La crise sanitaire mondiale, qui touche désormais la quasi-totalité des pays de la planète, met davantage en exergue la fragilité de certaines catégories de population. « Le coronavirus pourrait toucher de façon disproportionnée les pauvres », avait expliqué en mars le magazine américain Time. Les personnes qui vivent dans les conditions les plus précaires se retrouvent inégalement informées et protégées face au virus. Certains Etats possèdent davantage de moyens que d’autres pour mettre en place des solutions d’aide aux populations démunies. Comment la France protège les populations les plus démunies ?
En France, « pour les plus précaires, les plus démunis, les personnes isolées, nous ferons en sorte, avec les grandes associations, les collectivités locales et leurs services, qu’ils puissent être nourris, protégés, que les services que nous leur devons soient assurés », avait déclaré le président de la République, Emmanuel Macron, le 16 mars. Dans ce contexte, le gouvernement a pris des mesures concernant les SDF : prolongation de la trêve hivernale jusqu’à la fin mai, suspendant ainsi les expulsions de 14 000 personnes, réquisitionnement de logements et aide financière. « Ces avancées sont très positives et montrent une forte mobilisation des services de l’État, mais cela doit n’être qu’un début et monter en puissance », avait réagi Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) qui regroupe 800 associations de lutte contre la pauvreté. La population sans-abri s’élevant à environ 160.000, la FAS réclame un « plan national ». Et Florent Gueugen d’ajouter : « il faudrait des dizaines de milliers de places supplémentaires si l’Etat veut héberger tous les SDF ».
Les associations françaises telles que le Secours catholique, la Croix-Rouge, la Fédération des centres communaux d’action sociale ou encore les Epiceries solidaires, se mobilisent et échangent avec le gouvernement sur les plans d’action à mettre en œuvre. De nombreuses initiatives voient le jour. Les Restos du cœur lancent à un appel aux bénévoles sur leur site national, les missions de distribution alimentaire nécessitant un nombre conséquent de volontaires. « Nous recentrons nos activités sur l’aide alimentaire, qui demande beaucoup de manutention pour renforcer, notamment, la distribution de colis tout faits, mieux adaptée à la situation sanitaire », précise Patrice Blanc, président des Restos du cœur.
Dans le même sens, la Croix rouge a pris des mesures. Pour apporter un soutien psychologique aux personnes isolées ou ne pouvant se déplacer, l’association a mis en place un numéro de téléphone solidaire.
La ville de Paris procède désormais à la distribution de 2000 sachets repas individuels dans ses restaurants solidaires ; produit chaque jour 2000 sachets repas quotidiens pour les maraudes de la protection civile et du Samu social ainsi que pour le réseau des paroisses ; ouvre en coordination avec l’État et l’association Aurore, 5 nouveaux points permettant la distribution de 4000 sachets repas individuels : Barbès (18e), Carreau du temple (3e), Grands Voisins (14e), Quai D’Austerlitz (13e) et Halte humanitaire porte de la Chapelle (18e). 140 sanisettes disposées dans l’espace public gérées par l’entreprise Decaux ont également ouvert ce mardi 24 mars.
La vulnérabilité des migrants face au Covid-19
En Libye, en Afrique, au Mexique, en Turquie, en Grèce ou encore en France… autant de territoires de transit où des campements de fortune s’établissent et dont la population migrante pourrait subir une catastrophe sanitaire redoutable. A Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, un campement de migrants compte « environ 500 personnes qui vivent sur un terrain vague particulièrement insalubre, sans point d’eau ni de toilettes, alors qu’on dit aux gens de ne pas se regrouper et de se laver les mains », alerte Louis Barda, de Médecins du monde. La problématique est la même ailleurs : comment endiguer la propagation du virus auprès des populations migrantes, dont les conditions de vie ne peuvent répondre aux règles du confinement ? Les risques sont les mêmes en Grèce, où des dizaines de milliers de personnes venant de Turquie sont privées des services d’hygiène élémentaire. La situation fait planer la menace d’une « catastrophe sanitaire », selon le député européen Alliance 90/Les Verts allemand, Erik Marquardt. Et Antoine Nehr de l’ONG Utopia 56 d’ajouter : « Si le virus se propage dans un camp, cela va être un désastre ».
Ces avertissements mettent en exergue les conséquences de la pandémie sur le système d’asile dans toute l’Europe puisque l’Union Européenne a verrouillé ses frontières extérieures pour 30 jours.
L’urgence sanitaire a aujourd’hui des répercussions particulièrement forte sur la gestion de la crise migratoire, notamment en Europe. L’Allemagne a par exemple gelé ses programmes d’accueil humanitaire de réfugiés en provenance de Turquie et du Liban, alors qu’elle s’était engagée à accueillir 5.500 personnes en 2020.
La pauvreté et l’instabilité : les carburants du chaos sanitaires
Les pays en guerre, les sociétés peu ou sous-développées, les Etats faillis comptent des populations qui vont devoir affronter cette crise sanitaire dont les conséquences apparaissent aujourd’hui comme difficilement quantifiables. « Si nous confinons les villes, (…) nous sauverons ses habitants du coronavirus d’un côté, mais ils mourront de faim de l’autre », a déclaré le chef du gouvernement pakistanais, Imran Khan. Le pays, qui cumule les problèmes d’illettrisme, d’un système de santé défaillant, d’un fort taux de population pauvre, ne possède pas les ressources nécessaires à la lutte contre la propagation du virus.
En Syrie, « l’OMS est extrêmement préoccupée par l’impact que le Covid-19 pourrait avoir dans le pays, notamment dans la province d’Idleb », a souligné le porte-parole de l’organisation. Le pays, empêtré dans une guerre civile depuis bientôt une dizaine d’année, n’a recensé pour l’instant qu’une seule personne contaminée. Néanmoins, le manque de communication de la part du gouvernement syrien, qui se félicitait jusqu’à récemment d’être le seul pays du Proche-Orient à ne pas être touché par le virus, rend peu visible la propagation réelle du Covid-19 dans le pays. L’urgence sanitaire s’impose néanmoins dans la région d’Idleb, théâtre d’une offensive du régime de Bachar al-Assad et de son allié russe contre les poches jihadistes et rebelles, avant l’entrée en vigueur le 6 mars d’une trêve négociée par Moscou et Ankara, parrain de groupes insurgés. Ainsi, l’OMS a indiqué que des tests seront disponibles à Idleb, où près d’un million de personnes ont été déplacées entre décembre et mars.
La crise sanitaire mondiale s’intensifie de jour en jour. Les populations les plus démunies se trouvent être, une nouvelle fois, les plus exposées et les plus frappées par la propagation du virus. Alors que tous appellent dans leurs discours à protéger les plus fragiles, une frange de la population mondiale semble rester sur le bord du chemin… Les initiatives prises dans certains pays et les recherches médicales actuelles sur des vaccins ou sur des traitements efficaces laissent malgré tout entrevoir un espoir pour l’ensemble des populations mondiales. Une crise, dont les conséquences sanitaires, humaines et économiques mais aussi écologiques, devraient nous obliger à repenser nos schémas et nos modèles de société pour un lendemain plus durable, respectueux et vertueux à tous les niveaux.