La data, au coeur des enjeux de l’énergie connectée

Au quotidien, les objets connectés dédié au monde de l’énergie entendent faciliter la gestion de notre consommation d’énergie, notamment d’électricité. A la maison, les foyers peuvent ainsi espérer une diminution significative de leur facture énergétique. Pour les entreprises, il est aussi question de piloter leur consommation d’énergie en temps réel, facteur essentiel de leur compétitivité.

Un monde complexe fait de compétition entre fournisseurs, d’exigence du consommateur, de politique d’efficience énergétique et de développement du smart Grid. Où comment 4 éléments clés placent la donnée au coeur de la stratégie.

Les smart grid, ces réseaux électriques intelligents constituent des réseaux de distribution d’électricité qui favorisent la circulation d’information entre les fournisseurs et les consommateurs afin d’ajuster le flux d’électricité en temps réel et permettre une gestion plus efficace du réseau électrique. Ils utilisent des technologies informatiques pour optimiser la production, la distribution, la consommation, et éventuellement le stockage de l’énergie afin de mieux coordonner l’ensemble des mailles du réseau électrique, du producteur au consommateur final. Il améliore l’efficacité énergétique de l’ensemble.

Le réseau électrique « intelligent » est aussi présenté comme un moyen concourant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la lutte contre le réchauffement climatique. C’est ainsi, l’une des composantes clés de la smart city. « Nous sommes dès lors embarqués dans un système de production répartie. D’un monde analogique, nous sommes propulsés dans un monde digital. Et pour piloter cette nouvelle complexité, la donnée est tout simplement indispensable. » explique Bernard Lassus, directeur au sein d’Enedis.

Les fournisseurs d’énergie en France sont nombreux et la compétition est importante. « Pour offrir les meilleurs services et surtout les plus adaptés, vous avez là encore besoin de données. » ajoute Bernard Lassus. Le consommateur exige pour sa part, du confort et de l’immédiateté dans le service « il souhaite être dépanné à distance, régler une facture qui corresponde à sa consommation réelle. Il souhaite réduire sa consommation d’énergie pour faire des économies mais aussi par soucis écologique. Les Français comprennent que leur consommation d’énergie joue un rôle sur l’avenir de notre planète et donc sur les générations futures. A nouveau, nous avons besoin de données pour les accompagner sur tous ces sujets. » détaille Bernard Lassus.

Les collectivités locales, les métropoles doivent quant à elles, revoir et prévoir leur politique d’efficience énergétique : éclairage public, quartier smart (comme le Quartier de la Confluence à Lyon …), etc. « Les politiques futures doivent intégrer la mobilité électrique avec près de 7 millions de bornes de recharges prévues sur Paris d’ici à 2030 » souligne notre expert.

Pour répondre à ces enjeux, générer, collecter et analyser la donnée, les compteurs intelligents ont alors donc été déployé en France. « A terme, près de 3 milliards de données par jour seront générées de manière sécurisée par dans le programme Linky dans un strict respect des règles concernant la protection des données des consommateurs. »

Les compteurs intelligents

Les compteurs intelligents qu’ils soient de gaz, d’eau ou d’électricité, sont autant d’objets connectés qui œuvrent au suivi en temps réel de la dépense en énergie des Français. De quoi proposer de nouveaux services en lien avec de nouveaux usages (recharger sa voiture électrique, gérer sa production individuelle d’électricité issus de panneaux solaires sur le toit par exemple ou tout simplement maîtriser sa consommation au plus juste). Après analyse, les quantités de données récoltées vont pouvoir orienter les habitudes au sein du foyer ou de l’entreprise. La France compte aujourd’hui plus de 13 millions de compteurs déployés et plus de 500000 chez les industriels. « Le déploiement est important. Nous installons actuellement près de 30000 compteurs par jour » souligne Bernard Lassus. Bien qu’Enedis est aujourd’hui trouvé sa vitesse de croisière qui lui permettra vraisemblablement de passer la barre des 16 millions de compteurs installés d’ici à la fin de l’année et 34 millions d’ici à 2020, l’avancée énergétique n’a pas toujours été un fleuve tranquille au point de se transformer, pendant un temps, en véritable croisade. « Nous avons été confronté à des craintes sanitaires, des oppositions fortes, de la part d’activistes. La population, inquiète par tout ce buzz, a besoin de comprendre, besoin de réponses. Nous avons donc pris le temps nécessaire pour rassurer et retrouver cette confiance par une communication de proximité construite à partir de notre maillage territorial historique. »

Dans la région de Lorient, les foyers équipés ont gagné entre 5 et 7 % de leur facture d’électricité.

Tournés vers l’avenir, les compteurs Linky sont bidirectionnels et donc capable d’adresser les énergies renouvelables. Ils sont aussi évolutifs. « Il est possible de mettre à jour les firmwares et donc de suivre les évolutions nécessaires en matière de cybersécurité et de protection des données. »

Les enjeux cyber

« Dans la chaîne des acteurs de l’énergie – les centrales nucléaires venant spontanément à l’esprit en premier –, il faut sécuriser tous les maillons, et les compteurs, quoiqu’en bout de chaîne, en font partie », expliquait Guillaume Poupard, le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), lors d’une audition par les députés de la commission de la Défense, dans le cadre de l’examen du projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025.

Face à un piratage qui pourrait éteindre tous les compteurs Linky d’une ville et créer un excédent d’énergie voire une rupture du réseau « il est bien entendu nécessaire de protéger ces compteurs. » ajoutait-il.

En cela, les équipes du programme Linky sont accompagnées par l’ANSSI. « Ils nous apportent des conseils et mettent à disposition leur mécanisme de certification de produits, ainsi que leur vielle sur les menaces potentielles. » ajoute Bernard Lassus. Tous les compteurs communicants installés ont par ailleurs été évalués par des centres d’évaluation de la sécurité des technologies de l’information (CESTI) agrées par l’ANSSI. « Chaque compteur est donc assorti d’un certificat que j’ai signé au nom du Premier ministre et qui atteste que son niveau de sécurité est satisfaisant en fonction de la cible de sécurité envisagée. », a alors détaillé Guillaume Poupard lors de son audition parlementaire.

Cette sécurité doit ensuite être, elle aussi, évolutive pour rester efficace face à des risques et des menaces en perpétuelle migration. Pour faire face aux enjeux, les mesures prises sont conséquentes « Les datas concentrateurs intègrent des secure elements qui verrouillent automatiquement les communications si une anomalie est détectée. Le niveau de sécurité pour protéger tous nos systèmes d’information contre le hacking est aussi exigeant que dans le nucléaire. Nous réalisons des analyses de risques dynamiques et en continu, notre SOC permet de détecter des comportements anormaux, nous auscultons le web sous toutes ses formes… » argumente Bernard Lassus et d’ajouter « Nous testons un pilote qui utilise la blockchain pour sécuriser les transactions dans le cadre de l’autoconsommation collective »

Une convoitise internationale

Dans le monde, on compte aujourd’hui près de 700 millions de compteurs intelligents. A l’aube 2020-2021, ils seront 1,5 milliard. En Europe, l’Italie, la Suède et la Finlande ont déjà équipé la totalité des foyers de compteurs intelligents. En Chine, plusieurs centaines de millions de compteurs vont être déployés prochainement.

« Lorsque vous savez que le prix unitaire d’un compteur est de l’ordre de 80-100 €, l’enjeu économique et business est gigantesque. » souligne notre expert. Et la France entend bien faire partie des leaders dans cette compétition. « Notre technologie est mature, éprouvée et disponible à plusieurs dizaines de millions d’exemplaires. Nous sommes donc à l’échelle avec des coûts très compétitifs » explique Bernard Lassus, confiant.

La France est en effet regardée de près, par de nombreux pays en Afrique ou en Asie. « Le sujet du micro grid dans le smart grid est un sujet qui concerne tous les pays, et pas uniquement les pays développés. Le Kenya, la Tunisie, le Sénégal, le Nigéria s’intéressent à ces sujets. Derrière l’accès à l’énergie, avec une démarche responsable, c’est un accès à l’eau, à l’éducation que vous ouvrez. Vous contribuez ainsi au développement de ces nations. »

Derrière ce projet industriel pharaonique, très critiqué un temps, mais désormais objet de toutes les convoitises internationales, se prépare l’avenir des générations futures avec en toile de fond, une dimension politique, économique et sociétale.