Le réseau radio du futur, grand projet régalien

La vision de l’institution

Par l’Ingénieur Général Guy Duplaquet, directeur de la mission de préfiguration du réseau radio du futur au sein du ministère de l’intérieur

C’est un vaste chantier que le ministère de l’Intérieur a ouvert avec la mise en place programmée d’un réseau radio à haut débit, commun aux forces de sécurité et aux unités chargées du secours, en remplacement des réseaux actuels, RUBIS et INPT. Un chantier que le président de la République n’a pas hésité à qualifier de « grand projet régalien » devant les forces de sécurité intérieures réunies le 18 octobre 2017. Le chef de l’Etat a alors précisé que ce dernier constituera « un grand projet industriel français et européen » faisant « l’objet d’un engagement clair en termes financiers dans le cadre du grand plan d’investissement ».

Un nouveau réseau de radiocommunications à l’état de l’art

Les principales évolutions depuis l’été dernier repose sur la sécurisation du financement du programme en mesures nouvelles d’une part et sur la concrétisation de plusieurs marchés du projet PCSTORM qui représente la brique de base du réseau radio du futur (RRF). Un projet conçu et développé par les équipes du ST(SI)² qui dotera, dans le courant de l’année 2019, les unités d’intervention (BRI/RAID et GIGN) d’un nouveau réseau de radiocommunications à l’état de l’art.

Ces deux actions (PCSTORM et RRF) sont complémentaires. PCSTORM constitue de fait la phase 1 du RRF, ce dernier programme devant progressivement compléter le projet PCSTORM en termes d’utilisateurs (extension à d’autres missions [sécurité civile] et services à l’interministériel [SAMU, Armées, douanes, pénitentiaire, DIR…] ou en collaboration avec les collectivités territoriales [SDIS, services des routes…], opérateurs de l’État [ONF…], opérateurs de services essentiels [RATP, SNCF, EDF…], associations agréées de sécurité civile [Croix Rouge…]) et de services (communications air-sol, mode direct, partage de spectre, évolution vers la 5G…) tout en assurant l’interopérabilité avec les partenaires potentiels du service, en particulier à l’échelle européenne. Des marchés complémentaires à PCSTORM destinés aux acteurs du secours seront initiés dès 2019 tant pour le service d’accès au réseau opérateur que pour les applications MCPTT et MCVidéo.

Il s’agit d’une technologie « mature » déployée sur le RRF. Une technologie qui devra continuer à évoluer au rythme de la standardisation et des générations technologiques annoncées telles que la 5G. Cette évolution se fera de manière naturelle grâce au choix initial d’un appui sur des systèmes normalisés par le 3GPP et à la compatibilité ascendante. De plus, l’appui massif sur les réseaux commerciaux permettra de bénéficier des investissements des opérateurs au profit du grand public sans imposer d’investissement spécifique à l’État.

Des enjeux stratégiques

Le RRF se veut un réseau unique, commun à l’ensemble des acteurs de la sécurité et du secours, au service de l’interopérabilité et de la coordination des policiers, des gendarmes, des sapeurs-pompiers et de tout autre acteur de la sécurité et du secours dont les Opérateurs d’Importance Vitale et les polices municipales par exemple.

Ce réseau offrira de nouvelles fonctionnalités répondant à l’émergence de besoins nouveaux, nécessitant des débits accrus telles que les communications vidéos de groupe. Il sera fortement résilient, offrant une couverture réseau complète tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments et s’appuiera sur des technologies LTE/4G et des équipements standards, pouvant bénéficier des évolutions technologiques futures et permettant de palier l’obsolescence des réseaux actuels et d’éviter la hausse des coûts de maintien en condition opérationnelle. L’objectif est de disposer de ce réseau pour les évènements majeurs à venir, dont la Coupe du Monde de Rugby en 2023 et les Jeux Olympiques de Paris en 2024.

Le RRF repose sur plusieurs principes : un caractère hybride s’appuyant massivement sur les opérateurs privés de la téléphonie mobile ; des applicatifs spécifiques permettant de sécuriser les transmissions de toute nature (sons, images, textes, accès aux SI) ; des dispositifs autonomes mobiles permettant de répondre à des événements critiques particuliers ou à une absence de couverture dans une zone géographique donnée (bulles tactiques véhiculaire ou portable et grande bulle tactique d’infrastructure) et enfin la mise en place d’un structure porteuse, idéalement un établissement public à caractère administratif. Créée par décret, elle est aujourd’hui privilégiée par le ministère. Les projets de textes définitifs élaborés en collaboration avec la direction juridique sont quasi finalisés et doivent être soumis à validation ministérielle et interministérielle prochainement. Cette structure devrait être créée dans le courant du deuxième trimestre 2019 levant ainsi la problématique actuelle de la « gouvernance » et du pilotage du programme.

Une stratégie de résilience dans la profondeur

Cette problématique est centrale. Elle a donc réunit tous les services techniques du ministère de l’intérieur et les forces. A l’image du schéma ci-dessous, il a été imaginé une stratégie de résilience dans la profondeur (à plusieurs niveaux) s’éloignant ainsi des réflexions jusqu’alors « périmétriques ».

Feuille de route 2019

A court terme, la feuille de route 2019 prévoit notamment le lancement de plusieurs expérimentations, le lancement des études pour les plaques résilientes et le lancement des marchés d’extension. La structure cible qui assurera le portage pérenne du programme doit être créé d’ici à la fin du printemps, une fois les nécessaires approbations obtenues.

Sur le moyen – long terme, l’objectif reste une stabilisation du déploiement du RRF à l’été 2023. Viendra ensuite, post 2025, la phase de « dé-commissionnement » des réseaux actuels.

Des orientations confirmées

Tout au long des trois dernières années, les travaux ont permis de préciser les orientations à retenir pour ce programme RRF. Parmi celles-ci figure l’appui inconditionnel sur la normalisation internationale afin de disposer d’un outillage évolutif, maîtrisé en termes économiques, et pouvant être acquis dans le contexte d’un écosystème riche. Le passage d’une stratégie patrimoniale à une stratégie d’achat de services (l’État s’appuie sur des infrastructures commerciales dans un cadre contractuel clarifié et exigeant) est impératif au regard des coûts très élevés de la construction d’une nouvelle infrastructure de communication qui se chiffre à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Enfin, une stratégie d’ouverture du service vers des partenaires tiers, à la fois pour aller dans le sens de la recherche d’une interopérabilité maximale entre les forces et pour rechercher des partenariats pour le financement du service est vital.

L’ensemble de ces éléments sera essentiel dans une approche de « continuum » de sécurité qui sera la garantie pour les forces de sécurité et secours à personnes de disposer d’un moyen de communication performant et résiliant indispensable pour mener dans les meilleurs conditions leur mission de service public. Cela d’autant plus que les outils de l’ensemble des partenaires impliqués répondront aux mêmes standards et à un cadre juridique harmonisé par les différentes entités concourantes du ministère de l’intérieur.