Etat des lieux de la lutte contre le trafic de produits falsifiés dans le domaine de la santé

Le trafic de faux produits médicaux est un véritable fléau de Santé publique affectant à la fois les pays pauvres et économiquement développés. Le marché de la contrefaçon à l’échelle internationale est estimé à plus de 200 milliards d’euros en 2017, selon le Forum Economique Mondial.

Ce business particulièrement lucratif fait des centaines de milliers de victimes chaque année. Et pour cause, contrairement au trafic de stupéfiants, le commerce de faux produits pharmaceutiques reste largement impuni dans de nombreux pays.

Un trafic en plein essor

La définition des faux médicaments est souvent mal comprise désignant parfois les médicaments vendus en contrebande ou bien ceux interdits dans certains pays. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) précise qu’il s’agit de produits dont l’identité, la composition ou la source sont représentées de manière trompeuse.

Il reste aujourd’hui difficile de mesurer l’ampleur du trafic de médicaments falsifiés. Toutefois, le bilan des années de coopération entre l’Organisation mondiale des douanes et l’Institut International de Recherche Anti-Contrefaçon de Médicaments (IRACM) offre un aperçu de son évolution dans certains pays d’Afrique. Cinq opérations ont été menées dans les grands ports maritimes africains depuis 2012 permettant la saisie de près de 800 millions de produits pharmaceutiques et contrefaits dont la plupart sont de faux médicaments. Si le continent africain est particulièrement touché, les autres pays ne sont pas en reste car ce trafic, en pleine expansion, est désormais mondial. Sans oublier qu’Internet facilite grandement les ventes illégales dans les pays développés.

« Le trafic de médicaments se développe de manière phénoménale. Pour le crime organisé, c’est un faible risque et un maxi-profit, près de 10 à 20 fois plus que la drogue. Plusieurs régions du monde sont touchées et notamment l’Afrique dans son ensemble. En effet, 70 % des médicaments qui y sont délivrés sont des faux. Cela s’explique essentiellement par la pauvreté, la pénurie de médicaments et le manque de moyens de contrôle. Les peines encourues sont ridicules : 6 jours d’emprisonnement pour les grands trafiquants de faux médicaments ! », déplore Bernard Leroy, Directeur de l’Institut International de Recherche Anti-Contrefaçon de Médicaments. Précisons que l’IRACM, créé en 2010, développe son activité autour de trois axes principaux : les stratégies, en convainquant les gouvernements de s’attaquer au problème, les législations qui doivent être améliorées car très mauvaises en général, la formation des juges et des procureurs.

Facteurs influents et problématiques

Un ensemble de facteurs explique l’essor de cette activité frauduleuse. Ce commerce s’appuie d’abord sur un manque de régulation et des dispositifs législatifs inadaptés, la plupart des pays du monde disposant d’une loi sur les médicaments contrefaits mais pas sur les médicaments falsifiés. « S’il n’y a pas une loi au niveau interne qui pénalise la production, la fabrication, la distribution de ces faux produits médicaux ou d’autres infractions similaires, rien ne se passe. Il faut que les États modifient leur législation sur la base de la Convention MEDICRIME », affirme Oscar Alarcón Jiménez, conseiller juridique au service de lutte contre la criminalité à la Direction générale Droits de l’Homme et État de droit du Conseil de l’Europe.

Parmi les facteurs favorisant ce trafic figurent également le manque de sensibilisation des populations et l’avènement d’Internet garantissant l’anonymat des criminels et l’opacité des transactions financières. « Internet est idéal pour les trafiquants. Les motivations des patients qui achètent des médicaments en ligne sont diverses : faible coût, préservation de l’anonymat pour se procurer un médicament traitant les problèmes considérés comme gênants (viagra, produits amaigrissants ou anabolisants) ou encore la volonté de contourner l’obligation de prescription médicale. Cet outil créé finalement de faux espoirs chez les consommateurs », poursuit Bernard Leroy.

Autre facteur : les importations parallèles autorisées par quelques pays conformément au principe de libre circulation des marchandises. Elles consistent pour les grossistes-répartiteurs en médicaments à s’approvisionner à certaines conditions dans un autre État membre dans l’objectif de bénéficier de tarifs plus intéressants. « Cette pratique pose plusieurs problèmes. D’une part, elle autorise l’importateur à adapter et modifier le conditionnement du médicament, d’autre part, elle contribue à augmenter le nombre d’intermédiaires fragilisant la sécurité des chaînes d’approvisionnement ».

Enfin, la corruption contribue largement au développement de cette activité. « Il y a un échec au niveau du fonctionnement des institutions, au sein des ministères et des chaînes d’approvisionnement. Il y a aussi une réticence de la part de beaucoup pays à reconnaître l’existence ou la gravité du problème. On peut par ailleurs penser que les systèmes de surveillance de production et de distribution de ces produits sont inefficaces », indiqueOscar Alarcón Jiménez.

Initiatives et moyens de lutte

Des mesures gouvernementales ont été instaurées afin d’assurer la protection sanitaire des citoyens. La Convention MEDICRIME élaborée par le Conseil de l’Europe permet de mener une action coordonnée contre le commerce de médicaments contrefaits. « Cette convention pénale ouverte à la signature le 28 octobre 2011 vise principalement à prévenir et combattre les menaces qui pèsent sur la santé publique en incriminant un certain nombre d’actes, protégeant le droit des victimes de ces infractions, en promouvant la coopération nationale et internationale. Aujourd’hui, 15 pays ont ratifié la Convention MEDICRIME dont trois pays sont africains et 13 autres pays l’ont seulement signé. Récemment, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a donné son feu vert afin que deux autres pays africains, à savoir le Congo et la Côte d’Ivoire, puissent adhérer à la convention. Au niveau juridique, la Convention MEDICRIME est le premier et le seul traité international luttant contre la falsification de produits médicaux. Il s’agit d’une convention à caractère universel, ouverte à l’ensemble des États », conclut Oscar Alarcón Jiménez.

Des directives européennes transposées au niveau national et complémentaires à la convention MEDICRIME ont également été mises en place. Parmi elles, il y a la directive européenne « Médicaments Falsifiés » adoptée en mai 2011. Celle-ci a apporté une première définition du faux médicament. Elle prévoit un certain nombre de mesures dont l’apposition de dispositifs de sécurité et de traçabilité, un meilleur contrôle de la chaîne de distribution, un encadrement de la vente de médicaments sur Internet, de nouvelles normes concernant les entreprises, matières premières et excipients.

Plusieurs organismes participent à la lutte contre le trafic de faux produits médicaux et coordonnent leurs mises en œuvre. En font notamment partie : le Conseil de l’Europe, l’Organisation mondiale des douanes (OMD) qui assiste la traque des médicaments falsifiés, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui facilite la mise en œuvre des conventions et traités internationaux, Interpol ou encore la Commission européenne. Les ONG jouent aussi un rôle important dans ce combat.LOMS et l’International Medical Products Anti-counterfeiting taskforce (IMPACT) ont créé un programme de lutte contre la contrefaçon qui s’articule autour de cinq groupes de travail : la législation, les aspects réglementaires, la répression, la technologie et la communication.

Ainsi, la lutte contre le trafic de faux produits médicaux doit se poursuivre à travers des actions globales et internationales. Elle doit avant tout se traduire par une harmonisation des réglementations. La gestion des médicaments saisis est un autre défi auquel les pays devront faire face.