Le Commando Hubert : l’élite au service de la nation

Entraînement au treuillage et corde lisse sur une ECUME pour le commando Hubert au large de Toulon.

Inspiré de l’unité d’élite des fusiliers marins de la France Libre pendant la Seconde Guerre mondiale, le commando Hubert doit son nom à l’un des 177 Français, Augustin Hubert, qui ont débarqué ce 6 juin 1944. 80 ans plus tard, les hommes du Commando Hubert continuent d’œuvrer dans l’ombre avec discrétion, dévouement, rigueur et professionnalisme.

Rencontre avec le commandant du commando Hubert, le capitaine de frégate P.

Par Camille Léveillé

Profession : nageurs de combat

Après une première expérience sur frégate en tant qu’officier de Marine puis comme officier au commando de Montfort au sein duquel il est déployé en Afghanistan, le capitaine de frégate P. a souhaité rejoindre les cours de nageurs de combat, accédant ainsi au fameux commando Hubert. Il se souvient de ses premières missions : « J’ai ce souvenir d’opération où, avec mes coéquipiers, nous nous sommes infiltrés en parachute dans le désert. Toute l’opération s’est déroulée presque sans paroles, dans un grand calme. Jusqu’à l’ouverture du feu, à bout portant. Puis à nouveau le silence. Et progressivement ce sentiment exaltant du devoir accompli en équipe. L’otage était en vie, et libre, après trois année de captivité. C’était une récompense incroyable. Nous voyons et nous vivons des choses extraordinaires en mission. Faire partie du commando Hubert c’est faire partie d’une aventure. » Alors pas étonnant que le commando Hubert suscite admiration et respect de ses pairs. Les missions qui lui sont confiées sont d’une extrême exigence. La sélection est rude. Ils sont aujourd’hui un peu moins de 200à faire partie des élus. Parmi eux, moins de 100 nageurs de combat. « Nous recrutons des personnels qui sont déjà formés au contre-terrorisme, aux techniques commandos d’insertion dans la profondeur, d’insertion maritime, etc. Tout nageur de combat a des capacités d’action offensive subaquatique. Ils vont ensuite acquérir des spécialités dans la libération d’otages, dans les sauts à très haute altitude, au-delà de 4000 mètres, dans le renseignement ou le tir à haute précision, jusqu’à 2000 mètres. Nous recherchons des hommes intelligents, rigoureux, dotés d’une excellente mémoire et ayant des capacités de jugement suffisamment sûres pour prendre des décisions rapidement et avec sang-froid lorsque le combattant est isolé. Pendant la formation au cours nageurs de combat, nous leur apprenons à travailler en binôme, à être capable de se déplacer sous l’eau, de nuit, avec pour seul matériel une boussole, une montre et un profondimètre. Il ne faut jamais faire surface et être capable, après plusieurs heures de plongée, de trouver sa cible. Le binôme évolue en autonomie totale et communique au moyen de signaux gestuels précis, ce qui demande un important travail de préparation et de mémorisation du trajet et d’étalonnage. Un nageur de combat doit connaître parfaitement sa vitesse pour appréhender la distance parcourue et doit être certain de palmer droit. Lorsqu’il prend un cap, aucun doute sur l’orientation n’est possible. La seule option est la bonne direction. Nous essayons d’amener un maximum de monde au bout de la formation mais le milieu et la mission sont extrêmement sélectifs ».

Haute-intensité et rapport à linnovation

« La guerre en Ukraine a remis sur le devant de la scène la possibilité d’un conflit de haute-intensité sur le sol européen. Au sein du commando, nous nous sommes toujours entraînés à mener des missions de cet ordre. Nous concentrons désormais notre entraînement sur des hypothèses d’emploi plus durcies. Notre travail de commando nageurs de combat tend à se rapprocher aujourd’hui de celui de nos anciens, pendant la Seconde Guerre mondiale » souligne le commandant. Un changement de paradigme qui nécessite des évolutions jusque dans la conduite des opérations. « Ces trente dernières années ont été marquées par un contexte où nous menions beaucoup de missions de contre-terrorisme et de libération d’otages. Nous nous préparons à mener davantage d’actions en petites unités, dans la profondeur. L’émergence de nouveaux milieux, que ce soit des menaces dans le spectre électromagnétique ou dans l’espace cyber, complique encore les missions. Nous devons nous préparer à une hypothèse d’emploi où nous serions face à un adversaire qui dispose de ce type de capacités, nous amenant à nous adapter, encore et toujours » poursuit-il.Autre conséquence du retour à la haute-intensité : le rapport à l’innovation. « Le processus d’innovation dans les armées fonctionnait déjà en période de paix. Mais la guerre en Ukraine a nécessairement conduit à une prise de conscience du besoin d’accélérer nos processus d’innovation. Certaines briques technologiques permettent d’envisager de faire la guerre autrement. Le principe de la guerre ne change pas mais les nouvelles capacités cyber, d’intelligence artificielle ou liées aux drones modifient nécessairement le champ de bataille » soutient le commandant du commando Hubert qui préconise : « L’innovation dans les armées qui fonctionnait sur des cycles de 2 ou 3 ans doit être revue. Au sein du commando, notre besoin est plutôt de l’ordre de 6 mois. Pour ce faire, industriels et opérationnels doivent travailler de concert, ce qui va nécessiter un changement d’état d’esprit et de procédures ».

Des valeurs et des hommes

« La santé psychologique de nos opérateurs est évidemment cruciale pour nous. Nous prenons naturellement soin les uns des autres. Nous sommes très peu. Nous sommes une famille. Par ailleurs, d’un point de vue de la ressource humaine, nous avons peu d’opérateurs. Ils détiennent des qualifications multiples et durement acquises et chaque opérateur compte. De retour de mission, plusieurs processus nous permettent un retour “à la normale » précise le capitaine de frégate P. La mise en place d’un sas de décompression est indispensable pour amorcer une stabilité émotionnelle. « En fin de mission, nous considérons qu’il est normal que le fonctionnement d’un combattant soit modifié. Il a été au combat pendant plusieurs mois, il est dans un état d’hyper vigilance que nous pouvons considérer comme normal, un temps. Mais si cet état vient à durer, alors nous avons des outils pour lui permettre de retrouver une situation de stabilité émotionnelle. Ce qui peut être difficile est la phase de déni de la situation. Nous sommes donc extrêmement vigilants, notamment aux signaux faibles » soutient le commandant du commando Hubert.

Ces hommes d’exception qui ont fait foi d’un engagement sans faille envers la nation et la protection des citoyens du monde. Déployés sur les missions les plus extrêmes, notamment de contre-terrorisme et de libération d’otages, certains d’entre eux ont perdu la vie pour sauver celles des autres, à l’image des premiers maîtres Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, sauvant des otages français, sud-coréen et américain, au Burkina Faso en 2019. « Leur souvenir est présent au quotidien dans l’unité. Le lien qui nous unit est extrêmement fort. Indéfectible. Nous sommes des frères d’armes » rappelle le capitaine de frégate P. et de conclure : « Je crois que le lien qui nous unit au commando Hubert reste vivace toute notre vie. A la fin de leur temps d’active, beaucoup d’anciens choisissent de rejoindre la réserve opérationnelle. C’est aussi une manière pour nous de continuer à profiter de leur riche expérience. Il y a une fraternité intergénérationnelle remarquable et un vrai respect mutuel. C’est l’une de nos grandes forces. »

photo : copyright  : Jonathan Bellenand /Marine Nationale / Défense)