Par François Mattens
Du 8 au 11 janvier 2019, s’est tenu à Las Vegas le Consumer Electronics Show (CES), LE rendez-vous annuel pour les marques qui veulent être vues, tester l’intérêt de nouveaux produits et pour ceux qui souhaitent prendre le pouls des innovations matures (ou non) et des tendances à venir. D’une réputation qui va du salon de l’automobile à celui des objets connectés, un tel rendez-vous a-t-il in fine un intérêt pour la défense et la sécurité ?
Le CES, un salon du gadget ou des technologies qui préparent le futur ?
Initialement lancé en 1967 à New York, cette 52ème édition a confirmé ce salon comme une référence mondiale dans le monde de l’innovation high-tech et des nouvelles technologies avec plus de 4500 exposants et 183 000 visiteurs. A noter que la France a de nouveau augmenté sa présence 2019 avec plus de 430 entreprises dont la grande majorité (350) à l’Eureka Park, le hall dédié aux start-up.
Nonobstant, il ne faut pas s’y tromper, on n’y observe que très rarement de réelles ruptures technologiques mais plutôt un panorama à l’instant T de ce que l’industrie conçoit et souhaite promouvoir. Salon où le meilleur peut côtoyer le pire à l’instar d’un concours Lépine, il n’en reste pas moins un excellent moyen de faire un point de situation sur les tendances technologiques et une source d’inspiration pour préparer l’avenir.
Quelles grandes tendances d’intérêt pour la Défense et la Sécurité sur le salon ?
Bien qu’étant un salon « généraliste », le CES permet cependant de détecter certaines orientations du marché qui tendent à se dégager dans les allées. Aussi bien du côté des grands groupes comme des start-up, l’édition 2019 a révélé quelques pistes sur l’évolution technologique de nos sociétés et donc d’intérêt pour la défense et la sécurité.
- L’intelligence artificielle était omniprésente aux quatre coins du salon et dans la bouche de nombreux speakers qui se sont exprimés lors des conférences. Au-delà des usages BtoC, les progrès réalisés dans certaines applications sont à noter notamment pour ce qui est de l’analyse de l’image et la traduction automatique des langues.
- Les technologies appliquées au bien-être et à la santé sont assurément montées en puissance. Elles concernaient particulièrement la capacité à mesurer l’activité physique (au quotidien et/ou lors d’un effort) ainsi que l’analyse cérébrale. Le cerveau intrigue et catalyse l’innovation !
- Un hall entier était dédié aux drones qu’ils soient volants, flottants, sous-marins ou terrestres. Aucune révolution remarquée ni même revendiquée, mais quelques évolutions notables dans la qualité des capteurs, l’autonomie ou encore l’ergonomie de pilotage.
- La blockchain continue son avancée et ne se cantonne plus uniquement aux crypto-monnaies. Elle fait désormais son apparition dans des usages comme la sécurité des données ou encore la traçabilité.
- Enfin, dans le hall consacré aux constructeurs automobiles, les véhicules autonomes étaient au centre de l’attention et des innovations présentées. En complément de l’intelligence artificielle embarquée, ces derniers ont particulièrement mis en avant les innovations liées à l’interface homme-machine et aux capteurs (Lidar, ultra-son, etc.)
Quelques innovations détectées et ayant un intérêt opérationnel …
Au-delà des tendances, le CES 2019 a été l’occasion de (re)découvrir quelques pépites technologiques ayant un intérêt direct pour nos problématiques opérationnelles. Cette sélection est extraite d’un rapport de veille technologique réalisé par le GICAT.
- EleClean, qui a vu le jour au sein de l’Institut technologique de Taïwan, est une solution capable de transformer l’eau en désinfectant via de l’oxygène hautement actif en seulement 15 minutes, avec une efficacité de 99,9% pour la stérilisation des bactéries. Il utilise la technologie électrochimique pour réorganiser les molécules d’eau et produire un désinfectant ;
- Startup israélienne, Watergen a développé un boitier portable capable de produire de l’eau potable à partir de l’air ambiant, réduisant de facto la logistique et le transport de bouteilles d’eau ou de réservoirs ;
- Le T-Vest de Motebo, start-up française, est le premier gilet pare-balles connecté qui détecte en temps réel l’endroit du corps où le projectile a touché ou pénétré. Au moment de l’impact, le vêtement envoie une notification et la position géographique de l’utilisateur blessé ;
- La start-up parisienne XXII propose des produits en Intelligence Artificielle & technologies immersives. Elle propose notamment une IA capable de détecter des bagages abandonnés ainsi que des comportements potentiellement dangereux dans des lieux publics par exemple ;
- SafeZone est une solution américaine capable de détecter en quelques secondes des tirs, connaitre l’emplacement du tireur, le nombre coups de feu tirés et une estimation du calibre utilisé. Ainsi les primo-intervenants peuvent être correctement renseignés sur la menace en cours et prendre des mesures adaptées pour sécuriser une zone déterminée.
Florence Parly, ministre des armées, l’affirmait lors de l’ouverture du Forum Innovation Défense en novembre 2018 : « L’avenir ne se construit qu’en se réinventant. Le futur de notre défense réside dans notre capacité à nous dépasser et à innover. Ce que je souhaite, c’est de l’imagination de la créativité »1. L’open innovation n’est certainement pas l’unique solution miracle pour la défense et la sécurité mais s’en passer serait une grave erreur, ne serait-ce que pour anticiper certaines tendances impactant nos sociétés. En ce sens, le CES est un excellent lieu pour comprendre l’état de l’art de certaines technologies mais également stimuler l’inventivité et l’imagination de nos forces armées et de sécurité. En témoigne la présence de plusieurs entités du ministère des armées dont une délégation de l’Agence de l’Innovation de Défense.2
1 Source : Discours d’ouverture de Florance Parly lors du Forum Innovation Défense, 22 novembre 2018
2 https://www.acteurspublics.com/2019/01/11/au-ces-de-las-vegas-la-defense-part-a-la-chasse-aux-innovations-civiles