Rachel-Flore Pardo : avocate, militante, une femme de combats au service du droit des femmes et des plus vulnérables

Issue d’une famille d’avocats, Rachel-Flore Pardo a d’abord envisagé une autre voie professionnelle avant que ses convictions ne la rattrapent. Entre passion, dévouement et volonté de faire changer les choses, elle passe en 2017 le barreau. Nous sommes en plein mouvement #MeToo. Une mobilisation planétaire qui sera déterminante pour la suite de son parcours… 

Propos recueillis par Camille Leveillé 

Avocate et activiste féministe : au nom du droit 

« J’étais déjàà titre personnel, engagée pour la défense des droits des femmes. Au moment où je passe le barreau, je sais que je veux me servir de ma profession pour être au service des causes que je défends. Aujourdhui, je suis avocate et activiste féministe. En tant quavocate, je défends mes clients. En tant quactiviste, je porte une cause et ma profession est utile à celle-ci ». Depuis, Rachel-Flore Pardo est de ces femmes qui s’engagent quotidiennement pour défendre celles et ceux qui en ont le plus besoin. L’amenant à rencontrer des êtres qui la touchent. Beaucoup de femmes et des histoires de vie qui ne laissent pas indifférente. Si elles sont nombreuses, l’avocate se remémore notamment une soirée hivernale. Un dimanche, où une femme est venue lui demander son soutien. « Il était 21 heures. Cette femme souhaitait déposer plainte pour des faits de viol, subis la veille. Nous nous sommes rendues dans 3 commissariats différents avant que sa plainte soit enfin prise. Iétait 3 heures du matin. Nous avons dû ensuite nous démener pour quelle soit examinée par les Unités Médico-Judiciaire àl’hôtel Dieu. Il était 4 heures du matin. A ce moment précis, jai réellement pris conscience quil fallait davantage faciliter et aider les victimes à se tourner vers la justice. Le parcours judiciaire peut être compliqué, très compliqué. Lavocat est à la fois un bouclier et un traducteur. Il protège son client et laccompagne face à une institution judiciaire qui peut êtredifficile à comprendre alors même que les victimes sont dans le désarroi le plus total ».  

Eriger une voix contre les cyberviolences 

Cet engagement auprès des victimes est essentiel pour Rachel-Flore Pardo. « Avec mes clients, nous construisons une véritable relation de confiance, je me sens proche de ces femmes et de ces hommes qui viennent me voir » confie-t-elle. Un engagement qui se matérialise également en 2020 lorsqu’elle co-fonde l’association #StopFisha. « Lorsque Shanley Clemot McLaren, co-fondatrice et co-présidente, minforme de lexistence de comptes qui diffusent des contenus à caractère sexuel de jeunes femmes, pour la plupart mineures, sans leur consentement, jai été frappée par notre impuissance. Lorsquune photo est diffusée, il est presque impossible darrêter sa diffusion ». Aujourd’hui aux côtés de l’association, Rachel-Flore Pardo poursuit son combat. « Nous souhaitons porter une voix contre les cyberviolences et le cybersexisme et apporter le meilleur accompagnement possible aux personnes qui nous sollicitent. Nous continuons dexiger de la France, de lUnion européenne et des plateformes quils soient au rendez-vous face à ce fléau quest le cybersexisme. Ces violences touchent majoritairement les femmes, notamment les femmes publiques, celles qui prennent la parole dont les femmes politiques, ce qui en fait un véritable enjeu démocratique. Si lon veut que les femmes sengagent, prennent leur place dans la société et dans la vie démocratique au sens large, il est essentiel quelles puissent sexprimer véritablement librement dans ces espaces d’échange. Souvent régulation et liberté dexpression sont opposées, mais je pense que si nous ne régulons pas mieux, cest la liberté dexpression des plus vulnérables qui est bafouée »

Et l’avocate de rappeler : « les victimes ne sont pas uniquement des femmes. Je pense que Me Too Garçon est un mouvement très important. Il met en lumière une catégorie de la population que lon a trop longtemps écartée des violences sexuelles, ne les considérant pas comme victimes. Plus largement, je milite pour casser les stéréotypes attachés aux violences sexuelles parce que ces derniers contribuent à une invisibilisation des violences sexuelles. Cela empêche de les appréhender dans leur diversité et donc dans leur réalité». 

Des avancées quil faut poursuivre 

Dans la lutte contre les violences en ligne, l’entrée en vigueur du Digital Service Act, a permis à « lUnion européenne de se placer en véritable leader de la régulation numérique. Il faut poursuivre dans cette voie, en sattaquant notamment à ces plateformes qui sont actuellement dans langle mort de la haine en ligne comme Telegram » souligne Rachel-Flore Pardo. Au niveau national, l’avocate plaide pour une réflexion sur la manière dont la justice pénale appréhende ces cyber-violences sexuelles et sexistes. « Par leur ampleur et leur viralité, elles nécessitent peut-être dautres formes de réponse que la caractérisation pénale classique. Il est important daccentuer la formation et les moyens sur ces nouvelles formes de violences. » explique-t-elle, et d’ajouter : « Il en va de même pour les violences sexuelles et sexistes dans le monde physique. En général, le procureur de la République classe sans suite les plaintes pour violences sexuelles parce que l’infraction nest pas suffisamment caractérisée, quil y a un manque de preuves. La formation de tous les acteurs peut contribuer à ce que ces preuves soient mieux recueillies. Certes il arrive que la justice napporte pas de réponses suffisantes à ces faits mais il arrive aussi quelle soit utile et quelle protège les personnes en danger. Il faut encourager les victimes de violences sexuelles et sexistes à se tourner vers la justice si elles en ressentent le besoin. La justice peut les sauver. » clame Rachel-Flore Pardo. 

Un phare pour le droit des femmes

« Lentrée de lIrruption Volontaire de Grossesse dans la Constitution française cest lentrée du droit des femmes dans la Constitution. La France est le premier pays au monde à inscrire lIVG dans la constitution, en cela nous envoyons un message puissant au monde. Le Président de la République la dit, il faut poursuivre ces efforts désormais en portant ce message au niveau européen et entériner ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de lUnion européenne » soutient Rachel-Flore Pardo. Rappelons que, dans le monde une femme meurt toute les neuf minutes des suites d’un avortement illégal. « Lorsquun avortement nest pas licite, lavortement tue. Il nest pas possible d’empêcher les femmes davorter, en revanche on peut leur permettre davorter dignement et en sécurité. Je crois que cela pourrait être un combat à mener. Aujourdhui, avec sa décision la France est devenue un phare dans le domaine de la protection du droit des femmes et ce, pour toutes les femmes du monde. Tant quelles ne seront pas libres de choisir d’être mère ou de ne pas l’être, le combat pour le droit des femmes ne sera pas terminé » poursuit l’avocate, et de conclure : « Je souhaite que la France continue de prendre toute sa place, comme elle la fait avec linscription de lIVG, dans la lutte féministe et dans la défense du droit des femmes et des plus vulnérables. Pour ma part, jy consacrerai toutes mes forces ».