La sécurité : première des libertés

La sécurité : première des libertés

 

Grand rendez-vous de débat et de dialogue de ce début d’année, qui réunit les meilleurs spécialistes de la question, les 7e rencontres parlementaires de la sécurité se sont attaquées à une question d’envergure : les réponses aux défis de la sécurité. Défis nombreux et réponses multiples, il en est pourtant une qui a fait consensus : la coopération.

Les enjeux relatifs à la sécurité demeurent toujours au cœur des préoccupations des Français qui l’expriment très clairement à l’approche des municipales. Sentiment d’insécurité ravivé par l’augmentation des cambriolages, des violences faites aux personnes, ou encore de l’usurpation d’identité, il l’est aussi par le tapage médiatique orchestré autour de la délinquance. En augmentation certes, mais il y a aussi matière à relativiser ces chiffres. Statistiques que l’on manipule au gré de ses envies, de ses objectifs… 

« Nous sommes confrontés à de nouveaux défis qui s’inscrivent dans un monde de plus en plus ouvert, où les frontières ont été abolies », explique Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, présidant les rencontres parlementaires. Les tendances de la délinquance s’orientent en effet vers l’émergence d’un néo-banditisme issu des cités sensibles valorisant le trafic de stupéfiants et la violence grâce à la possession d’armes en provenance notamment de l’Est. « 460 kalachnikovs ont ainsi été saisies dans les différentes cités du territoire national en 2013 », souligne David Skuli, directeur de cabinet du directeur général de la Police nationale (DGPN). Un marché des stupéfiants qui s’organise, se structure et se professionnalise en s’appropriant notamment des territoires. Un défi auquel la mise en place des zones de sécurité prioritaires (ZSP) est un élément de réponse qui porte déjà quelques résultats satisfaisants : « Ces ZSP répondent à trois types d’objectifs : une approche globale, territorialisée ou encore le rapport police/population », poursuit-il.

 

Autre tendance, les nouvelles formes de contestation sociale qui sont maîtrisées grâce « à la sécabilité et à la réversibilité » de la Police nationale mais qui posent là la question des nouveaux moyens et équipements « permettant une gestion démocratique des foules » ; ou encore celle de l’activisme des organisations criminelles transnationales étrangères qui ne peut être combattu que « grâce à la coopération internationale », ajoute David Skuli, car la problématique de la sécurité n’est plus hexagonale, mais européenne et mondiale. Une mondialisation des échanges et de la dématérialisation qui souligne l’un des plus grands défis à venir, celui de la cybersécurité. Thème consacré de la seconde session de ces 7e rencontres parlementaires. Pour lutter contre cette menace, qui permet de démultiplier les vieilles infractions, d’ouvrir le champ aux faux ordres de virement, au blanchiment d’argent, à l’attaque de systèmes d’informations… « la Police nationale a mis en place des moyens d’identification des failles par la détection, de sensibilisation des entreprises aux dangers du Web et d’encouragement à protéger leurs données, et enfin de développement de la coopération internationale grâce à l’organisme spécial d’Europol, l’E3C (European Cybercrime Centre). »

Une réponse judiciaire et pénale

Réponses toujours à la délinquance, les progrès de la police technique et scientifique ou encore le recours à la vidéoprotection, « les taux d’élucidation des affaires criminelles ont d’ailleurs augmenté. Ces avancées pourraient permettre d’élucider tous les faits de délinquance et de criminalité, si les moyens étaient suffisants », soulignait Éric Ciotti. Pour cela, l’organisation en matière d’investigation pour lutter contre la délinquance et la criminalité doit évoluer. En effet, les faits les plus graves en matière de délinquance, les crimes, connaissent une réponse adaptée dans l’Hexagone : « Ainsi, les homicides, de moins en moins nombreux, sont de mieux en mieux élucidés grâce au travail des services spécialisés et performants de la police judiciaire et de la Gendarmerie nationale. » En revanche, le bât blesse du côté de la délinquance “du quotidien”, ces petits délits qui enregistrent une récidive importante : « Pour 1 000 cambriolages orchestrés par jour, à peine plus de 10 % sont élucidés. Pour ceux qui sont élucidés, la réponse pénale est pour le moins imparfaite. »

Alors à la question posée, comment apporter une meilleure réponse face à ces nouveaux défis ? Le député des Alpes-Maritimes explique : « Je crois que nous devons revoir l’organisation de nos services d’investigation au niveau local, afin de mieux traiter et appréhender cette délinquance de masse, du quotidien. Enfin, la réponse réside en grande partie dans le volet pénal. Sans réponse pénale adaptée, nous ne résoudrons rien en matière de sécurité. »
Cette matinée a également consacré un volet juridique soulignant la souffrance du système pénal, judiciaire et carcéral face à l’empilement des textes législatifs, au manque d’effectifs et de moyens matériels majeurs qui nuisent à l’application de la justice. La libération de l’auteur présumé d’un meurtre en région parisienne faute d’encre dans un fax souligne la gravité des conséquences d’un problème de fonctionnement courant, en matière de sécurité notamment, mais pas exclusivement.

La coopération à l’unanimité

Des réponses à la délinquance, sur le terrain, avec le déploiement des policiers dans les zones difficiles, l’augmentation des effectifs des forces de l’ordre, « sont déjà apportées et portent leurs fruits tels que la mise en place d’une politique de recrutement chez les policiers et de programme de formation… », ajoute Anne-Yvonne Le Dain, député de l’Hérault. Mais il faut poursuivre les efforts entrepris et notamment en matière de « traçage des flux bancaires par le biais d’Internet, fondamental pour lutter contre le blanchiment d’argent, ou encore agir à l’échelle européenne en matière de protection de nos données grâce à nos talents nationaux en matière de cryptologie et de sémiologie. »

Poursuivre nos efforts donc, progresser grâce à « une collaboration entre les différents services de l’État, un partenariat entre la force publique et la force privée, entre l’État et les collectivités locales, entre la police et la gendarmerie, entre les services des douanes et tous les autres services de sécurité », précise Virginie Klès, sénatrice d’Ille-et-Vilaine et présidente de ces rencontres parlementaires. Savoir ce que font les autres services, échanger, décloisonner pour gagner en efficacité et en réactivité, chacun à son niveau de compétence. « Il faut aussi savoir à quel moment il convient de passer le relais. » Prise de position partagée par Jean-Louis Blanchou, préfet, délégué interministériel à la sécurité privée : « Nous devons favoriser la coopération et la complémentarité des acteurs de la sécurité. Le ministère de l’Intérieur doit s’adapter et modifier ses méthodes, et le secteur privé doit améliorer son professionnalisme et la formation de ses recrues. »

Des technologies et des hommes

Des hommes, il en est aussi une question prioritaire. Un an auparavant, lors de l’édition précédente des rencontres parlementaires de la sécurité, c’était Sandrine Mazetier, vice-présidente de l’Assemblée nationale, qui soulignait déjà : « L’aspect humain sans lequel aucun système, aussi sécurisé soit-il, ne pourrait fonctionner de façon satisfaisante et fiable. » Propos repris par Virginie Klès en clôture des débats qui a tenu à souligner : « En aucun cas les outils et la technologie ne feront une politique globale de sécurité. Seuls les hommes et les femmes qui les utilisent le peuvent. »

Evelyen Sire-Marin, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris

Quant aux technologies, elles sont au plus haut point du paradoxe : incontournables et dévastatrices à la fois. Ce fut ainsi l’objet de la seconde session au travers de la thématique de la cybersécurité qui a évoqué l’urgence d’agir pour une France qui s’est dotée d’un arsenal juridique bloquant, la gestion et l’analyse des risques, les grands défis 2014 pour les responsables sécurité des systèmes d’informations, l’évolution des objets connectés et les défis technologique, économique et sociétal intimement liés, l’ère de l’identité numérique sécurisée dans laquelle la France trouve aujourd’hui sa place malgré quelques freins, la protection des données qui constitue avec l’usurpation d’identité un véritable fléau : « Un kit comprenant une carte d’identité, un chéquier et un permis de conduire falsifiés coûte de 500 à 600 euros à Paris », souligne Evelyen Sire-Marin, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, la géolocalisation et la problématique du respect de la vie privée et des libertés publiques ou encore la réponse globale de la Gendarmerie nationale aux cyberattaques en trois volets : anticipation, prévention et répression. Une vision reprise par Alain Bauer : « Les outils existent, rien n’est à inventer. À New York,  grâce à la politique de la tolérance zéro, qui a imposé une réponse adaptée à chaque fait de criminalité et de délinquance, le taux de criminalité a été le plus bas de l’histoire l’an dernier. Les prisons se vident, et la criminalité n’augmente pas parce que l’impunité apparaît hors de portée : les réponses pénales sont structurées, les territoires organisés, la cartographie criminelle à jour. »
Propos nuancés par le professeur Jacques de Maillard, professeur de science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin lors d’une publication évoquant l’expérience de New York comme étant « ni un miracle ni un cauchemar » mais « un management autoritaire, focalisation sur les chiffres ou encore manipulation de l’enregistrement de la délinquance ».

Il revient enfin sur les nouvelles technologies pour améliorer la confiance entre la population et la police. « Nous devrions utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication non plus seulement comme outils de lutte contre la délinquance, mais comme vecteur de lien entre la police et la population, en tant qu’aide à la police, réduction des activités bureaucratiques au profit des relations avec les citoyens. » Une confiance « fragile », basée sur l’efficacité, le respect et l’écoute des citoyens et l’égalité de traitement, qui doit être améliorée car « une police en laquelle nous avons confiance est une police avec laquelle nous coopérons, auprès de laquelle nous portons plainte, à laquelle nous obéissons et que nous informons », mais « cette confiance ne peut être obtenue que sur le long terme, à travers les politiques de formation notamment », conclut-il. Un métier enfin à qui il serait bon d’apporter davantage de « dignité, et que celle-ci soit visible », ajoutait Anne-Yvonne Le Dain. Une police à l’image des Américains – très présents en matière de références lors de cette journée – « centrée sur la population, “to protect and to serve” », a ainsi ajouté David Skuli, directeur de cabinet du DGPN.

Une approche globale et une coopération transnationale, européenne et internationale, au service d’un continuum, pour un sujet transverse, qui possède une multitude de réponses à coordonner.

Des réponses qui pourraient avoir pour dénominateur commun le bon sens, tout simplement. « Je souhaite que ces débats sur la sécurité puissent faire l’objet d’un consensus républicain, car la sécurité ne devrait être ni de gauche ni de droite, mais elle devrait nous réunir autour d’un principe commun : le bon sens. La sécurité reste, pour moi, la première des libertés », a ainsi précisé Éric Ciotti. Ne reste plus qu’à mettre en application…