interopérables et facilite le déploiement de services innovants. Notre pile logicielle hautement sécurisée gère les communications, les données et les services. » souligne Thierry Ernst. La connectivité étendue est fournie en utilisant des technologies daccès hétérogènes (ITS-G5, DSRC, WiFi, cellulaire 3G/4G/5G, satellite, LoRa).

ITS G5 et C-V2X : une coopération pacifiste

Les STI coopératifs déployés dans le projet SCOOP@F ont pour objectif de permettre des communications dun véhicule à l’autre et entre les véhicules et linfrastructure routière par la fréquence wifi ITS G5 (5,9GHz).

L’ITS G5 est aujourd’hui une technologie mature, bien qu’insuffisamment utilisée. « Aujourd’hui, il est nécessaire de casser les silos et de travailler dans une approche multi-services, multi-usages et multi-technos pour contribuer au passage à l’échelle de ce projet et à l’appropriation par les utilisateurs. » souligne Thierry Ernst.

Normalisée depuis des années, cette technologie a fait lobjet de plusieurs « field operational tests ». Elle peut également être hybridée avec les réseaux cellulaires existants (3G/4G) pour des services non critiques en termes de latence. « Elle a donc passé avec succès les tests d’interopérabilité qui sont essentiels aujourd’hui. En effet, 80% des véhicules produits en 2020 seront connectés. Cela suppose de mettre en place des standards partagés et une véritable interopérabilité, structurée autour du standard de communication 5G, désigné comme l’électrochoc télécom de la nouvelle mobilité » souligne Thierry Ernst et de poursuivre « Pour le C-V2X, nous en sommes aux prémices. D’ici à 5 ans, cela aura évolué mais pour l’heure le développement de l’ITS G5 est au coeur des enjeux. ».

En effet, des débats sont actuellement en cours autour de deux technologies : le Wifi véhiculaire courte-portée émettant des ondes sur plusieurs centaines de mètres par l’intermédiaire d’un réseau dédié celui appelé C-ITS G5 et la future technologie C-V2X (Cellular Vehicle-to-Everything) propulsée par la 5G portée elle, par les opérateurs de télécommunications.

La technologie C-V2X (Cellular Vehicle-to-Everything) est une des technologies de communication sans fil appliquée au secteur des transports. Celle-ci couvre quatre types de communication (entre véhicules, avec l’infrastructure routière, avec les usagers de la route, avec le réseau/cloud) et est destinée à être exploitée dans le cadre du système de transport intelligent (STI) et des communications via les réseaux de télécommunications, dont la 5G demain.

La réglementation est, aujourdhui, technologiquement neutre, mais pourrait évoluer à l’avenir compte tenu des besoins dinteropérabilité et de la nécessité de faire coexister ces deux technologies. « La technologie C-V2X promet d’améliorer considérablement la sécurité routière et de faciliter les flux de circulation au sein de l’UE. Les retours socio-économiques du déploiement de systèmes STI-C pourraient représenter 43 milliards d’euros d’ici 2035 en Europe, si les technologies C-V2X et Wi-Fi Standard IEEE 802.11p sont capables de coexister dans la bande de fréquences 5,9 GHz. » selon la dernière étude d’Analysys Mason et SBD Automotive. Luke Ibbetson, directeur de la R&D chez Vodafone Group et membre de la 5GAA (1) souligne « Les technologies C-V2X et ITS-G5 doivent coexister de manière pacifique dans la bande 5,9 GHz. Les études socio-économiques et de sécurité routière indiquent que cette coexistence offre les bénéfices nets les plus élevés pour l’économie européenne » et Joachim Göthel, responsable principal du projet 5G-Alliance de BMW, lui aussi membre de la 5GAA de poursuivre « La technologie C-V2X offre une solide voie d’évolution vers la 5G, laquelle est absolument essentielle pour permettre une conduite entièrement connectée et automatisée à l’avenir, tout en assurant un déploiement rapide pour de nombreuses fonctionnalités sur le très court terme, grâce à l’utilisation des réseaux cellulaires existants. »

Or, pour tendre vers une démocratisation des usages, infrastructures et véhicules de tous constructeurs devront parler le même langage ! Même si les deux technologies peuvent tout à fait cohabiter et être complémentaires, la nécessaire optimisation des coûts pourraient, à terme, mener à n’en garder qu’une seule…

« Le défi est de créer un cadre cohérent permettant l’innovation du secteur privé tout en assurant un déploiement sûr et économiquement viable des nouvelles technologies. »

Déploiements V2X dans le monde

« Le déploiement des solutions de communication V2X entre véhicules et infrastructure prend de l’ampleur avec des initiatives comme celles de Toyota ou Volkswagen » souligne Thierry Ernst.

En effet, en avril dernier, Jim Lentz, PDG des Moteurs Toyota en Amérique du Nord a annoncé que la firme équiperait, dès 2021, tous ses véhicules de la marque Lexus, des systèmes DSRC (pour dedicated short-range communications – à ne pas confondre avec la bande ou la puce DSRC connues pour le télépéage en France). Au Japon, des centaines de milliers de véhicules Toyota et Lexus sont déjà équipés de cette technologie.

Conférence mondiale des radiocommunications 2019

La multiplication des technologies et des usages dans la bande des 5,9 GHz rend incertaine la perspective dune utilisation de la bande par le WiFi à plus large bande, examinée dans le cadre de la préparation de la CMR-19, la Conférence mondiale des radiocommunications qui se tiendra en novembre prochain. « Ce sera loccasion de promouvoir les décisions européennes sur les bandes de fréquences 5,9 GHz et 63 GHz. En outre, à l’initiative du Japon, la CMR-19 travaillera sur les questions de transmission d’énergie sans fil, par exemple pour les véhicules électriques. » souligne lAgence nationale des fréquences (ANFR).

Des enjeux économiques et politiques majeurs

L’essor de la voiture autonome va nécessiter le déploiement d’infrastructures de communication considérables. En découle des enjeux économiques et politiques majeurs.

Entre collectivités locales, exploitants autoroutiers (Cofiroute, APRR, Vinci, etc.), constructeurs automobiles, équipementiers, opérateurs d’infrastructures (SNCF, TDF, etc.) et de télécommunication… des synergies vont devoir être trouvées. La question de la répartition de la valeur entre ces différents acteurs reste à traiter.

Car, si les transformations du véhicule de demain sont déjà en cours chez les constructeurs, plusieurs problématiques restent en suspens, aussi bien au niveau du choix de la technologie, que de sa sécurisation et de son déploiement, en passant par l’exploitation des infrastructures et des données qui en découleront.

L’innovation ne connaissant pas de limite, après la voiture connectée déjà sur les routes et les voitures autonomes que l’on pourrait vraisemblablement voire apparaitre sur les routes européennes d’ici à 2025, le futur s’inscrit dans la voiture indépendante ou « voiture robot » qui pourrait apparaître sur les routes à l’horizon 2030.

Alors que la voiture autonome pose de nombreuses questions en matière de droit et par voie de conséquence, d’assurance, la voiture indépendante équipée d’un système dintelligence artificielle capable de dupliquer ou dimiter le comportement dun humain, qui se conduira sans aucun contrôle ou intervention dun humain, conduit déjà à l’émergence de nouvelles questions et d’une nouvelle spécialité : le droit des voitures intelligentes…

1. 5GAA – 5G Automotive Association